Le président ukrainien Petro Porochenkon au centre. © Belga

Ukraine : premier pas vers plus d’autonomie pour les régions prorusses

Les députés ukrainiens ont fait jeudi le premier pas vers une réforme constitutionnelle prévoyant plus d’autonomie pour les régions séparatistes prorusses de l’Est, un projet critiqué en Ukraine mais promu par les Occidentaux qui y voient un moyen d’apaiser le sanglant conflit armé.

En présentant le projet dans l’hémicycle, le président ukrainien Petro Porochenko a reconnu qu’il s’agissait d’une décision « difficile », mais que les alliés occidentaux souhaitaient que la réforme soit « menée avec succès ». « Nous ne pouvons pas créer nous-mêmes une situation dans laquelle l’Ukraine se retrouverait seule face à l’agresseur » russe, a lancé M. Porochenko. « L’agression ne s’arrêtera ni dans un mois, ni dans un an. Nous devons apprendre à vivre dans ces conditions ». Les députés ukrainiens ont approuvé l’envoi à la Cour constitutionnelle du projet présidentiel d’amendements, procédure nécessaire avant le vote sur le texte, en deux lectures. En visite à Kiev, la secrétaire d’Etat américaine adjointe Victoria Nuland était présente jeudi à la Rada (Parlement ukrainien) pour ce qu’elle a qualifié de journée « historique ». Elle a souligné mercredi devant la presse que la « décentralisation » et « le statut spécial » des régions rebelles de Donetsk et Lougansk étaient prévus par les accords de paix signés à Minsk en février grâce à la médiation de la chancelière allemande Angela Merkel et du président français François Hollande en présence du président Vladimir Poutine. Fait sans précédent, Mme Merkel et M. Hollande ont pris l’initiative de téléphoner mardi au président du Parlement ukrainien, Volodymyr Groïsman, pour évoquer le sujet. L’Occident considère cette réforme comme un pas majeur vers le règlement politique du conflit, qui a fait plus de 6.500 morts en quinze mois, et pousse les autorités pro-occidentales de Kiev à trouver un accord avec les rebelles. Beaucoup en Ukraine y voient toutefois une tentative de geler le conflit en arguant que Kiev n’a pas à accepter de facto l’autonomie des régions où se trouvent toujours armes et soldats russes. « Les accords de Minsk ont leur logique: d’abord l’arrêt des hostilités (…) puis les amendements constitutionnels », a souligné le député pro-gouvernemental Léonid Emets. « Nous sommes catégoriquement contre le fait que les criminels russes représentent le peuple qu’ils tiennent en otage » sur les territoires rebelles, a poursuivi M. Emets cité par le site en ligne Ukraïnska Pravda. Kiev et les Occidentaux accusent la Russie d’armer les rebelles de l’Est et d’y avoir déployé des troupes régulières ce que Moscou dément catégoriquement. En dépit de la trêve instaurée en février, les violences n’ont jamais cessé et la situation sur le terrain s’est détériorée ces derniers jours dans l’Est où onze personnes ont été tuées en 24 heures selon un bilan annoncé mercredi. « Dans les conditions actuelles, la décentralisation va affaiblir le gouvernement et rendre l’Ukraine plus vulnérable aux menaces russes sans qu’il y ait une désescalade du conflit », a souligné récemment un chercheur de l’Université nationale ukrainienne Chevtchenko, Maksim Khylko, dans une tribune publiée par Atlantic Council. Selon la vice-présidente du Parlement Oksana Syroïd, les députés subissent « une folle pression (…) de la part de la communauté internationale ». « Le monde (…) est fatigué et veut se débarrasser de ce sujet », a poursuivi la députée. Comme plusieurs autres figures publiques en Ukraine, Mme Syroïd a estimé que cette initiative pourrait finir par « légitimer » les rebelles et « sonner le glas des perspectives européennes de l’Ukraine », voire de « l’Etat ukrainien ». Deux hauts responsables de l’exécutif ukrainien ont pour leur part déclaré à l’AFP que Kiev, sous perfusion financière de l’Occident, ne pouvait pas se permettre d’ignorer les demandes de ses partenaires occidentaux. Le projet de réforme octroie davantage de pouvoirs aux conseils des élus régionaux et locaux, mais, contrairement aux attentes des rebelles, il ne confirme pas définitivement le statut semi-autonome des territoires sous leur contrôle. Selon le projet de réforme, ce statut devrait être déterminé par une loi séparée et pour seulement une durée de trois ans. Selon des médias ukrainiens, les Occidentaux réclament à Kiev d’intégrer ce statut dans sa Constitution, une idée qui se heurte à une forte opposition en Ukraine.

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