Les pays baltes craignent un rapprochement entre Poutine et Trump. Cette fresque a été réalisée à Vilnius, en Lituanie, en mai 2016. © P. MALUKAS/AFP

Trump veut-il étouffer Poutine petit à petit?

Muriel Lefevre

Mur mexicain, déclaration musclée envers la Chine et drague de Poutine. Tout cela ne serait que de la poudre aux yeux. Derrière toutes ces sorties tonitruantes, il y aurait une politique similaire à celle de Reagan dans les années 80. Une politique qui étoufferait petit à petit la Russie selon Walter Russell Mead, un des principaux spécialistes de la politique étrangère américaine et interviewé par De Standaard.

« Nous vivons dans des temps dangereux » dit le professeur Mead, « et l’inexpérience de Trump n’est pas rassurante. Mais ce populisme américain est aussi vieux que l’Amérique elle-même et pas aussi destructif que l’on pourrait le penser (…) Beaucoup de partenaires de l’Amérique sont suffisamment adultes pour ne pas mettre en danger les intérêts de leur pays parce qu’ils se sentent personnellement offensés. « 

Pas plus que Mead ne voit les sorties de Trump contre l’OTAN comme quelque chose de négatif. « Washington s’inquiète de la direction que prend la Turquie et du fait que ce pays garde un droit de veto dans cette assemblée. Trump est en réalité sept étapes en avance. Il pose des questions que nous souhaitons juste ignorer. Et ça c’est une bonne chose. »

« En plus, Trump n’est pas tout seul » dit-il encore dans le journal flamand. « Il est entouré d’un trio qui vient de l’aile internationale du parti républicain et qui pense que la construction d’un ordre mondial et des engagements à l’international sont la meilleure garantie pour la sécurité de l’Amérique ».

Par exemple, ses prises de position contre la Chine n’auraient rien de farfelu.

« Le principal conflit en Asie est celui qui oppose la Chine et le Japon. La Chine ne peut devenir une superpuissance mondiale sans écraser le Japon. Sauf que le Japon est en train de se construire une armée avec les dernières technologies et une espèce de deuxième Silicon Valley. Sur ce point, le Japon laisse la Chine loin derrière. Ce n’est donc pas un hasard que le premier leader étranger à être invité par Trump était Abe. Les relations américo-japonaise sont souvent traitées par-dessus la jambe par les analystes européens, mais c’est précisément cela qui fait des États-Unis une superpuissance »dit encore Mead dans De Standaard.

Selon lui, « America first » ne serait qu’un slogan de campagne. « Sans son discours contre l’immigration et le commerce, il n’aurait probablement pas été élu. Sauf qu’en réalité, il va plutôt appliquer une politique proche de celle de Reagan dans les années 1980. Reagan avait conspué les Japonais sans jamais prendre d’actions concrètes. Il a pourtant réussi à ce que de grandes entreprises nippones investissent aux USA. Trump espère faire de même. Avec sa politique énergétique, le prix du pétrole et du gaz sera beaucoup plus bas aux USA qu’en Europe et en Asie. On rajoute à cela un assouplissement de la loi sur l’environnement, le travail et une baisse des impôts et les États-Unis redeviennent un pays très attractif. »

Asphyxier la Russie

« Dans les yeux de Poutine, la politique de Trump déforce les positions stratégiques de la Russie. Sa politique énergétique qui fait que les prix du pétrole et du gaz resteront bas est mauvaise pour la Russie et surtout pour son économie et sa croissance » dit le spécialiste. « Le pays a déjà dû réduire d’un quart ses dépenses militaires. Alors que dans le même temps Trump augmente lui les dépenses militaires américaines. Un budget défense de 54 milliards, c’est quelque chose que la Russie ne peut tout simplement pas se permettre. »

« Je ne suis pas certain qu’il y ait un plan machiavélique fomenté depuis des lustres, mais une chose est sûre: c’est que le résultat est désastreux pour Poutine. Ici aussi, cela me fait fort penser à la période sous Reagan. À cette période aussi le prix du gaz et du pétrole a chuté et on a développé un bouclier antimissile qui a mis la Russie sous pression. Poutine a peut-être développé une stratégie pour un président américain progressiste et un autre pour un plus conservateur. Mais dans aucun cas, il ne va voir ce dernier comme un partenaire. Et ça, les Américains l’oublient trop souvent. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire