Donald Trump. © REUTERS

Un an après l’arrivée de Trump, les États-Unis en « shutdown »: quelles conséquences ?

Le Vif

Un an jour pour jour après l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, les Etats-Unis sont entrés samedi dans une période de turbulences avec la fermeture partielle de l’administration fédérale après l’échec d’un vote crucial sur le budget au Sénat.

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Malgré d’intenses tractations, la majorité républicaine, l’opposition démocrate et la Maison Blanche n’ont pu s’entendre sur un budget, même temporaire, qui aurait permis d’éviter ce « shutdown » entré en vigueur à 00H00 (05H00 GMT).

Républicains et démocrates se sont rejeté la responsabilité de cet échec, Donald Trump accusant l’opposition de faire passer « les immigrants illégaux » avant l’armée ou la sécurité des frontières alors que les démocrates ont indiqué qu’ils n’accepteraient de voter pour un texte que s’il pérennise la régularisation de 690.000 jeunes immigrés au statut précaire, les « Dreamers ».

« Les démocrates sont bien plus préoccupés par les immigrants illégaux que par notre grande Armée ou la Sécurité à notre dangereuse frontière Sud », a-t-il tweeté à l’aube. « Ils auraient pu facilement conclure un accord mais ils ont préféré jouer la carte du +shutdown+ à la place ».

La fermeture de l’administration « était 100% évitable », a affirmé le patron des sénateurs républicains, Mitch McConnell.

« Ce sera appelé le Trumpshutdown car personne, personne ne mérite autant que le président Trump d’être jugé responsable de la situation dans laquelle nous nous trouvons », lui a répondu le chef des sénateurs démocrates, Chuck Schumer.

Les républicains, majoritaires avec 51 sièges au Sénat, n’ont obtenu que 50 voix, loin des 60 voix (sur 100) nécessaires à une extension pour quatre semaines, jusqu’au 16 février, du budget fédéral.

Il s’agit du premier « shutdown » depuis octobre 2013, sous l’administration Obama, qui avait duré 16 jours. Il se traduira par la mise au chômage technique sans paie de plus de 850.000 employés fédéraux considérés comme « non essentiels » au fonctionnement de l’administration.

Il était impossible de savoir combien de temps durerait cette nouvelle fermeture, les tractations entre les deux partis devant très vite reprendre. Une nouvelle réunion du Sénat, destinée à adopter une extension du budget jusqu’au 8 février, était prévue samedi.

Chuck Schumer a demandé au président de convoquer d’urgence une réunion à la Maison Blanche avec les leaders des deux partis pour trouver un compromis.

En attendant lundi

Les premiers effets du « shutdown » devraient se faire sentir lundi. Les activités de nombreuses agences fédérales, comme les services fiscaux, seront réduites mais les services de sécurité seront globalement épargnés. Les 1,4 million de militaires américains poursuivront leurs opérations mais sans être payés.

« Il y a des soldats américains qui s’apprêtent à passer six mois au Koweït et qui s’inquiètent de ne pas être payés tout de suite. C’est inconcevable », a déclaré le vice-président Mike Pence en escale à Shannon (Irlande), où il a croisé des militaires américains en transit vers des missions à l’étranger.

Vendredi, M. Trump avait pourtant évoqué une « excellente réunion préliminaire » avec Chuck Schumer à la Maison Blanche, laissant espérer un accord de dernière minute.

Le sénateur démocrate a accusé le milliardaire de faire la girouette alors qu’un accord était à portée de main.

La Chambre des représentants, à forte majorité républicaine, avait approuvé jeudi soir l’extension provisoire du financement de l’Etat fédéral, qui prévoyait également de prolonger pour six ans le programme d’assurance santé destiné aux enfants pauvres (Chip), une demande des démocrates.

Au-delà d’un budget temporaire, le quatrième depuis septembre, la majorité républicaine souhaite adopter un budget 2018 définitif de plusieurs centaines de milliards de dollars qui dope notamment les dépenses militaires, une promesse de campagne de M. Trump.

Les démocrates veulent la régularisation de 690.000 « Dreamers », arrivés clandestinement aux Etats-Unis quand ils étaient enfants et expulsables depuis l’abrogation par M. Trump du programme Daca, datant de l’administration Obama, qui leur offrait un statut de résident temporaire. Le président Trump a donné au Congrès jusqu’au 5 mars pour légiférer.

Qui paiera les dégâts ?

Et au-delà du budget, les parlementaires pensent aux élections de mi-mandat en novembre.

Les démocrates estiment que les républicains qui ont tous les leviers du pouvoir –Maison Blanche, Chambre des représentants, Sénat– seront tenus pour responsables de la paralysie et paieront le prix fort.

Les républicains espèrent se servir du « shutdown » pour punir les sénateurs démocrates qui brigueront un nouveau mandat dans dix Etats remportés par Donald Trump à la présidentielle. Quatre d’entre eux, selon les médias, ont d’ailleurs voté avec les républicains vendredi soir.

Mais selon un sondage du Washington Post et d’ABC publié vendredi, 48% des Américains estiment que les républicains seraient responsables d’un éventuel blocage, contre 28% pour les démocrates.

Les conséquences du « shutdown »

– ADMINISTRATIONS: La plupart des agences fédérales vont voir leurs effectifs réduits. La quasi-totalité (95%) des employés des services fiscaux (IRS) seront mis en congés, ce qui retardera la collecte et le remboursement de l’impôt sur le revenu. La fermeture retardera les autorisations de mise sur le marché de médicaments, les prêts publics aux petites et moyennes entreprises, l’assurance publique pour les acheteurs immobiliers… En 2013, le coût total des compensations pour les employés s’était élevé à 2,5 milliards de dollars.

– DÉFENSE: Plus des trois-quarts des 721.000 employés civils du Pentagone, le plus gros employeur public, seront mis en congés sans solde, selon le Washington Post. Les 1,4 million de militaires américains poursuivront leurs opérations et la collecte de renseignement, même si les soldats pourraient être payés avec retard si le blocage se poursuivait en février. En 2013, les employés civils avaient été rappelés une semaine après le « shutdown » grâce à un financement d’urgence approuvé par le Congrès.

– PARCS ET MUSÉES: L’administration Trump a élaboré des plans permettant de garder ouvert certains des plus de 400 parcs et musées nationaux en faisant appel à des sous-traitants. A Washington, les grands musées Smithsonian et le zoo ont assez de réserves pour rester ouverts jusqu’à dimanche soir. En 2013, l’Etat avait perdu 500 millions de dollars de revenus tirés du tourisme, selon la Maison Blanche.

– VISAS, PASSEPORTS: le traitement des demandes de visas et de passeports sera ralentie et leur délivrance retardée.

– RECHERCHE: les Instituts nationaux de santé (NIH), centres de recherche médicale, cesseront d’accepter de nouveaux patients pour des traitements expérimentaux.

– WASHINGTON: La capitale fédérale, financée directement par le Congrès, devra fermer ses services de ramassage des ordures, de nettoyage des rues et ses bibliothèques. Les écoles et les transports publics continueront de fonctionner.

– EXEMPTIONS: La Maison Blanche, le Congrès, la justice, la police, le transport aérien, les services postaux, le ministère des anciens combattants et ses hôpitaux, ainsi que les services jugés essentiels à la sécurité et protection du pays seront globalement épargnés. L’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur une éventuelle ingérence russe dans la campagne électorale de 2016 se poursuivra.

– IMPACT ECONOMIQUE: Le « shutdown » n’aura pas de conséquences sur la note (AAA, la plus haute) des Etats-Unis, selon l’agence de notation Fitch et vendredi, les marchés ne semblaient pas inquiets. En 2013, la Maison Blanche avait estimé entre 2 et 6 milliards de dollars la perte de production provoquée par la fermeture.

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