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Trump/Kim: un sommet à l’ombre du nucléaire

Le Vif

Kim Jong Un et Donald Trump se retrouvent à Singapour dans un climat marqué par des décennies d’antagonisme et de méfiance. Un legs qui pèsera lourd quand il s’agira de savoir jusqu’où Pyongyang est prêt à aller pour répondre aux exigences américaines de démantèlement permanent de son arsenal atomique.

Washington martèle que le Nord doit renoncer à ses armements de manière complète, vérifiable et irréversible. Pyongyang se refuse à tout désarmement unilatéral, arguant qu’il aura besoin de ses programmes nucléaire et balistique tant que Washington et Séoul représenteront une menace pour sa sécurité.

Pour avancer de façon à satisfaire les deux parties, il faudra tenter de combler des fossés immenses et potentiellement dangereux.

– Quel est l’arsenal nucléaire nord-coréen? –

Les estimations varient.

Les spécialistes jugent que le dernier essai nucléaire réalisé par Pyongyang en septembre 2017 a dégagé une énergie de 250 kilotonnes, soit 16 fois plus que la bombe américaine qui avait détruit Hiroshima en 1945. Le Nord a affirmé avoir testé une bombe à hydrogène.

Dans son livre blanc sur la défense 2016, Séoul estimait que le Nord disposait de 50 kilogrammes de plutonium, soit selon la presse assez pour confectionner une dizaine de bombes, et une capacité « considérable » mais non quantifiée à produire des armes avec de l’uranium.

L’année dernière, le Washington Post, citant un rapport du renseignement américain, estimait que le Nord disposait de jusqu’à 60 engins nucléaires.

On ignore où le Nord conserve ses missiles balistiques. Mais Pyongyang a une longue expérience des tunnels et les spécialistes pensent qu’ils sont disséminés dans des infrastructures souterraines à travers le pays.

Les missiles sont également mobiles, Pyongyang ayant présenté des engins de transport lors de défilés militaires.

Le Nord doit encore prouver qu’il est capable de miniaturiser une tête nucléaire afin de pouvoir la monter sur un missile, qu’il est capable d’atteindre une cible avec précision et qu’il maîtrise la technologie permettant à un missile de survivre à sa rentrée dans l’atmosphère depuis l’espace.

Pyongyang affirme avoir maîtrisé l’ensemble de ces techniques. L’armée sud-coréenne lui prête aussi entre 2.500 et 5.000 tonnes d’armes chimiques développées à partir des années 1980.

– Et les forces américaines? –

Le président américain Donald Trump assure que son bouton nucléaire est plus gros que celui de Kim Jong Un.

D’après le département d’Etat, au 1er septembre, les Etats-Unis avaient déployé un total de 1.393 têtes nucléaires, susceptibles d’être embarqués par des missiles terrestres, des missiles montés sur des sous-marins ou à bord de bombardiers lourds.

Washington a en stock des milliers d’autres têtes nucléaires qui attendent d’être démantelées, selon certaines organisations, la Arms control association estimant le total à 6.550 en 2017.

Les Etats-Unis avaient retiré leurs armes nucléaires tactiques de Corée du Sud dans les années 1990. Séoul ne dispose pas d’armes nucléaires.

Mais les Etats-Unis peuvent atteindre une cible où qu’elle se trouve, avec ses armes nucléaires ou conventionnelles.

Ils ont des bombardiers à longue portée, des capacités de ravitaillement en vol, une flotte de sous-marins nucléaires équipés d’armes d’une puissance destructrice phénoménale.

– Quelles sont les promesses de Pyongyang? –

Le secrétaire d’Etat Mike Pompeo, le plus haut responsable américain à avoir rencontré Kim Jong Un, a déclaré que le numéro un nord-coréen l’avait personnellement informé que Pyongyang était disposé à la dénucléarisation.

M. Trump n’y est pas allé par quatre chemins: « Ils doivent dénucléariser. S’ils ne dénucléarisent pas, cela ne sera pas acceptable ».

La Corée du Nord répète elle qu’elle est engagée derrière la dénucléarisation de la péninsule. Mais cette formule constitue un euphémisme diplomatique sujet à interprétation. Pyongyang n’a pas fait connaître publiquement quelles concessions il serait prêt à faire.

Selon Séoul, le Nord propose d’envisager de renoncer à ses armes nucléaires en échanges de garanties de sécurité non précisées.

Lorsque M. Kim s’est rendu en mars chez son principal allié, la Chine, son premier voyage officiel à l’étranger depuis son arrivée au pouvoir, il avait dit, selon les médias officiels chinois, que la question pouvait être réglée si Séoul et Washington adoptaient « des mesures progressives et synchronisées pour la réalisation de la paix », impliquant une espèce de compromis.

– Quelles sont les implications? –

Pyongyang soutient qu’il a besoin de ses armes atomiques pour se défendre contre les Etats-Unis. Il dénonce régulièrement les manoeuvres militaires conjointes entre Séoul et Washington comme la répétition d’une invasion.

Aux termes du traité de défense mutuelle de 1953 entre la Corée du Sud et les Etats-Unis, Washington est tenu de secourir son allié en cas d’attaque.

Par le passé, Pyongyang a réclamé la fin de cette alliance et le retrait des troupes américaines déployées au Sud (28.500 soldats).

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