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Un « massacre de masse » vieux de 10.000 ans plombe certains fondements de la gauche

Le Vif

L’homme est-il naturellement bon et aurait-il été perverti par la société ? La découverte d’un massacre de masse vieux de 10.000 ans met très sérieusement à mal l’idée que c’est la propriété qui a monté les hommes les uns contre les autres. De quoi détricoter certaines idées reçues de gauche.

Depuis combien de temps les hommes se font-ils la guerre? La question divise encore les scientifiques, mais la découverte par des chercheurs d’un ensemble de squelettes vieux de 10.000 ans portant des traces de blessures mortelles au Kenya va peut-être changer la donne. La découverte laisse en effet supposer qu’il s’agit là d’un « massacre de masse » qui remonte à une période où l’homme préhistorique n’était pas encore sédentaire. Et donc bien avant l’arrivée de la notion de propriété.

« Ces restes humains témoignent du meurtre intentionnel d’un petit groupe de personnes en quête de nourriture. Ils apportent la preuve unique d’un événement guerrier parmi des chasseurs-cueilleurs de la Préhistoire », soulignent les scientifiques dans une étude publiée mercredi dans la revue britannique Nature parue le 20 janvier.

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« Je n’avais jamais imaginé dans mes rêves trouver les restes du plus vieux massacre recensé de l’Histoire » chez des chasseurs-cueilleurs, s’enthousiasme Marta Mirazon Lahr, anthropologue à l’Université de Cambridge (Royaume-Uni), qui a piloté les fouilles. L’équipe a découvert les restes d’au moins 27 personnes – hommes, femmes et enfants -, sur le site semi-désertique de Nataruk, près du lac Turkana qui s’étire dans la vallée du Rift. Il y a 10.000 ans, cet endroit, situé au bord d’une étendue d’eau, regorgeait d’une faune abondante, ce qui le rendait très intéressant pour des chasseurs-cueilleurs en quête de nourriture.

Une partie des restes humains, qui ont entre 9.500 et 10.500 ans, étaient dispersés sur le site. Mais l’équipe a aussi exhumé douze squelettes, plus ou moins intacts, dont dix présentent des lésions traumatiques mortelles. « Quatre d’entre eux ont des blessures qui semblent avoir été provoquées par des projectiles, sans doute des flèches », relève Mme Lahr dans une vidéo diffusée par Nature. Quatre autres squelettes ont des traces de coups sur le crâne – l’un d’eux ayant une lame d’obsidienne fichée dans la tête-.

Cette roche volcanique était utilisée pour la fabrication d’armes et d’outils tranchants pendant la Préhistoire. D’autres individus ont des fractures aux jambes, aux mains, aux côtes. Autant d’éléments qui vont dans le sens de blessures de guerre. « Nous avons aussi trouvé une jeune femme assise, les mains croisées entre les jambes, les pieds croisés également. On peut penser qu’elle était ligotée au moment de sa mort. Et elle était enceinte (…) », raconte l’anthropologue.

Les restes d’un foetus âgé de six à neuf mois ont été retrouvés dans la cavité abdominale du squelette. « Mon interprétation, c’est qu’il s’agissait d’une petite communauté de personnes, à la recherche de nourriture, et qui a été attaquée par surprise », déclare Mme Lahr. Les ossements de Nataruk « apportent la preuve qu’il y a eu un conflit entre deux groupes, avant que les sociétés ne se sédentarisent et qu’il n’y ait des villages et des cimetières », relève-t-elle. « C’est unique ». Les origines de la guerre restent un sujet de débat entre scientifiques, faute d’éléments tangibles sur les relations entre les différents groupes humains dans un passé lointain. Des cas très anciens de violence brutale avaient déjà été mis en évidence, mais on ne sait pas si cela s’était passé entre deux individus ou impliquait beaucoup de personnes, note la chercheuse.

Une découverte qui met à mal certaines idées de gauche

Comme le révèle Vincent Cespedes, psychologue, dans Atlantico, on sait pourtant depuis longtemps que la thèse de Jean-Jacques Rousseau selon laquelle l’homme est originellement bon, mais c’est la société le corrompt n’est pas valide. « Rousseau s’appuie sur une idée d’abondance, de profusion et d’individus qui ne formeraient pas de communauté. Nous savons aujourd’hui, et ce depuis un moment déjà qu’il y avait non seulement des communautés nomades, mais aussi que les ressources étaient rares et sources de conflit ». Cespedes va même plus loin et pense que cette découverte pourrait mettre à mal les thèses marxistes ou celles des « libéraux fondées sur l’exploitation du travail d’autrui ». En effet cette découverte démontre que « l’exploitation de l’homme par l’homme » existait bien avant l’apparition de la propriété. Or, comme il l’explique dans Atlantico, « pour les marxistes et les libéraux, l’exploitation du travail d’autrui apparaît avec la mise en place de la dépossession de l’État, et finalement des classes sociales qui se mettent en place et qui vont s’affronter. »

Cespedes cite aussi l’anthropologue français Alain Testart qui dès 1982 démontre que les chasseurs-cueilleurs stockaient déjà leurs ressources pour effectuer des dons et des contre-dons. Une technique qui servait en réalité à montrer le pouvoir de chacun. De ce fait, en stockant, ces mêmes chasseurs-cueilleurs ont aussi introduit une certaine rivalité et des inégalités sociales. Pour Cespedes on est donc « loin d’une vision marxiste où les classes sociales préexistent. Les classes sociales sont secrétées par la mise en place de ces hiérarchies. Elles sont la résultante et non le point de départ. »

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