Pour le président turc, l'enjeu économique, et donc la relation avec l'Union européenne, sont essentiels. © reuters

Turquie: un an de purges sans précédent

Le Vif

Depuis le coup d’Etat avorté du 15 juillet 2016, le gouvernement turc a mené des purges sans précédent pour éliminer des institutions publiques tout élément factieux lié aux instigateurs du putsch, imputé par Ankara au prédicateur Fethullah Gülen, installé aux Etats-Unis.

L’opposition et des ONG accusent la Turquie de profiter de l’état d’urgence en vigueur depuis le putsch manqué pour éliminer toute voix critique, ce que nie vigoureusement le pouvoir turc, qui juge nécessaires ces mesures d’exception.

Procédures judiciaires

Des procédures judiciaires ont été engagées à l’encontre de quelque 169.000 personnes à travers le pays, selon des chiffres du ministère de la Justice rapportés jeudi par l’agence privée Dogan.

Selon ces données, un peu plus de 50.000 personnes sont actuellement incarcérées, et quelque 48.000 sont en liberté sous contrôle judiciaire. Des mandats d’arrêt ont été émis à l’encontre d’environ 8.000 personnes supplémentaires.

Au-delà des milieux gulénistes, ces purges ont visé les milieux politiques prokurdes, des médias critiques et des ONG.

Ainsi, une dizaine de députés du Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde), dont son coprésident Selahattin Demirtas, sont actuellement incarcérés.

C’est le cas, également du président d’Amnesty International en Turquie, Taner Kiliç. La directrice Turquie de l’ONG, Idil Eser, a été interpellée le 5 juillet et était toujours en garde à vue jeudi.

Limogeages, suspensions

Plus de 100.000 personnes ont été radiées de la fonction publique et ont vu leur nom publié dans le Journal Officiel depuis l’été dernier. Elles sont le plus souvent accusées de liens avec une « organisation terroriste ».

Le ministère de l’Education nationale est le plus affecté, avec environ 33.000 personnes limogées, dont 4.700 incarcérées, et 5.100 en liberté sous contrôle judiciaire, selon des chiffres publiés jeudi par l’agence progouvernementale Anadolu.

Par ailleurs 4.500 enseignants et employés du ministère de l’Education nationale ont été suspendus. Parmi eux, environ 300 sont incarcérés et 800 en liberté sous contrôle judiciaire, selon Anadolu.

Au sein de l’armée, près de 8.000 personnes, dont 150 généraux et amiraux, ont été limogées, principalement au sein de l’armée de terre, précise Anadolu. Un peu moins de 800 militaires ont été suspendus.

Par ailleurs, selon un rapport d’Amnesty International publié le 22 mai, plus de 24.000 policiers et employés du ministère de l’Intérieur ont été limogés, ainsi que plus de 6.000 médecins et employés du ministère de la Santé et plus de 4.000 juges, procureurs, et autres membres du ministère de la Justice.

Journalistes incarcérés, médias fermés

Selon l’ONG Reporters Sans Frontières (RSF), plus d’une centaine de journalistes sont actuellement en prison et près de 150 médias ont été fermés par décret. Une vingtaine d’entre eux ont pu rouvrir, a précisé jeudi l’ONG dans un communiqué.

RSF dénonce des « sanctions administratives » imposées aux journalistes, comme des cartes de presse annulées, des retraits de passeport ou des confiscations de biens.

Plusieurs journalistes étrangers ont également été écroués en Turquie ces derniers mois, comme Deniz Yücel, journaliste germano-turc incarcéré depuis février pour « espionnage » et « activités terroristes ».

Les autorités turques nient toute atteinte à la liberté de la presse et affirment que les seuls journalistes arrêtés sont ceux qui sont liés à des « organisations terroristes », expression désignant surtout les séparatistes kurdes (PKK) et le réseau güléniste, qui a nié son implication.

La Turquie est 155e sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF pour 2017.

Des centaines d’associations, dont de nombreuses ONG, ont également été fermées.

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