© Image Globe

Un lien entre l’attentat de Marrakech et la cellule d’Al Qaïda démantelée en Allemagne?

Patron de l’Esisc (European Strategic Intelligence & Security Center), une société privée d’analyse du renseignement, Claude Moniquet conseille aussi plusieurs gouvernements dans le monde arabe et en Afrique.

Le Vif/L’Express : Quelle est la situation sécuritaire au Maroc, après l’attentat de Marrakech, qui a fait 15 tués et une vingtaine de blessés, le 28 avril ?

Ni pire ni meilleure que dans un pays d’Europe. Fondamentalement, il y a une menace terroriste au Maroc, comme le démontre l’attentat de Marrakech. Mais d’autres pays arabes sont davantage visés : l’Algérie, les pays du Golfe…Cela n’empêche pas que, les seize derniers mois, on a relevé, au Maroc, une vingtaine d’incidents graves en lien avec des cellules et des réseaux terroristes. Cent cinquante personnes ont été arrêtées depuis le 1er janvier 2010. Ce n’était pas le calme plat. Comme le Maroc s’est engagé dans un processus de réforme, il est une cible privilégiée pour les intégristes. En outre, le fait que le roi Mohammed VI soit aussi le Commandeur des Croyants – pas seulement des musulmans, de tous les gens du Livre, juifs et chrétiens- ajoute un peu de fébrilité du côté des islamistes. Ce statut lui est contesté dans la littérature djihadiste et politique, dont celle du Mouvement Justice et Bienfaisance du cheikh Yassine, illégal mais toléré.

Le 14 avril, 190 prisonniers marocains soupçonnés d’être impliqués dans des réseaux extrémistes ont été libérés par faveur royale. Le 15 avril, l’un de ceux-ci attaquait au sabre deux personnes dans un café de Tanger. Les services marocains regrettent-ils ces élargissements ?

Cela partait d’une intention tout à fait louable – réintégrer dans le corps national des gens qui s’en étaient écartés-, mais je ne suis pas sûr qu’il s’agissait d’une bonne idée du point de vue sécuritaire. Pour certains, ça a marché, ils n’ont plus fait parler d’eux ; pour d’autre non. On a déjà eu ce genre de récidive après la libération des personnes impliquées dans les tentatives d’attentats de Casablanca, en avril 2007.

Une piste se précise-t-elle pour l’attentat de Marrakech, qui a causé 15 morts et une vingtaine de blessés ?

Nous avons publié ce matin (NDLR : 3 mai) une information reprise d’un quotidien arabophone marocain Alkhabar, suivant laquelle les auteurs de l’attentat de Marrakech pourraient avoir un lien avec la cellule terroriste démantelée à Düsseldorf, en Allemagne, le 29 avril dernier. Celle-ci était composée de trois jeunes gens d’origine marocaine qui préméditaient un attentat dans les transports en commun d’une grande ville allemande. Le leader de cette cellule, le Marocain Abdeladim K., est soupçonné d’avoir été formé dans un camp d’Al Qaïda, dans le Wasiristan, la zone tribale pakistanaise située le long de la frontière afghane. La police allemande a intercepté des communications entre les trois islamistes juste après l’attentat de Marrakech. Ils se félicitaient de la réussite de l’opération. Y a-t-il un lien ? On ne le sait pas encore.

L’attentat de Marrakech porte-t-il la marque d’Al Quaïda ?

Dans la mesure où les explosifs utilisés, dont le TATP, sont prisés par les extrémistes islamistes, comme lors de l’attentat de Londres, c’est un indice sérieux. Le mode de détonation à distance implique aussi malgré tout un certain savoir-faire. Cela plaiderait en faveur d’une organisation plutôt que de l’acte isolé.

Faut-il s’attendre à de nouvelles attaques ?

On ne peut pas les exclure. Il n’y a pas encore eu d’arrestation. Ce qui veut dire que le ou les auteurs sont toujours en liberté et qu’ils peuvent en profiter pour s’attaquer à d’autres cibles. Les réseaux djihadistes ont un goût assez prononcé pour le multiciblage quand ils ont encore le champ libre parce que cela maximalise leur impact médiatique.

Entretien: Marie-Cécile Royen

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire