Carte blanche

Trump président : la responsabilité des médias

Leur rejet unilatéral de Donald Trump a conforté la victimisation antisystème des électeurs du milliardaire. Il appartient à nous, citoyens, de réinventer un lien constructif avec le monde politique.

Je lis beaucoup de réactions de frustration, de colère, de peur et d’incompréhension depuis ce matin. Je pense que la majorité de ces réactions devraient être orientées vers la cause qui a mené à ce résultat et non pas vers sa conséquence. Le fait qu’un candidat sans expérience, avec pour tout programme un slogan simpliste et dont l’adversaire est supporté depuis plus de 6 mois par l’immense majorité de la presse, gagne la présidentielle américaine doit nous interroger sur les raisons de ce vote. Il porte pourtant un nom assez simple: rejet.

Les médias portent une immense responsabilité dans l’élection de monsieur Trump. En se rangeant de manière unilatérale et active soit dans le soutien à Mme Clinton, soit dans le rejet de Mr. Trump, ils ont validé jour après jour son seul argument: « je suis contre le système ». Paradoxalement, le soutien pratiquement inconditionnel de la presse internationale, du monde de la finance, des célébrités, au lieu de fournir davantage de votes à son adversaire (déjà acquis sans doute en ce qui concerne le public-cible) a apporté du grain à moudre à la théorie « antisystème » et fini par convaincre davantage d’électeurs frustrés de leur volonté de tenter de changer la donne.

Je lis malheureusement également beaucoup de commentaires hautains et méprisants sur les électeurs de Mr. Trump. Provinciaux, imbéciles, incultes, irresponsables… Soyez certains que c’est ce genre de réactions qui a également poussé bon nombre d’Américains à voter Trump. Si plutôt que de vous expliquer objectivement les conséquences de votre vote, on vous signifie quotidiennement et avec insistance que seuls les crétins votent Trump et que vous en faites partie, cela ne va certainement pas vous inciter à pousser plus loin votre réflexion pré-électorale.

Les médias, en ne considérant jamais Trump comme un candidat à part entière (ce qui aurait sans doute permis un débat sur le fond démontrant assez facilement l’inanité de son programme) mais bien comme un bouffon dangereux (et par extension, ses électeurs potentiels), ont contribué à laisser le débat au niveau de la forme et surtout à cliver la population électorale. Et Hillary Clinton ne suscite pas assez de passion pour surpasser ce clivage. Le « système » américain n’a pas compris le rejet qu’en avait sa population. L’aurait-il fait, il aurait sans doute misé sur un autre cheval. On ne saura jamais si Bernie Sanders aurait fait un bon président, mais il aurait certainement fait un meilleur candidat démocrate face au personnage créé par Trump.

Brexit, refus de l’accord de paix avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie, Trump président… Nous pouvons tous lever les yeux au ciel, se dire que le monde devient fou et se gargariser du fait que, dans notre immense sagesse , nous aurions posé un choix différent. Je vous invite à prendre connaissance des sondages sur les prochaines élections françaises qui s’annoncent également comme « le choix du moins pire » sans susciter beaucoup d’engouement et, plus proche de nous, sur les projections du score électoral du PTB (certes une autre forme de populisme, mais si vous le permettez, je pense que l’abus nuit en tout, à gauche comme à droite).

Vous me permettrez de citer Churchill: « Le meilleur argument contre la démocratie est une discussion de 5 minutes avec un électeur moyen ». Assurément, cet adage va beaucoup plaire aujourd’hui. Il n’en demeure pas moins qu’à ce jour, la démocratie reste le moins pire des systèmes politiques. J’invite chacun à s’en souvenir aujourd’hui.

Quant au futur, puisqu’il semble que notre société soit arrivée à bout de souffle de ce modèle démocratique, puisque les systèmes économiques, sociaux, éducatifs, médiatiques et politiques occidentaux semblent porter au pouvoir des hommes et des femmes stéréotypés quel que soit leur bord politique, n’inspirant plus de passion mais au contraire défiance ou indifférence; il nous appartient en tant que citoyen de réinventer et recréer un lien constructif et évolutif avec le monde politique. Il nous importe de le faire avec ouverture d’esprit et surtout humilité, au risque de créer de nouveaux clivages entre citoyens que le futur Trump de tout pays ne manquera pas d’exploiter.

Celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la répéter. En ce jour, Marine Le Pen espère que nous n’avons plus assez de temps pour méditer la morale de cette histoire américaine…

Par Kevin Clacens, cadre travaillant à Bruxelles

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