© AFP

Un nouveau type de bombes russes utilisé en Syrie

Human Rights Watch (HRW) a accusé dimanche la Russie d’utiliser ou de fournir à l’armée syrienne un nouveau genre plus performant de bombes à sous-munitions. Et ce alors que le président Vladimir Poutine n’a pas lésiné sur la démonstration de force en Syrie.

Selon l’organisation de défense des droits de l’Homme basée à New York, ce nouveau type d’armes a été utilisé dans un raid aérien le 4 octobre près de la localité rebelle de Kafar Halab, au sud-ouest d’Alep, dans le nord du pays. Elle a dit qu’elle n’avait « pas pu déterminer qui de l’armée syrienne ou des Russes était responsable de l’attaque ». « C’est dérangeant qu’un autre type de bombes à sous-munitions soit utilisé en Syrie en raison du mal qu’il peut causer aux civils dans les années à venir », a affirmé dans un communiqué Nadim Houry, directeur adjoint de HRW pour le Moyen-Orient. « Ni la Syrie ni la Russie ne devraient utiliser ces armes et les deux pays devraient adhérer sans délai à la convention internationale les interdisant » a-t-il ajouté. Les bombes à sous-munitions peuvent être tirées par l’artillerie ou larguées par des avions. HRW a fait état depuis mi-2012 de l’usage de bombes à sous-munitions par les forces gouvernementales syriennes et à partir de mi-2014 par l’EI.

L’intervention russe, symbole des ambitions militaires retrouvées et défi aux Occidentaux

Missiles de croisière tirés depuis la mer Caspienne, avions de chasse détruisant des cibles à longue distance: le président Vladimir Poutine n’a pas lésiné sur la démonstration de force en Syrie, destinée selon les experts à afficher une Russie renaissante et capable de s’opposer aux Occidentaux. Depuis fin septembre, Moscou a montré ses muscles en lançant une campagne de bombardements intensifs à travers la Syrie en guerre, reléguant dans l’ombre la coalition menée par les États-Unis et provocant l’ire des Occidentaux. Cette intervention d’ampleur est la première opération militaire menée par Moscou en dehors des frontières de l’ex-URSS depuis sa désastreuse campagne en Afghanistan en 1979. Et elle intervient dans une région considérée depuis des années comme un pré-carré des Occidentaux, les Etats-Unis en tête.

Pour les experts, le Kremlin cherche à retrouver un peu de son ancien statut de superpuissance. Mettant en scène les derniers avions Soukhoï et des modèles soviétiques plus anciens, la Russie affirme avoir détruit multiples postes de commandement et camps d’entraînement de « terroristes », assurant son soutien à l’offensive des forces de Bachar al-Assad, son fervent allié. Moscou a également fait entrer dans le jeu sa flottille de la Caspienne, tirant des missiles de croisière sur des cibles à plus de 1.500 kilomètres de là. Une première qui vise très clairement à démontrer la puissance militaire russe. « Je ne peux pas vraiment dire si cela fait sens militairement d’avoir utilisé des missiles depuis la mer Caspienne », avance l’analyste politique Grigori Mamedov. « Nous avons montré notre force. A qui? Aux islamistes? Non, avant tout aux Américains ». Avec le lancement de la campagne russe en Syrie, Vladimir Poutine est revenu sur le devant de la scène internationale, malgré son isolement relatif depuis l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée en mars 2014 et le début du conflit en Ukraine. « Poutine n’a pas l’intention de vivre dans l’isolement ou d’être à la tête d’un État paria », explique l’expert Alexandre Baounov du Centre Carnegie de Moscou.

Les analystes estiment en effet que le soutien au régime de Bachar al-Assad n’est pas l’unique objectif poursuivi par le Kremlin. L’intervention russe semble être une tentative plus large d’entrer en compétition – voire d’intimider – les Occidentaux. « Les tensions ne sont pas tant liées à la Syrie ou à l’État islamique, mais plutôt aux principes globaux » de souveraineté et d’ingérence à l’étranger, affirme le directeur du Kennan Institute basé à Washington, Matthew Rojanski. « Le désaccord (entre la Russie et les Occidentaux) est allée au delà du stade des manoeuvres diplomatiques et des pressions économiques. On en est au point où l’on utilise des forces militaires pour mettre en avant un argument », explique-t-il. La campagne militaire en Syrie se déroule pourtant alors que la Russie est sérieusement affaiblie par la crise économique aggravée par la chute des cours du pétrole et les sanctions occidentales.

Certains observateurs estiment qu’une telle coûteuse tentative de regagner du prestige à l’international pourrait s’avérer catastrophique. Le Kremlin a gardé les dépenses militaires à un niveau élevé malgré la baisse des revenus de l’État russe, avec un budget de la Défense qui s’affiche cette année à l’équivalent de 46,6 milliards d’euros, une somme équivalant à plus de 4% de son PIB. Une intervention prolongée au Moyen-Orient pourrait provoquer des difficultés économiques supplémentaires pour la Russie, un risque que la population et les autorités semblent toutefois prêt à encourir – à condition d’arriver à leurs fins sur la scène internationale. « Le peuple russe ne tolérera pas des difficultés économiques pour faire la guerre à l’EI. Mais il le fera pour vaincre l’Occident », assure M. Melamedov.

Les tentatives russes de revenir dans le jeu au Moyen-Orient ont déjà eu pour effet d’alimenter les divisions dans la région, où de nombreux pays ont condamné l’intervention de Moscou. « Les sunnites veulent que la Russie quitte la Syrie, mais les chiites veulent qu’elle reste », résume M. Baounov. Pour l’analyste Vassili Kachine, la « conséquence inévitable » de la campagne syrienne de la Russie est la détérioration de ses relations avec la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar, tous impliqués dans la coalition américaine qui mène ses propres raids aériens en Syrie. Les tensions sont montées d’un cran dès les premiers jours de l’opération russe entre Moscou et Ankara, après que des avions russes ont violé l’espace aérien turc – et donc de l’Otan.

Les experts ne pensent pas toutefois que l’intervention de la Russie va miner durablement ses relations avec ses partenaires arabes. « Ce n’est pas à cause de ça que les Saoudiens décideront tout d’un coup de ne plus jamais parler aux Russes. Ils ont des tonnes d’intérêts communs, et c’est pareil avec la Turquie », rappelle M. Rojanski.

Contenu partenaire