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Tsipras prend le même et recommence

Alexis Tsipras, le dirigeant de la gauche radicale grecque Syriza, a prêté lundi son serment de Premier ministre lors d’une cérémonie civile, retransmise par les télévisions, au lendemain de la victoire de son parti aux élections législatives.

Personne ne donnait cher, en janvier, de la collaboration gouvernementale en Grèce entre le parti de gauche radicale Syriza et la petite formation de droite souverainiste « Grecs indépendants », mais cet étrange attelage s’est avéré une solution « confortable » pour deux alliés qui repartent ensemble pour une nouvelle législature.

Le quotidien libéral Kathimerini résumait lundi par une pirouette d’un de ses dessinateurs le sentiment de déjà-vu au lendemain des législatives grecques de dimanche : « c’est comme le 26 janvier sauf qu’il fait 30 degrés », explique sur la caricature un Tsipras candide.

Car, non seulement le dirigeant de Syriza a remporté les deuxièmes législatives organisées en huit mois, mais il a aussitôt annoncé qu’il reconduisait sa coalition avec les Grecs indépendants (Anel), dont les analystes politiques doutaient qu’il puisse de nouveau avoir les 3% de voix nécessaires pour entrer au Parlement.

Le président du Parlement européen Martin Schulz n’a pas caché ses réserves sur la reconduction de cette alliance qu’il a jugée « bizarre », sur la radio France Inter.

L’explication est pourtant simple, observe Dimitris Katsikas, chercheur en économie politique à la Fondation grecque ELIAMEP : « c’est un partenaire confortable, un allié facile qui a prouvé sa loyauté (…) Il a tenu son groupe parlementaire là où le propre parti de M. Tsipras s’est déchiré ».

Les 13 députés d’Anel de la précédente législature ont effet observé une discipline sans faille dans le vote des projets de loi entérinant le nouvel accord avec les créanciers UE et FMI, dont le rejet est pourtant la raison d’être de ce parti.

Ses dix députés obtenus dimanche ajoutés aux 145 de Syriza forment désormais une majorité parlementaire de 155 élus (contre 162 jusqu’ici) sur un total de 300 députés.

« Anel continue d’attirer des électeurs de droite en rupture avec la Nouvelle Démocratie (le grand parti de droite grec, ndlr) mais qui ne veulent pas voter Syriza », analyse le politologue Georges Sefertzis. Anel est selon lui « une solution de facilité » pour Syriza qui « s’épargne des négociations laborieuses avec d’autres partis qui auraient posé plus de conditions pour former une coalition ».

« Progressiste » ?

Et Syriza reste aussi cohérent avec son message de campagne qui promettait aux Grecs d' »en finir » avec le système politique du passé et les deux anciens piliers de la politique grecque, les socialistes (Pasok) et la droite (Nouvelle Démocratie). Panos Kammenos a quitté Nouvelle Démocratie en novembre 2011, après y avoir a fait l’essentiel de sa carrière politique et occupé un poste de secrétaire d’Etat, lorsqu’il a estimé que les conservateurs se compromettaient avec les créanciers de la Grèce au moment du deuxième des trois plans de sauvetage.

Fort en gueule, le propos parfois outrancier, n’hésitant pas en 2010 à s’exhiber dans les allées du Parlement en tee-shirt barré du slogan « La Grèce n’est pas à vendre », cet économiste de formation s’est délecté, pendant sept mois, de son poste de ministre de la Défense qu’il devrait retrouver dans le nouveau gouvernement Tsipras.

Mais il a veillé à ne pas s’ingérer dans le reste de la politique gouvernementale, tandis que M. Tsipras veillait à ne pas le froisser. Ainsi, en juin, d’un commun accord avec celui-ci, Anel a voté contre une loi sur la naturalisation des enfants de migrants au contraire votée par les députés de Syriza, et finalement adoptée grâce à d’autres partis. Panos Kammenos s’est félicité lundi, à l’issue d’une rencontre avec Alexis Tsipras, de la formation d’un gouvernement « progressiste », un mot peu courant dans son vocabulaire, qui pourrait signifier une inflexion du discours.

La coalition Syriza/Anel a d’ailleurs l’intention d’en appeler à la collaboration d’autres partis du parlement, en fonction des sujets, a indiqué à l’AFP le député européen de Syriza Dimitris Papadimoulis. C’est aussi une affaire désormais « personnelle » entre MM. Tsipras et Kammenos, selon Dimitris Katsikas. Les deux hommes n’ont pas caché leur bonne entente sur l’estrade dressée dans le centre d’Athènes dimanche. Dans le spot de campagne d’Anel, qualifié de « mignon » par M. Tsipras, on voyait ces dernières semaines Panos Kammenos s’adresser à un petit garçon prénommé Alexis, le bras gauche en écharpe, allusion très claire aux députés dissidents de Syriza. Et M. Kammenos lui promettait de lui montrer à mieux se servir de son bras droit.

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