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Trump et les défenseurs des immigrés: une longue bataille commence

Le Vif

La mobilisation éclair des défenseurs américains des immigrés, après l’interpellation samedi de migrants musulmans dans des aéroports, montre leur intention de se battre pied à pied contre les décrets du président Donald Trump limitant l’immigration et augure d’une rude bataille devant les tribunaux

Décret présidentiel attaqué en justice, manifestations dans plusieurs aéroports dont JF Kennedy à New York (nord-est): si Donald Trump a affirmé samedi que l’application du décret « marchait très bien », la mobilisation enflait samedi soir, 24 heures après qu’il eut interdit pour 90 jours l’entrée aux Etats-Unis de ressortissants de sept pays musulmans jugés dangereux (Irak, Iran, Yemen, Soudan, Libye, Somalie, Syrie).

Un premier cas pratique a déclenché le mouvement avec l’interpellation vendredi soir, à JFK, de deux Irakiens ayant travaillé pour les Etats-unis en Irak, en vertu de ce nouveau décret, malgré leurs visas d’immigration en bonne et due forme.

La réplique a été immédiate: plusieurs associations de défense des immigrés dont la puissante ACLU ont déposé une plainte samedi matin auprès du tribunal fédéral de Brooklyn, demandant qu’ils soient immédiatement relâchés et introduisant une action collective au nom de tous les migrants qui pourraient être interpellés de la même façon dans les aéroports américains.

Une audition d’urgence sur cette plainte devait se tenir samedi soir vers 20h locale (01H00 GMT dimanche) à Brooklyn.

Plusieurs associations ont aussi appelé en urgence à une manifestation au Terminal 4 de JFK, où étaient retenus les Irakiens. En début de soirée, elle rassemblait près de 2.000 personnes scandant: « Laissez-les entrer! Laissez-les entrer! »

Deux représentants démocrates de New York au Congrès, Jerry Nadler et Nydia Velasquez, négociaient pied à pied la libération d’au moins une dizaine de ressortissants des pays visés, retenus par les autorités aéroportuaires.

Alors que les arrivées à JFK étaient perturbées, ils ont pu obtenir la libération d’un des deux Irakiens arrêtés vendredi, Hameed Khalid Darweesh, qui selon l’ACLU a travaillé pendant des années pour des entreprises américaines et le consulat américain à Erbil, au Kurdistan irakien (nord).

Il a quitté l’aéroport dans l’après-midi, sous les vivas des manifestants qui lui ont crié « Bienvenue chez vous » et « Les musulmans sont les bienvenus! Ni haine! Ni peur! ». Le sort du second Irakien restait incertain.

« Nous ne devrions pas avoir à demander la libération des réfugiés un par un », a déclaré M. Nadler. « Nous devons combattre ce décret dans la rue, devant les tribunaux, partout, tout le temps. Nous devons résister et nous battre ».

D’autres manifestations, avec également des centaines de participants demandant là aussi la libération de voyageurs interpellés en vertu du nouveau décret, étaient signalées dans les aéroports de Dulles, près de Washington, de Chicago (nord), Minneapolis (nord), Denver (centre), Los Angeles (sud-ouest), San Francisco (ouest), et Dallas (sud) où quelque 50 personnes ont été interpellées, selon USA Today.

Cette mobilisation laisse augurer d’un bras de fer durable entre les défenseurs des immigrés et l’administration Trump.

Une longue bataille

« On savait que ca allait venir, on se préparait » à se mobiliser, explique Camille Mackler, responsable juridique pour New York Immigration Coalition, l’une des associations ayant rapidement appelé à une manifestation à JFK. « Mais on ne savait pas quand, et on n’arrivait pas à croire que ce serait immédiat, qu’il y aurait des gens dans l’avion au moment où (le décret) allait passer ».

« C’est la première salve d’une longue bataille devant les tribunaux », a estimé Michael Kagan, spécialiste du droit de l’immigration à l’Université du Nevada. « On se prépare à une guerre de tranchées juridique depuis l’élection. Il y a eu beaucoup de spéculations sur ce que Trump voulait vraiment dire, si des technocrates au gouvernement allaient le modérer, plus maintenant: il fait littéralement ce qu’il avait dit qu’il ferait ».

Pour ce juriste, l’issue de cette bataille juridique est incertaine car elle est « sans précédent dans l’histoire récente américaine ».

Son issue dépendra de l’attitude des juges et pourrait remonter jusqu’à la Cour suprême, qui n’a pas eu à trancher sur des affaires d’immigration de ce type depuis la Loi sur l’exclusion des Chinois (Chinese Exclusion Act) adoptée en 1882. Lors de cette période de forte discrimination contre les Chinois, la loi avait interdit pendant plusieurs décennies l’entrée sur le territoire américain de tous les ressortissants chinois, y compris ceux qui résidaient légalement aux Etats-Unis et étaient temporairement repartis dans leur pays d’origine.

Des cas similaires pourraient maintenant se multiplier, selon M. Kagan.

Un responsable de la Maison Blanche a en effet précisé samedi que les détenteurs de la Carte verte – le célèbre permis de séjour permanent américain, qu’il faut souvent des années pour obtenir – se trouvant à l’étranger « devront se rendre au consulat américain » pour obtenir l’autorisation de revenir aux Etats-Unis. Ceux qui sont aux Etats-Unis mais qui voudraient voyager à l’étranger devront eux aussi demander l’autorisation préalable à un responsable consulaire.

Le Département d’Etat a par ailleurs précisé que les ressortissants des sept pays concernés se verraient refuser l’entrée aux Etats-Unis pendant les 90 jours prochains, quel que soit leur visa. Seuls les détenteurs d’un passeport américain pourront entrer.

AFP

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