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Troy Davis : ultime recours avant son exécution

Troy Davis doit être exécuté ce mercredi soir en Géorgie, après avoir épuisé tous les recours. Le Vif.be fait le point sur son histoire, devenue un symbole de la lutte contre la peine de mort.

Le comité des grâces de Géorgie a tranché, ce mardi, à la veille de sa mise à mort: Troy Davis sera bien exécuté ce mercredi à 19h (heure locale) par injection létale, sa grâce lui a été refusée. Sa condamnation ne sera pas commuée en peine en prison à vie.

Dernier rebondissement, ce mercredi, à quelques heures de cette exécution polémique… La défense de l’Américain a présenté un ultime recours pour obtenir un « sursis », devant la Cour supérieure du comté de Butts, au sud d’Atlanta. Selon ce document, Troy Davis « récuse la constitutionnalité de sa condamnation en se fondant sur de nouvelles preuves ». Selon ces nouveaux éléments, le médecin légiste qui a autopsié le corps du policier décédé a apporté « un faux témoignage » à propos du rapport balistique.

Ce que la justice lui reproche

Troy Davis, 42 ans, a été condamné en 1991 à la peine de mort pour le meurtre d’un policier blanc de 27 ans, commis en août 1989. Mark MacPhail tentait de s’interposer dans une rixe sur le parking d’un fast-food, à Savannah, en Géorgie. Il a reçu une balle au coeur et à la tête, la mort fut instantanée. Quelques jours plus tard, Troy Davis, un Noir au chômage de 20 ans a été arrêté après avoir été désigné par un témoin. Il a toujours affirmé ne pas en être l’auteur: il nie s’être trouvé sur les lieux du crime.

Les doutes sur sa culpabilité

Outre le fait qu’il clame son innocence, de sérieux doutes pèsent sur sa culpabilité: l’arme du crime reste introuvable, aucune empreinte digitale ou ADN ne figure au dossier et sept des neuf témoins qui l’avaient désigné à l’époque se sont rétractés dès 2001. Certains ont même raconté comment la police les avait persuadés à l’époque de désigner le jeune Noir. Et l’un d’entre eux, illettré, a même raconté avoir signé sa déposition sans avoir pu la lire, selon Amnesty International. Des membres du jury de 1991 ont même fait part de leurs « doutes sur l’équité de la condamnation à mort » de Troy Davis.

Vingt ans de rebondissements

Troy Davis doit être exécuté ce mercredi 21 septembre 2011. Mais c’est déjà la quatrième date retenue par la justice américaine qui avait écarté les trois précédentes: le 17 juillet 2007, le 23 septembre 2008 et le 27 octobre 2008. La troisième date a été « annulée » trois jours avant, mais pour la deuxième, la Cour suprême des Etats-Unis n’avait suspendu l’injection létale que deux heures avant l’heure prévue.

En 2009, plusieurs éléments laissaient entrevoir un espoir. Sollicité par le condamné, la Cour suprême américaine avait demandé au tribunal de Savannah d’organiser une nouvelle audience pour prendre en compte les « preuves qui pourraient n’avoir pas été disponibles au moment du procès ». Un an plus tard, le juge de Savannah estime finalement que les doutes ne suffisent pas: Troy Davis n’a pas réussi à prouver son innocence.

Après 20 ans passés dans le couloir de la mort, cette fois, Troy Davis ne devrait bénéficier d’aucun report, il a épuisé tous ses recours. Le directeur du Centre d’informations sur la peine de mort (DPIC), Richard Dieter, juge très peu probable que l’exécution puisse être empêchée, à moins d’un nouvel élément de procédure de dernière minute.

Un cas très médiatisé

Présenté par ses partisans comme le prototype du Noir condamné à tort, Troy Davis jouit de l’appui de personnalités comme l’ancien président Jimmy Carter, le pape Benoît XVI, le prix Nobel de la paix Desmond Tutu ou l’actrice Susan Sarandon. La mobilisation pour le soutenir, localement en Géorgie et sur le plan international, a récemment été dopée par les réseaux sociaux, raconte le New York Times. Et le rejet de sa demande de grâce a déclenché une avalanche de critiques, à la mesure du soutien international dont il bénéficie.

La peine de mort aux Etats-Unis


Sa « notoriété lui a peut-être nui en faisant de lui un cas d’école », s’interroge notre correspondant aux Etats-Unis, Philippe Coste. « En refusant de commuer sa peine, le comité des grâces envoie un message politique: la Géorgie prend ses décisions de façon indépendante, ne doit rien au gouvernement de Washington. On retrouve la même tendance ‘sudiste’ en Louisiane et au Mississippi, deux autres Etats répressifs. »

Mais c’est surtout le Texas dont le gouverneur Rick Perry, candidat républicain à la présidence en 2012, qui « fait exploser toutes les statistiques nationales ». Il détient un triste record: 234 exécutions pendant ses 10 années de mandat texan. « C’est plus que n’importe quel gouverneur de l’histoire moderne du pays », souligne le magazine Mother Jones.

De tristes cas qui, cependant, ne sauraient masquer la tendance de fond et le recul de la peine de mort aux Etats-Unis, estime Philippe Coste. « On n’est plus dans la folie répressive des années 1990. Le public doute. De plus en plus d’Américains se détournent de la peine de mort pour lui préférer une peine de prison à perpétuité, parfois sans possibilité de réduction de peine. » Et certains Etats comme l’Illinois optent même pour l’abolition de la peine de mort.

Marie Simon

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