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Trump revendique le « droit absolu » de s’accorder une grâce présidentielle

Le Vif

Donald Trump a affirmé lundi avoir le « droit absolu » de s’accorder à lui-même la grâce présidentielle, tout en assurant n’avoir rien à se reprocher dans l’enquête sur l’ingérence russe qu’il qualifie de « chasse aux sorcières ».

Donald Trump a affirmé lundi avoir le « droit absolu » de s’accorder à lui-même la grâce présidentielle, tout en assurant n’avoir rien à se reprocher dans l’enquête sur l’ingérence russe qu’il qualifie de « chasse aux sorcières ».

Au-delà du strict débat juridique, le fait même que le 45e président des Etats-Unis évoque cette possibilité, même en affirmant qu’il n’en aurait pas besoin, a suscité une avalanche de réactions indignées et de mises en garde, y compris au sein de son propre camp. « Comme cela a été stipulé par de nombreux spécialistes du droit, j’ai le droit absolu de me GRACIER, mais pourquoi le ferais-je alors que je n’ai rien à me reprocher? », a écrit le président dans un tweet matinal au style provocateur qu’il affectionne.

L’enquête sur une éventuelle collusion entre l’équipe de campagne Donald Trump et Moscou ainsi qu’une possible « obstruction de justice » de la part du président américain fait peser une épée de Damoclès sur le mandat du magnat de l’immobilier.

Dans un deuxième tweet, il a estimé que la nomination du procureur spécial Robert Mueller pour mener cette enquête, ordonnée par le ministère de la Justice, était « ANTICONSTITUTIONNELLE ». « Malgré cela, nous jouons le jeu car, contrairement aux démocrates, je n’ai rien fait de mal! », a-t-il ajouté.

Ses propos ont suscité de vives réactions. « Monsieur le président, vous êtes à deux doigts d’être éliminé sur les questions de constitutionnalité ce matin », a taclé le sénateur démocrate de New York Chuck Schumer.

Dimanche, l’un des avocats du président américain, Rudy Giuliani, avait déjà évoqué la possibilité théorique d’une grâce du président pour lui-même, tout en assurant que M. Trump n’en avait pas l’intention et en reconnaissant que les conséquences politiques d’une telle décision pourraient être lourdes. « Gracier d’autres personnes est une chose, se gracier soi-même en est une autre », a-t-il souligné.

Selon la Constitution, le président a un pouvoir discrétionnaire pour accorder une grâce, sauf lorsque celle-ci sert à stopper une procédure de destitution en cours au Congrès.

« Ignoble et auto-destructeur »

Chris Christie, ancien gouverneur du New Jersey et proche de M. Trump, avait immédiatement et catégoriquement écarté une telle hypothèse: « Si le président se graciait, il serait destitué ». Preet Bharara, comme M. Giuliani un ancien procureur à New York, avait jugé cette éventualité « scandaleuse ».

Le débat sur la façon dont Donald Trump entend utiliser son droit de grâce monte en puissance depuis plusieurs semaines, après une série d’annonces démontrant sa volonté de marquer une rupture avec ses prédécesseurs sur ce thème.

Alors que Bill Clinton, George W. Bush et Barack Obama avaient tous attendu plus de deux ans avant d’accorder leur première grâce, Donald Trump montre qu’il n’hésite pas à utiliser ce droit régalien quand il considère que la justice a fait fausse route. Et c’est, de fait, souvent ses soutiens de la première heure qui en profitent.

La semaine dernière, il en a ainsi fait bénéficier Dinesh D’Souza, un conservateur polémiste très anti-démocrate. A l’été 2017, il avait gracié l’ancien shérif Joe Arpaio, condamné pour ses méthodes policières discriminatoires envers les immigrés clandestins.

Ses détracteurs accusent le président de chercher à envoyer un message à ses proches inculpés par Robert Mueller – parmi lesquels Paul Manafort, son ancien directeur de campagne – sur le thème: ne vous inquiétez pas, je pourrai user de mon droit de grâce le moment venu.

Pour Jonathan Turley, professeur de droit constitutionnel à l’université George Washington, le président a effectivement le droit à « l’auto-pardon ». Cependant, ajoute-t-il aussitôt, une tel acte serait « ignoble et auto-destructeur ».

Il pourrait, estime-t-il, potentiellement servir de base à une procédure de destitution (connue en anglais sous le nom d' »impeachment ») même si cela soulèverait, en cascade, d’épineuses questions juridiques.

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