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Un duel entre Hillary Clinton et Donald Trump se dessine

Le Vif

Hillary Clinton se préparait ostensiblement mercredi à un duel contre Donald Trump à l’élection présidentielle américaine de novembre, chaque candidat ayant consolidé mardi sa position pour l’investiture aux conventions de juillet.

La démocrate a battu Bernie Sanders dans au moins quatre des cinq primaires organisées mardi : Floride, Caroline du Nord, Illinois et même l’Ohio industriel où le sénateur du Vermont, socialiste démocrate, comptait pourtant sur le vote ouvrier. Dans le dernier Etat, le Missouri, les résultats étaient si serrés (moins de 1% d’écart avec un léger avantage à Mme Clinton) que le dépouillement a été interrompu et qu’un nouveau comptage était envisagé.

Dans le Missouri, Trump était en tête côté républicain alors que le comptage n’était pas terminé, après avoir remporté l’Illinois, la Caroline du Nord et la Floride, mais concédé l’Ohio à John Kasich, gouverneur de cet Etat.

L’écrémage des candidats a continué avec l’abandon du sénateur de Floride Marco Rubio, cruellement battu à domicile. Ils ne sont donc plus que deux à défier Donald Trump : le sénateur du Texas Ted Cruz et John Kasich.

Pour Hillary Clinton, les victoires de mardi (hors Missouri) amplifient son avance en nombre de délégués pour la convention d’investiture. En comptant les près de 500 « super délégués » la soutenant, elle dispose de plus de 1.500 délégués contre moins de 800 pour Bernie Sanders. La barre des 2.383 est en vue.

« Nous estimons que ce sera très difficile, voire impossible, qu’il nous rattrape », a assuré à CNN Jennifer Palmieri, porte-parole d’Hillary Clinton, en se gardant d’appeler le sénateur à se retirer.

« Cela a été une soirée formidable », s’est félicité de son côté Donald Trump devant ses supporteurs. « Nous allons gagner, gagner, gagner et rien ne nous arrêtera », a lancé, jubilant, le milliardaire qui devra toutefois unifier le camp conservateur, qui se s’est pas résigné à lui donner les clés du parti.

Hillary Clinton s’est également projetée au-delà des primaires en donnant un aperçu de sa stratégie contre Donald Trump.

« Nous allons défendre les travailleurs américains pour que personne n’abuse de nous, ni la Chine, ni Wall Street, ni les dirigeants d’entreprises surpayés », a-t-elle lancé à West Palm Beach, à quelques kilomètres de la propriété de Donald Trump où se tenait sa soirée électorale, en Floride.

Elle répliquait ainsi à la fois à Bernie Sanders, qui l’accuse de collusion avec Wall Street, et à Donald Trump, focalisé sur l’idée que les Etats-Unis se font escroquer par leurs partenaires commerciaux.

Ralentissement des primaires

Hillary Clinton a clairement ciblé l’homme d’affaires en reprenant ses déclarations.

« Quand un candidat à la présidentielle veut rafler 12 millions d’immigrés, interdire aux musulmans d’entrer aux Etats-Unis, quand il approuve la torture, il n’a rien de fort », a-t-elle tonné. « Il a tort ». « Nous devons abattre les barrières, pas ériger des murs », a dit l’ex-secrétaire d’Etat.

Bernie Sanders juge que la suite du calendrier, jusqu’en juin, lui sera plus favorable: « Nous sommes sûrs que notre campagne fait route vers l’investiture ».

Donald Trump est confronté pour sa part à un problème distinct: comment rassembler la droite, après avoir fait campagne contre le Parti républicain traditionnel, et alors que des personnalités et élus républicains jurent qu’ils ne se rangeront jamais derrière lui?

« Le fait est que nous devons rassembler le parti », a-t-il insisté mardi soir dans son club, Mar-a-Lago, à Palm Beach. Il s’est vanté d’avoir créé un mouvement dont « tout le monde parle, partout en Europe et dans le monde ».

Il a engrangé 640 délégués contre 405 pour Ted Cruz et 138 pour John Kasich, selon le comptage de CNN (hors Missouri). La majorité requise est de 1.237.

Ted Cruz était galvanisé par l’élimination de Marco Rubio, mais le maintien de John Kasich l’empêche de faire le plein de voix.

« Chaque républicain a un choix simple », a déclaré le Texan à Houston. « Deux campagnes seulement ont une chance de gagner l’investiture: la nôtre et celle de Donald Trump ». Mais John Kasich est le choix le plus naturel pour les républicains traditionnels, qui ont vu leurs favoris péricliter, de Jeb Bush à Marco Rubio. Mitt Romney, candidat de la présidentielle de 2012, avait annoncé qu’il apporterait son soutien officiel à un candidat après mardi. Lundi, il a fait campagne avec John Kasich.

« Pour les républicains moyens, ce sont les deux candidats les plus repoussants qui dominent » (Trump et Cruz), estime Dennis Goldford, politologue à l’Université Drake. Cette course à trois se prolongera encore au moins plusieurs semaines. Le rythme des primaires va se ralentir: Arizona et Utah voteront le 22 mars, puis il faudra attendre avril, notamment une grande journée le 26 avril.

Le point sur les primaires américaines

Après six semaines de primaires pour la Maison Blanche, Hillary Clinton et Donald Trump creusent l’écart. Voici les enseignements des scrutins, et les obstacles sur la route de leurs rivaux.

1. Hillary Clinton s’envole

« Il est presque impossible qu’elle ne gagne pas les primaires », résume à l’AFP David Hopkins, politologue au Boston College.

La démocrate a acquis une avance considérable en nombre de délégués, grâce à au moins 17 victoires sur 26 consultations. Là où Bernie Sanders l’a emporté, il l’a souvent fait avec une faible marge, donc sans empocher beaucoup plus de délégués qu’Hillary Clinton.

Elle a désormais plus de 1.000 délégués contre un peu moins de 700 pour Bernie Sanders, sans compter près de 500 « super délégués » supplémentaires (élus et responsables démocrates) qui voteront pour elle à la convention de juillet à Philadelphie. A ce rythme, elle devient vite irrattrapable.

« Pour combler son déficit numérique, Bernie Sanders va devoir non seulement gagner beaucoup d’Etats, mais les gagner avec de très grandes marges », dit David Hopkins.

2. Noirs et latinos acquis à Hillary Clinton

Hillary Clinton a obtenu entre 70 et 90% du vote noir dans la plupart des Etats, et deux tiers des voix hispaniques au Texas et en Floride, selon les sondages de sortie des urnes. Des marges qui lui garantissent un avantage crucial dans les Etats où les minorités sont plus représentées, encore nombreux dans le calendrier.

« Le message de Bernie Sanders se résume à un discours économique sur les millionnaires, les milliardaires, Wall Street et le patronat, mais il n’a jamais donné dans la politique identitaire, il n’a jamais l’air à l’aise quand il parle des problèmes des femmes, des Noirs ou des Latinos », explique à l’AFP Dennis Goldford, professeur de sciences politiques à l’Université Drake dans l’Iowa.

« Mais Hillary Clinton a toujours fait dans la politique identitaire, elle est très à l’aise », dit-il.

3. Donald Trump insubmersible mais pas à l’abri

Donald Trump mène en nombre de primaires remportées, en nombre de voix et en nombre de délégués obtenus. Sa domination est incontestable, malgré les controverses et la contre-offensive publicitaire et politique des anti-Trump.

Mais pour devenir le candidat officiel du parti à la présidentielle de novembre, il devra obtenir 1.237 délégués, la majorité absolue des délégués en jeu. Il en a aujourd’hui accumulé environ la moitié, avec plus de 200 d’avance sur le sénateur Ted Cruz. S’il n’atteint pas la barre avant la convention de Cleveland, en juillet, il prend le risque de voir lui échapper l’investiture pendant les tours de scrutin des délégués.

« A ce stade, il est presque certain qu’il finira avec le plus grand nombre de délégués », dit David Hopkins. « La question est de savoir si ses adversaires arriveront à l’empêcher d’obtenir la majorité absolue ».

4. Que fera John Kasich ?

Le gouverneur de l’Ohio a gagné son Etat mardi et se maintient donc comme troisième homme des primaires. Son entourage dit à l’AFP espérer récupérer les grands donateurs de de Marco Rubio, ex-favori de l’establishment, qui a abandonné mardi.

En restant en course, il empêche Ted Cruz de devenir le porte-flambeau des anti-Trump. Mais sa stratégie consiste à gagner suffisamment de délégués pour priver Donald Trump de la majorité absolue, et lui dérober l’investiture lors de la convention, comme un improbable homme de consensus.

Mais « les partisans de Trump seraient absolument furieux », dit Dennis Goldford. « Ils pourraient bouder le parti et rester chez eux en novembre », prévient l’expert, alors que les démocrates sont devenus maîtres pour maximiser le taux de participation aux présidentielles.

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