Des manifestants dans les rues de Tunis, pour le 58e anniversaire de l'indépendance tunisienne. © REUTERS/Anis Mili

Tunisie : le Nobel de la Paix consacre la force de la société civile

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Les syndicats, le patronat, les avocats et les défenseurs des droits de l’homme ont joué un rôle déterminant dans la pacification en Tunisie. Contribuant au seul succès d’une révolution du  » printemps arabe « .

En honorant le Quartet du dialogue national tunisien « pour sa contribution décisive à la construction d’une démocratie pluraliste dans la foulée de la révolution de Jasmin de 2011 », le Comité du prix Nobel de la Paix a consacré le rôle croissant d’acteurs de la société civile dans la recherche de la paix, et singulièrement en l’occurrence dans le monde arabe.

L’Union générale tunisienne du travail (UGTT), l’Union tunisienne de l’industrie du commerce et de l’artisanat (UTICA), la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) et l’Ordre des avocats ont forgé en Tunisie un front commun inédit entre le syndicat, le patronat, le barreau et les défenseurs des droits humains pour peser sur la réconciliation politique alors que le pays menaçait, par ses divisions politiciennes précisément, de sombrer dans l’anarchie. Pari réussi puisque cette action a permis la formation d’un gouvernement d’union nationale et l’adoption d’une nouvelle constitution, sans doute la plus « progressiste » du monde arabe. Celle-ci consacre certes l’islam comme religion du pays mais garantit parallèlement le caractère civil de l’Etat et la liberté de conscience du citoyen.

Le Comité Nobel adresse ainsi un message de soutien aux démocrates tunisiens dans un contexte difficile d’exposition aux attaques terroristes. Les attentats au Musée du Bardo à Tunis le 18 mars 2015 et sur une plage de Sousse le 26 juin ont montré combien le processus de démocratisation est encore fragile, en Tunisie. Mais il est le seul, issu des révoltes du « printemps arabe » de 2011, à avoir été couronné de succès. C’est aussi cette expertise que le Comité Nobel a voulu saluer. La Libye, la Syrie et le Yémen ont sombré dans le chaos de la guerre civile et des haines communautaires. L’Egypte a renoué avec ses vieux démons, pouvoir militaire fort contre opposition islamiste réprimée, laissant peu d’espace aux forces démocratiques.

A l’heure de l’intensification de la guerre en Syrie du fait de l’intervention russe aux conséquences incertaines, l’octroi du prix Nobel de la Paix au Dialogue national tunisien est un message fort adressé aux adeptes de l’action violente et à ceux qui sont impuissants à la prévenir et à la contrer. Il met aussi en lumière une tendance de plus en plus présente dans la gestion de la chose publique : c’est la société civile qui montre désormais la voie des solutions aux dirigeants politiques. Le pouvoir d’innovation et de proposition a changé de camp.

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