L'école et l'église du village. Comme toutes les maisons et boutiques, elles sont construites sur des milliers de coquilles d'huîtres. © KRIS PANNECOUCKE

Un paradis sous les mangroves

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Entre fleuve, mer et terre, le Parc marin des mangroves, au Bas-Congo, est le royaume des hippopotames, des tortues, des lamantins… Les femmes de la région récoltent des huîtres. Un travail épuisant.

C’est un labyrinthe d’îles et de canaux où l’on s’égare facilement. Impossible d’atteindre la région en voiture, même en 4×4. Il faut, aux rares visiteurs qui s’aventurent dans le parc, pas moins d’une heure et demie de bateau pour atteindre les biefs secondaires, sous le couvert de la mangrove, forêt de béquilles posée sur les eaux. Arrêt du moteur de l’embarcation : le silence permet d’entendre les cris des singes cercopithèques et de distinguer, sur les berges, les trous de poissons et de crabes. Sur les rives, des mamans assises par terre enfilent des huîtres cuites sur des sticks à brochettes. Elles seront vendues au marché de Muanda, un dollar pour cinq unités.

Bien moins connu que les prestigieux parcs nationaux de l’est de la RDC, le Parc marin des mangroves, au Bas-Congo, a été délaissé depuis sa création, en 1992. Il est, certes, plus facile de lever des fonds pour la protection des gorilles, des bonobos ou des lions que pour la sauvegarde des lamantins, des tortues et des serpents, principales espèces animales de ce parc de la rive nord du fleuve Congo. Une forme de « racisme » dicte sa loi à la conservation de la nature au niveau mondial : le choix de protéger une espèce dépend de ce qui fait « vendre ». Imagine-t-on une organisation de protection des animaux adopter pour logo une tarentule ou un python ?

Il faut plonger à plus ou moins quatre mètres de profondeur et fouiller la vase pour ramener une poignée d'huîtres. Un travail éprouvant. 80 % des pêcheurs sont des femmes.
Il faut plonger à plus ou moins quatre mètres de profondeur et fouiller la vase pour ramener une poignée d’huîtres. Un travail éprouvant. 80 % des pêcheurs sont des femmes. © KRIS PANNECOUCKE

Une prise de conscience de la richesse et de la fragilité du Parc marin des mangroves semble néanmoins d’actualité. Actif sur le terrain ces derniers mois, un Belge du Congo, Marcel Collet, occupe officiellement, depuis mars, les fonctions de directeur du parc. Il s’est installé, avec sa famille, à Muanda, principale agglomération de la région. Sa tâche : gérer le site et en assurer la protection et la pérennité. « Je coordonne la lutte contre le braconnage, le monitoring sur la biodiversité et l’implication des riverains dans la conservation de la nature », explique-t-il.

Chaque mois, une vingtaine de touristes en moyenne visitent le parc, dont 95 % sont des expatriés occidentaux installés à Kinshasa. Quelques Belges de passage font aussi le détour. Le droit d’entrée est de 25 dollars par jour (10 dollars la nuitée). Le Parc marin des mangroves héberge les derniers hippopotames de la province, soit une population estimée entre 5 et 8 individus. Il compte aussi une espèce endémique de lamantins, des crocodiles, des varans ornés, cinq sortes de tortues marines, des pythons de Seba et plusieurs espèces de singes. C’est également, à l’embouchure du fleuve, une nurserie à poissons d’une importance biologique majeure.

Le parc compte une trentaine de villages qui abritent entre 15 000 et 25 000 habitants. C’est une estimation, en attendant un recensement. Comme d’autres parcs naturels congolais, le Parc marin des mangroves est confronté à une pression démographique galopante. La région est envahie par des populations qui se livrent au braconnage et à la surpêche à l’aide d’engins illicites. La plupart des habitants possèdent un calibre 12 et les cartouches sont abondantes : la cartoucherie de Pointe-Noire (Congo-Brazzaville) est située à 200 kilomètres à peine du parc.

Braconnage et coupes en forêt

Les coupes en forêt se sont multipliées ces dernières années, soit pour le bois de chauffage, soit pour la fabrication de charbon dans des fours. Des patrouilles anti-braconnage sont mises sur pied, des fours de déboiseurs sont régulièrement détruits et des poursuites judiciaires sont engagées.

La forêt recule aussi face à l’agriculture et à l’élevage. Toutefois, l’accessibilité limitée du Parc des mangroves préserve la zone dans une certaine mesure. « La situation s’améliorera pour autant que nous recevions les appuis nécessaires, prévient Marcel Collet : non seulement des fonds, mais aussi une réelle volonté de préserver la nature. Un parc suscite des convoitises. Faut-il rappeler qu’en vingt ans plus d’une centaine d’écogardes ont été tués par les braconniers en RDC ? »

Autre menace : le dégazage de navires dans l’embouchure du fleuve Congo. De même, la contrebande de produits pétroliers en provenance d’Angola provoque des pollutions sporadiques d’hydrocarbure raffiné. Même si le fleuve Congo est l’un des grands systèmes fluviaux les moins pollués au monde, les menaces sont diverses. Ainsi, les déchets plastiques des grandes villes qui bordent le bassin du fleuve aboutissent dans les mangroves et sur la côte quand ils ne sont pas entraînés vers l’océan. Le littoral lui-même souffre de la pollution mondiale et du réchauffement climatique : l’océan grignote la façade maritime -l’immense Congo n’a qu’une quarantaine de kilomètres de côtes – à coups de grandes marées, de plus en plus fréquentes.

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