Donald Trump, ici en visite au centre d'accueil pour évacués et victimes de la tempête Harvey. © REUTERS/Kevin Lamarque

Trump met fin au programme d’Obama protégeant les jeunes sans-papiers

Le Vif

Le président américain Donald Trump a mis fin mardi au programme mis en place par son prédécesseur Barack Obama qui a permis à 800.000 jeunes sans-papiers de rester aux Etats-Unis, une décision qui a provoqué une véritable tempête politique.

Le sort des quelque 800.000 « Dreamers » qui bénéficient actuellement d’un statut leur permettant d’étudier et de travailler est désormais extrêmement incertain.

M. Trump, qui s’était engagé à aborder ce dossier sensible « avec coeur », n’a pas pris la parole pour expliquer son choix mais insisté dans un communiqué sur la nécessité de donner « la priorité » aux travailleurs américains, thématique centrale de sa campagne électorale.

« Nous devons nous rappeler que les jeunes Américains ont aussi des rêves », a-t-il lancé en référence au surnom donné aux bénéficiaires de ce programme.

La Maison Blanche a appelé le Congrès à légiférer, mais un compromis sur l’immigration, sujet qui divise Washington depuis des décennies, est loin d’être acquis.

La décision a immédiatement provoqué une cascade de réactions indignées, dans le camp démocrate bien sûr, mais aussi chez certains républicains, dans le monde économique, et au-delà des frontières américaines.

Le Mexique, dont sont originaires nombre des enfants et jeunes adultes concernés, a exprimé sa vive inquiétude, réclamant une solution « rapide » pour mettre fin à l’incertitude juridique dans laquelle ces derniers se trouvent désormais.

« C’est une triste journée pour notre pays », a lancé Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, dénonçant une décision « cruelle ». Pour le sénateur républicain John McCain, il s’agit d’une « mauvaise approche ».

L’ancien vice-président démocrate Joe Biden a déploré sur Twitter une décision qui n’est « pas l’Amérique ». « Amenés par leurs parents, ces enfants n’avaient pas le choix. Ils vont maintenant être envoyés dans des pays qu’ils n’ont jamais connus ».

En l’absence d’avancées législatives, Barack Obama avait, en 2012, mis en place, par décret, le programme Daca (Deferred Action for Childhood Arrivals) afin de faire sortir de l’ombre les enfants arrivés illégalement aux Etats-Unis avec leurs parents, pour la plupart en provenance d’Amérique latine.

Américains « privés d’emplois »

Dénonçant la décision prise de manière « unilatérale » par l’ancien président démocrate, le ministre de la Justice Jeff Session a estimé qu’elle avait en particulier « privé d’emploi des centaines de milliers d’Américains en permettant que ces emplois soient occupés par des immigrants illégaux ».

« Nous ne pouvons accepter tous ceux qui voudraient venir ici, c’est aussi simple que cela », a-t-il déclaré.

A compter de ce jour, aucune nouvelle demande ne sera examinée. Les permis existants, qui portent sur une durée de deux ans, resteront en revanche valables jusqu’à leur expiration.

Quelque centaines de personnes s’étaient rassemblées devant la Maison Blanche pour dénoncer, selon les termes de Gustavo Torres, responsable d’une ONG, une mesure qui punit des jeune qui « sont là depuis des années, travaillent, paient leurs impôts et contribuent à l’économie ».

Dans le camp républicain, nombre de voix avaient mis en garde depuis plusieurs jours contre la tentation d’effacer d’un trait de plume ce programme emblématique et de mettre à la merci d’une expulsion ces jeunes « rêveurs », dont le surnom fait référence au Dream Act, projet de loi de réforme de l’immigration n’ayant jamais abouti au Congrès.

« New York se battra »

Fait notable, Donald Trump, dont les diatribes enflammées sur l’immigration ont été au coeur de son message de campagne, avait, depuis son arrivée à la Maison Blanche, ouvertement exprimé ses hésitations sur le sort de ces jeunes. « Pour moi, c’est l’un des sujets les plus difficiles qui soit », soulignait-il il y a quelques mois. « Nous adorons les Dreamers », affirmait-il vendredi dans le Bureau ovale.

Une grande partie du monde des affaires, en particulier dans la Silicon Valley, était vent debout contre une remise en cause de ce décret qui offre aux jeunes –arrivés sur le territoire américain avant 16 ans et n’ayant pas d’antécédents judiciaires– l’équivalent d’un permis de séjour d’une validité de deux ans, renouvelable.

« New York se battra pour défendre nos Dreamers », a lancé le maire de la ville Bill de Blasio.

Dès lundi, le gouverneur de l’Etat de New York Andrew Cuomo a lui averti qu’il contesterait en justice toute remise en cause de ce programme.

Barack Obama dénonce une décision « cruelle »

L’ancien président américain Barack Obama a dénoncé mardi une décision « cruelle » après la remise en cause par l’administration Trump de son programme Dreamers.

« Il s’agit de jeunes gens qui ont grandi en Amérique, d’enfants qui étudient dans nos écoles, de jeunes adultes qui débutent leur vie professionnelle, de patriotes qui s’engagent à respecter notre drapeau », a-t-il souligné dans un communiqué, défendant ce programme qu’il avait mis en place en 2012, par décret.

Le Daca (Deferred Action for Childhood Arrivals) visait à faire sortir de l’ombre les enfants arrivés illégalement aux Etats-Unis avec leurs parents, pour la plupart en provenance d’Amérique latine.

« S’en prendre à ces jeunes est une mauvaise décision, car ils n’ont rien fait de mal. C’est contre-productif, parce qu’ils veulent créer des entreprises, travailler dans nos laboratoires, s’engager dans notre armée et plus largement s’impliquer dans ce pays que nous aimons », a estimé M. Obama, qui était jusqu’ici resté très discret depuis son départ de la Maison Blanche le 20 janvier.

« C’est aussi cruel », ajoute l’ancien président démocrate. « Et si le professeur de sciences de nos enfants, ou notre voisin était un Dreamer? Ou devrions-nous l’envoyer? Dans un pays qu’il ne connait pas ou dont il ne rappelle même plus avec une langue qu’il ne parle peut-être même pas? »

« In fine, c’est une question de décence élémentaire », conclut-il.

« Il s’agit de savoir si nous sommes des gens qui expulsons de jeunes travailleurs plein d’espoirs hors de l’Amérique ou si nous les traitons de la manière dont nous aimerions que nos enfants soient traités. Il s’agit de savoir qui nous sommes et qui nous souhaitons être ».

Quelles conséquences pour les sans-papiers après la décision de Trump?

Voici les origines du programme créé par Barack Obama et les conséquences de son abolition pour les quelque 800.000 personnes en bénéficiant.

Origine et critères

En juin 2012, Barack Obama annonçait un programme intitulé Daca (« Deferred Action for Childhood Arrivals ») permettant de régulariser de facto, bien que temporairement, des enfants et jeunes adultes en situation irrégulière, arrivés aux Etats-Unis avant leur 16e anniversaire, et sous certaines conditions.

Il fallait notamment être âgé de moins de 31 ans au 15 juin 2012, avoir été présent continuellement depuis 2007 sur le territoire, et n’avoir pas eu de condamnation grave. Les demandeurs devaient également être à l’école, posséder un diplôme de l’équivalent du bac, ou avoir été engagé dans l’armée.

Les bénéficiaires obtenaient un permis de deux ans, renouvelable, leur permettant de travailler en toute légalité, tout en ayant l’assurance qu’ils ne seraient pas expulsés. Ils pouvaient aussi demander l’autorisation de voyager à l’étranger.

Pourquoi la suppression?

Le président Donald Trump avait promis, durant la campagne, de supprimer ce que la plupart des républicains considéraient être un abus de pouvoir de la part du président Obama, seul le Congrès étant autorisé selon la loi à régulariser des étrangers en situation irrégulière.

A cette promesse électorale s’ajoutait une dimension judiciaire. Plus de la moitié des Etats fédérés ont contesté devant la justice fédérale un élargissement de Daca et la création d’un autre programme par Barack Obama en 2014, « Dapa », à destination d’adultes sans-papiers. La justice fédérale a suspendu ces régularisations supplémentaires en attendant un examen sur le fond.

Récemment, des Etats emmenés par le Texas conservateur avaient menacé d’ajouter « Daca » à ce procès si Donald Trump n’abolissait pas le programme avant le 5 septembre.

L’administration a estimé qu’au lieu d’un probable jugement supprimant brusquement « Daca », il valait mieux y mettre fin selon un calendrier décidé et préparé par l’exécutif.

Mais des experts et les démocrates contestent cette explication, affirmant que Daca était tout à fait constitutionnel et aurait survécu à l’examen des tribunaux. Selon le professeur de droit Stephen Yale-Loehr, de l’université Cornell, la suppression de Daca pourrait même être contestée en justice.

« La solution la plus stable aurait été de laisser le programme Daca en place », souligne cet expert des questions d’immigration.

Quelles conséquences?

Environ 800.000 personnes disposent actuellement de Daca, selon le gouvernement. Les permis d’un peu plus de 200.000 personnes expireront d’ici à la fin de l’année. En 2018, environ 275.000 expireront, et 322.000 entre janvier et août 2019.

Ces sans-papiers garderont leur permis jusqu’à leur date d’expiration.

Si cette date d’expiration intervient dans les six prochains mois, c’est-à-dire avant le 5 mars 2018, les bénéficiaires ont le droit de faire une demande de renouvellement et obtenir ainsi deux ans de sursis; cette demande doit être déposée avant le 5 octobre.

Depuis mardi, le gouvernement n’accepte en revanche plus aucun demandeur nouveau de permis Daca.

Les autorités fédérales refuseront également à compter de mardi les demandes d’autorisation de sortie du territoire pour les bénéficiaires actuels de Daca.

Il y avait au 20 août 106.341 dossiers en cours d’examen; les services d’immigration les traiteront normalement, a précisé le département de la Sécurité intérieure.

Une fois les permis expirés, les sans-papiers concernés n’auront plus le droit de travailler et peuvent théoriquement être expulsés. A moins qu’une hypothétique loi du Congrès, contrôlé par les républicains, ne leur confère un statut légal permanent.

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