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Trump-Poutine: que vont-ils se dire lors de leur face-à-face ?

Le Vif

« Nous allons avoir une formidable relation avec (Vladimir) Poutine et la Russie », allait répétant Donald Trump durant la campagne électorale. Plus de cinq mois après son arrivée au pouvoir, le président américain rencontre, enfin, son homologue russe.

L’entretien tant attendu est prévu vendredi à Hambourg, dans le nord de l’Allemagne, en marge du sommet du G20.

Mais loin du nouveau départ, un temps espéré, le tête-à-tête entre l’ancien homme d’affaires de New York, 71 ans, et l’ancien chef à la tête du FSB (ex-KGB), 64 ans, s’annonce délicat. Et semé d’embûches pour le locataire de la Maison-Blanche qui, pendant des mois, a couvert d’éloges le maître du Kremlin.

Syrie, Ukraine, Corée du Nord, lutte contre le terrorisme: les sujets de fond sont nombreux. Mais nombre de questions lancinantes pèsent sur cette rencontre: Trump abordera-t-il la question de l’interférence russe dans l’élection présidentielle américaine ? Dans quelle mesure l’enquête en cours du FBI sur d’éventuels liens entre ses proches et le Kremlin pèsera-t-elle sur la discussion ?

Des deux côtés, on reste pour l’heure évasif sur le format, la durée et l’ordre du jour de ce face-à-face dont l’issue sera scrutée avec une attention particulière à Washington, où nombre d’élus républicains appellent à plus de fermeté face à Moscou, mais aussi à travers le monde.

« Cette rencontre (…) est cruciale pour la stabilité et la sécurité internationales », a déclaré le conseiller du Kremlin, Iouri Ouchakov, sans aller plus loin.

Le général H.R. McMaster, conseiller à la Sécurité nationale de Donald Trump, a assuré qu’il n’y avait pas « d’ordre du jour spécifique », plaidant, d’une formule assez générale, pour une relation « plus constructive » avec Moscou qui n’empêche pas la fermeté face à son « comportement déstabilisateur ».

Au plus bas dans les sondages aux États-Unis, l’imprévisible président, encore novice sur la scène internationale, devra trouver le ton juste, le savant dosage.

« La relation est tellement empoisonnée qu’il est difficile d’imaginer une quelconque avancée spectaculaire », estime Michael O’Hanlon, expert du centre de réflexion américain Brookings Institution.

« Trump doit être poli mais ferme, et pas trop amical. S’il veut améliorer les relations USA-Russie à terme, il doit d’abord exprimer ses réelles inquiétudes concernant le comportement récent de la Russie. Sinon, Poutine risque de penser qu’il se laisse marcher sur les pieds et le Congrès sera vent debout contre sa politique sur la Russie ».

Regards et poignée de main

Sur l’Ukraine, en proie à un conflit armé entre des séparatistes pro-russes et les forces de Kiev, le renforcement des sanctions de Washington contre Moscou a provoqué la colère du chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov qui est allé jusqu’à dénoncer l' »obsession russophobe » des États-Unis.

Sur la Syrie, aussi, les relations sont tendues. Les mois écoulés ont donné lieu à de vifs échanges, Moscou jugeant, entre autres, « inadmissibles » les menaces de représailles lancées par la Maison-Blanche contre le régime syrien accusé de préparer une attaque chimique.

Or plus que tout autre dossier, le chaos syrien nécessite un dialogue entre Moscou et Washington au moment où les revers successifs du groupe Etat islamique (EI) changent la donne sur le terrain: les jihadistes sont en très mauvaise posture dans leur fief de Raqa.

S’il veut faire un geste envers Moscou, Donald Trump pourrait revenir sur une partie des sanctions visant les services de renseignement russes annoncées par Barack Obama peu avant son départ du pouvoir. Parmi les pistes: la restitution de deux sites, à New York et dans le Maryland, saisis par les autorités américaines.

Mais une rencontre bilatérale est aussi une affaire d’images, lorsque tous les projecteurs sont braqués, pendant quelques secondes, sur une poignée de main, des regards, quelques mots avant le huis clos.

Celles – diffusées avec une délectation évidente par Moscou – de Donald Trump tout sourire dans le Bureau ovale début mai en compagnie de Sergueï Lavrov ont eu un effet désastreux.

Le magnat de l’immobilier a beaucoup moqué la faiblesse supposée de son prédécesseur démocrate pour lequel Vladimir Poutine n’avait, selon lui, « aucun respect »,

« Si nous pouvons (…) nous entendre avec la Russie, ce serait un truc fantastique. J’adorerais essayer », lançait-il six mois avant d’être élu, à la surprise générale, à la Maison-Blanche.

Vendredi, à Hambourg, à l’occasion de son deuxième déplacement à l’étranger depuis sa prise de fonction, Donald Trump aura l’occasion de nouer le contact.

Le parcours d’obstacles de Donald Trump

Donald Trump entame ce mercredi un important voyage en Europe où il assistera à son premier sommet du G20 et aura avec le président russe Vladimir Poutine une rencontre observée attentivement par leurs pairs.

Le président des États-Unis encore débutant commence ce déplacement de quatre jours par la Pologne et l’Allemagne au moment où montent à travers le monde de dangereux courants géopolitiques, des dissensions transatlantiques aux menaces nucléaires de la Corée du Nord.

Air Force One doit atterrir à Varsovie tard dans la soirée de mercredi, marquant le début du deuxième voyage à l’étranger de Trump, qui le mènera aussi au sommet du G20 à Hambourg où il aura des conversations épineuses avec les présidents russe Vladimir Poutine et chinois Xi Jinping, et aussi avec la chancelière allemande Angela Merkel.

L’essai nord-coréen d’un missile balistique intercontinental pouvant aller jusqu’en Alaska, une menace sans ambiguïté pour la sécurité des États-Unis, pèsera sur le climat des entretiens.

Le président Trump avait dans le passé affirmé que ce genre d’essai serait la violation d’une ligne rouge. Maintenant, ses amis et rivaux attendent de voir s’il s’agissait de simples éclats de voix ou d’annonce d’une action à venir.

M. Trump, qui a tenté en vain de convaincre Pékin d’accroître la pression sur Pyongyang, rencontrera le président Xi à Hambourg pour parler des mesures à prendre.

« Aucun d’entre nous n’en fait assez. Je ne pense pas que la Chine fait assez maintenant, car le problème n’est pas réglé », a dit le conseiller présidentiel américain à la sécurité nationale, H.R. McMaster, à la veille du voyage.

Vendredi, M. Trump aura avec M. Poutine une rencontre qui peut avoir un impact sur la politique intérieure américaine.

Rattrapage

Le premier voyage de M. Trump en Europe ayant révélé une grande méfiance transatlantique, le deuxième devrait ressembler à un rattrapage.

En Pologne, M. Trump sera accueilli chaleureusement par le président Andrzej Duda qui suit la politique du gouvernement conservateur, assez proche de celle de « Donald ».

« Après son voyage désastreux à Bruxelles et Taormina, des images souriantes avec des dirigeants européens et des foules enthousiasmées par son discours pourraient aider Trump à réparer son image dans son pays », a dit Piotr Buras, analyste du Conseil européen des relations extérieures.

En public, les responsables européens parlent d’une relation inaltérable et essentielle. Mais en privé ils se demandent si elle survivra à quatre ou huit années avec M. Trump à la Maison-Blanche.

‘Un pour tous’ ?

Même si l’étape de Varsovie devrait être la plus facile, elle n’est pas complètement sans embûches pour un commandant-en-chef qui ne parle pas toujours comme un diplomate.

Les Polonais surveilleront ce qu’il pourra dire sur son engagement à garantir la sécurité européenne.

Comme bien des pays voisins, la Pologne voit dans l’Otan et sa règle de défense mutuelle un puissant facteur de dissuasion face à la Russie et une garantie de leur indépendance.

M. Trump s’était dit attaché à la règle « un pour tous, tous pour un », mais en même temps il a flétri les alliés européens pour la maigreur de leurs budgets militaires.

Jeudi, il doit prononcer un important discours place Krasinski, proche du monument à l’Insurrection de Varsovie contre les nazis.

« Il présentera une vision, pas seulement pour les relations futures avec l’Europe, mais pour l’avenir de notre alliance transatlantique et sa signification pour la sécurité et la prospérité de l’Amérique », a dit le général McMaster.

Les conservateurs au pouvoir en Pologne devraient garantir une bonne audience et M. Trump manifestera en retour le soutien des États-Unis, évoquant le déploiement des troupes américaines et la première livraison en juin du gaz naturel liquéfié américain.

Pour des responsables de la Maison Blanche il s’agit d’un pas important en vue de réduire la capacité de Moscou d’utiliser les carburants comme un instrument de pression.

Les autres pays européens observeront avec attention l’attitude de M. Trump à l’égard des dirigeants du parti polonais Droit et Justice (PiS), que l’opposition accuse d’affaiblir l’Etat de droit et d’ignorer les valeurs européennes.

Effectivement, Bruxelles a engagé une procédure légale contre Varsovie pour son refus d’accueillir des réfugiés.

Si le président américain manifeste des sympathies pour les positions polonaises, il pourrait se faire accuser de semer la discorde en Europe, comme ce fut le cas pour George W. Bush lors de la guerre en Irak.

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