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Tunisie: « Sous les pavés, la révolution du jasmin »

Quatre manifestations, dont deux pour demander la fin du Rassemblement constitutionnel démocratique, le parti au pouvoir… Les Tunisiens savourent leur liberté et ne veulent pas se laisser voler leur révolution. Reportage.

Ils sont quelques centaines, un millier peut-être, jeunes pour la plupart, à manifester en cet après midi du jeudi 20 janvier, comme la veille, pour exiger que le Rassemblement constitutionnel démocratique (RDC) soit exclu du gouvernement et de la vie politique tunisienne. L’atmosphère est plutôt bon enfant. La police canalise le cortège qui n’occupe que l’une des deux voies de l’avenue Bourguiba, laissant le terre-plein central, sous les ficus centenaires, aux promeneurs.

« Sous les pavés, la révolution du jasmin », peut-on lire sur l’une des pancartes. Ca, c’est pour les caméras des chaînes françaises de télévision. Et de l’autre, côté, à l’intention cette fois des envoyés spéciaux de la presse anglo-saxonne, le message est en anglais: RCD is doomed, le RCD est fichu. Un drapeau tunisien flotte au-dessus des têtes, on reprend en coeur les slogans. L’avenue est barrée à hauteur de l’ambassade de France par un char devant lequel les familles viennent se faire photographier – l’armée est très populaire depuis qu’elle a refusé de tirer sur le peuple. Le cortège fait demi-tour et repasse en boucle. Toujours dans la bonne humeur.

Cette manifestation était la quatrième de la journée à Tunis. Devant le siège du RCD le matin, les même jeunes gens ou d’autres avaient tenté de forcer un barrage, il y a eu des tirs de semonce. Puis, fort heureusement, des fonctionnaires, à la suite semble-t-il de la décision du gouvernement de transition de déposséder le RCD de ses biens pour les rendre à l’Etat, ont déboulonné l’inscription « Rassemblement constitutionnel démocratique », qui décorait en grandes lettres dorées la façade du siège du parti, ce qui a déclenché, cette fois, une salve d’applaudissements. Cela se passait en bas de l’avenue Bourguiba, près de cette place qui fût la place de l’Afrique du temps du président Habib Bourguiba, lorsque y trônait la statue équestre du père de l’indépendance, rebaptisée « place du 7 novembre 1987 » (date du « coup d’Etat médical » de Ben Ali) ensuite, mais que tout le monde appel « la place de l’horloge ». A l’époque, Ben Ali avait renoncé à y ériger sa propre statue, lui préférant une grosse pendule qui y est toujours.

Les deux autres manifestations, dans la matinée elles aussi, regroupaient pour la première, les agents du fisc, pour plus de contrôle et moins de corruption et pour la seconde, avocats et magistrats, pour une justice plus juste qui soit la même pour tous.

Le gouvernement lui, continue à donner des gages, jusqu’ici sans grand succès: les ministres du RCD ont quitté les instances dirigeantes de ce parti , lesquelles ont été dissoutes, une loi d’amnistie générale, incluant les islamistes dont leur chef Rached Ghannouchi, va être soumise au Parlement. De toute évidence, personne ne s’interroge sur l’attitude de cette assemblée, passage obligé des réformes législatives dès lors que la transition se fait dans le cadre de la constitution, pourtant tout entière acquise au RCD et au président Ben Ali. Godillot, c’est un métier!

Dominique Lagarde, L’Express.fr

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