Trump nomme le conservateur Brett Kavanaugh à la Cour suprême

Le Vif

Le président Donald Trump a nommé le magistrat Brett Kavanaugh à la Cour suprême des Etats-Unis, ancrant ainsi dans le conservatisme l’institution qui tranche les grands débats de la société américaine.

« Ce soir j’ai l’honneur et le privilège d’annoncer que je nomme à la Cour suprême des Etats-Unis Brett Kavanaugh », un juge « aux références impeccables », a déclaré M. Trump au terme d’un suspense savamment orchestré par la Maison Blanche.

« C’est un juriste brillant aux écrits clairs et ciselés, considéré partout comme l’un des esprits juridiques les plus fins et les plus vifs de notre époque », a ajouté le président, qui s’est exprimé à 21H00, heure de grande écoute pour les chaînes télévisées.

L’annonce de M. Trump était très attendue par sa base électorale, qui sait combien un juge de la Cour suprême, désigné à vie, offre une garantie sur le long terme.

Brett Kavanaugh est un magistrat aux valeurs conservatrices solidement ancrées, qui a été conseiller juridique de l’ancien président républicain George W. Bush.

Il siège depuis une décennie à la cour d’appel de Washington, une instance réputée pour l’importance des dossiers qui y passent et donc considérée comme un tremplin pour la plus haute instance judiciaire du pays, également située dans la capitale fédérale.

« Personne n’est mieux qualifié pour ce poste et personne ne le mérite autant », a affirmé M. Trump en présentant M. Kavanaugh à la Maison Blanche.

Le juge Kavanaugh a commencé sa carrière dans la magistrature comme assistant d’Anthony Kennedy qui, fin juin, a créé la surprise en annonçant qu’il prenait sa retraite de la Cour suprême.

Près de trois décennies séparent les deux hommes et, s’il est confirmé par un vote du Sénat, Brett Kavanaugh deviendra à 53 ans l’un des plus jeunes sages de l’institution qui veille à la constitutionnalité des lois aux Etats-Unis.

Pas étonnant que cet esprit brillant ait été remarqué par la Federalist Society et l’Heritage Foundation, les organisations qui ont aidé la Maison Blanche à sélectionner les candidats pour la Cour suprême: le juge Kavanaugh a fait preuve d’une constance conservatrice dans ses décisions.

Diplômé de la prestigieuse université Yale, il a notamment rassuré les républicains en se déclarant –il est vrai sur un motif technique– opposé à la loi Obamacare sur la couverture maladie universelle.

Il s’est fait connaître dans les années 1990 lors de deux scandales de l’ère Bill Clinton.

– Catholique pratiquant –

Il avait mené l’enquête sur le suicide de Vince Foster, ami de Clinton et collaborateur de la Maison Blanche, dans l’affaire Whitewater, concernant des investissements dans l’immobilier du couple présidentiel.

Plus tard, M. Kavanaugh a participé à la rédaction du rapport du procureur Kenneth Starr, portant notamment sur la relation extra-conjugale que Bill Clinton avait eue avec une stagiaire, Monica Lewinsky.

En arrivant en 2001 à la Maison Blanche, George W. Bush l’avait recruté parmi ses collaborateurs directs. Plus tard, le président républicain a nommé Brett Kavanaugh à la cour d’appel de Washington. Son épouse, Ashley, avec qui il a eu deux filles, a pour sa part officié comme secrétaire personnelle du président.

En 2012, le juge a fait partie d’un panel ayant annulé une mesure de l’EPA, l’agence fédérale de protection de l’environnement, visant à réduire la pollution de l’air entre les Etats.

Récemment, il a exprimé son désaccord avec une décision permettant à une adolescente entrée clandestinement aux Etats-Unis de se faire avorter.

Ce catholique pratiquant est actif dans diverses associations religieuses.

En étant choisi par M. Trump, le juge Kavanaugh a fait mentir ceux qui pensaient que ses liens avec George W. Bush seraient rédhibitoires. Jeb Bush, le frère de l’ex-président, a été la cible répétée de quolibets de M. Trump lors de la primaire républicaine en 2016.

Une autre prise de position juridique du juge Brett Kavanaugh avait fait douter certains de sa nomination.

Il avait dans le passé déclaré que l’ancien président démocrate Bill Clinton pourrait être destitué pour avoir menti à ses collaborateurs et avoir induit en erreur le public. Cette définition très large de l’entrave à la justice pourrait, selon des experts, être dommageable à l’actuel président si elle lui était appliquée dans l’enquête sur l’ingérence russe dans la présidentielle

« Un juge doit être indépendant et doit interpréter la loi, et non pas faire la loi », a-t-il assuré lors d’une courte allocution, en présence de M. Trump et devant ses parents, à qui il a rendu hommage.

Début 2017 le président américain avait déjà eu l’occasion de promouvoir à la haute instance un juge conservateur, Neil Gorsuch. Avec Brett Kavanaugh, la juridiction chargée de veiller à la constitutionnalité des lois comptera une solide majorité de cinq membres conservateurs, contre quatre progressistes.

Ce rapport de force devrait permettre de sabrer les velléités locales de réglementer les armes à feu, donner des gages aux chrétiens conservateurs, conforter les partisans de la peine de mort, appuyer les lobbys patronaux et s’opposer à un plafonnement des financements électoraux.

Brett Kavanaugh a été choisi au terme d’une sélection ayant permis à l’issue du week-end de resserrer la liste de candidats à quatre magistrats, tous très conservateurs: celle-ci comptait Amy Coney Barrett, une juge aux valeurs religieuses traditionalistes; Raymond Kethledge, un défenseur d’une interprétation littérale de la Constitution; et Thomas Hardiman, un farouche partisan du port d’arme.

– « Militantisme judiciaire » –

Le juge Kavanaugh doit désormais être confirmé par un vote du Sénat. M. Trump veut agir vite et profiter de la courte majorité républicaine à la chambre haute du Congrès, avant les élections risquées de mi-mandat en novembre.

Les juges de la Cour suprême siégeant souvent des décennies, l’enjeu est énorme.

Le juge Kennedy, 81 ans, a joué un rôle pivot: conservateur sur des sujets comme les armes à feu ou le financement électoral, il a été plus progressiste sur des thèmes comme l’avortement, la discrimination positive ou le mariage homosexuel.

Son départ était vivement redouté par les démocrates, qui craignent par ailleurs une défaillance de la doyenne de la Cour, la magistrate progressiste Ruth Bader Ginsburg, qui siège encore à 85 ans.

– Décalage à droite –

Sans Kennedy et avec Kavanaugh, beaucoup considèrent désormais qu’un réel danger plane sur divers acquis sociaux, comme le droit à l’avortement, qui remonte à un arrêt historique de la Cour suprême, Roe v. Wade, en 1973.

« Cette nomination peut mettre en danger le droit à l’IVG, qui a bénéficié depuis plus de quatre décennies à des millions de femmes et de familles », a réagi lundi l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU).

Exaspérés que Donald Trump ait ainsi l’occasion de marquer durablement de son empreinte la Cour suprême, l’opposition démocrate entend se mobiliser lors du vote de confirmation de M. Kavanaugh un processus que Mitch McConnell, le chef des républicains au Sénat, veut boucler à l’automne.

Quelques élus républicains modérés ont aussi prévenu qu’ils n’endosseraient pas automatiquement le juge Kavanaugh. « Je compte vérifier de très près et avec soin le candidat nommé par le président », a promis la sénatrice républicaine Susan Collins.

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