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Trayvon Martin: comprendre les enjeux de l’affaire qui choque l’Amérique

Depuis plus d’un mois, l’Amérique s’enflamme autour du cas de Trayvon Martin, un jeune Noir de 17 ans, tué dans un quartier résidentiel fermé en Floride. La procureure a décidé de ne pas faire appel à un jury populaire, pour éviter que la médiatisation de l’affaire n’influence le jugement du tireur, un homme blanc membre d’un groupe de surveillance du quartier.

Trayvon Martin: comprendre les enjeux de l’affaire qui choque l’Amérique

Depuis plus d’un mois, l’Amérique s’enflamme autour du cas de Trayvon Martin, un jeune Noir de 17 ans, tué dans un quartier résidentiel fermé en Floride. La procureure a décidé de ne pas faire appel à un jury populaire, pour éviter que la médiatisation de l’affaire n’influence le jugement du tireur, un homme blanc membre d’un groupe de surveillance du quartier.

Pourquoi le tireur n’a-t-il pas encore été arrêté?

George Zimmerman, le tireur, affirme que le jeune homme lui paraissait « suspect ». Il patrouillait armé régulièrement afin de prévenir d’éventuels cambriolages ou délits dans le quartier. La police a conclu qu’il s’agissait de « légitime défense ».
En Floride, une loi, appelée « Défends ton espace » (Stand Your Ground), adoptée en 2005 avec le soutien du lobby des armes, la National Rifle association (NRA), stipule que toute personne qui se sent menacée a le droit d’utiliser une arme. Dans d’autres États, la légitime défense implique qu’il faut d’abord battre en retraite, ce qui n’est pas le cas en Floride. Mieux, la Floride est le premier État à avoir adopté une législation qui étend la zone de légitime défense aux espaces publics. Dix-sept États ont suivi cet exemple. D’après les statistiques officielles, la Floride comptait en moyenne 12 « homicides justifiables » par an sur la période 2000-2004. Depuis le vote de la loi en 2005 qui étend la notion de légitime défense, le nombre de morts « justifiables » a triplé, atteignant une moyenne de 35 par an.

George Zimmerman était-il en position de légitime défense?

La polémique tourne surtout autour d’une question: le tireur a-t-il répondu à un acte d’agression? L’ex-gouverneur républicain de Floride, Jeb Bush, qui a pourtant promulgué cette loi, a déclaré dans le Dallas Morning News que dans le cas de Trayvon Martin le texte ne peut s’appliquer, car il a été conçu afin que les gens puissent se défendre, pas pour qu’ils se mettent à poursuivre quelqu’un qui leur a tourné le dos ». En effet, plusieurs zones d’ombre entourent les déclarations du tireur à la police, publiées par le quotidien The Orlando Sentinel. George Zimmerman affirme que le jeune homme l’a agressé par-derrière, lui a donné des coups de poing sur le nez et a frappé sa tête contre le trottoir. Or, d’après une vidéo issue du système de surveillance du commissariat de police de la ville de Sanford, diffusée par la chaîne de télévision ABC News, le meurtrier présumé, juste après les faits, ne présentait aucune trace de sang. Par ailleurs, le responsable des pompes funèbres qui ont pris en charge la dépouille de Trayvon Martin, a confirmé qu’aucune trace de coupure ou d’ecchymose sur son corps n’a été relevée. Comment aurait-il dès lors été impliqué dans une bagarre? Enfin, il y a le témoignage de sa petite amie, avec qui le lycéen se trouvait au téléphone au moment des faits: « Il a dit qu’un homme le surveillait, alors il a mis sa capuche » a confié la jeune fille à ABC News avant de rajouter qu’elle a entendu « qu’il était poussé » et que la liaison avait ensuite été coupée.

Pourquoi la procureure a-t-elle décidé de ne pas faire appel au grand jury?

La procureure spéciale de l’État de Floride, Angela Corey a annoncé, lundi 9 avril, qu’un grand jury (chambre d’accusation) ne sera pas convoqué dans l’affaire Trayvon Martin. En Floride, seuls les cas de meurtre prémédité nécessitent le recours à un grand jury. La procureure peut, cependant, poursuivre le meurtrier pour homicide. En ne faisant pas appel à un jury populaire, Me Corey veut éviter que le climat émotionnel et la médiatisation de l’affaire n’influencent le jugement final. Par ailleurs, elle ne prend pas le risque d’une décision contraire à ses propres conclusions. Peut-être aussi sait-elle qu’il n’existe pas suffisamment d’éléments justifiant des accusations de meurtre prémédité et qu’elle veut garder le contrôle du cas. Mais, selon certaines voix divergentes interrogées dans les médias américains, le recours à un jury dans cette affaire devenue un enjeu de débat public peut aussi donner plus de légitimité à la sentence finale.

Comment la procédure judiciaire va-t-elle se poursuivre?

La procureure a désormais deux possibilités: soit elle décide d’abandonner les charges contre le tireur soit elle ouvre le procès. Si la deuxième option est retenue, un juge devra tenir une audience pour déterminer si la position de Mr Zimmerman au moment des faits entre dans le cadre de la loi de légitime défense. S’il s’avère que le tireur se trouvait menacé, la procédure judiciaire cessera. Sinon, la justice se saisira de l’affaire et devra se prononcer sur la culpabilité ou l’innocence de M. Zimmerman.

Quelles sont les réactions à cette affaire aux États-Unis?

L’affaire provoque l’indignation de l’opinion publique américaine qui dénonce un crime « raciste » et l’impunité accordée au tueur. Le président américain, Barack Obama, a qualifié le meurtre de Trayvon Martin de « tragédie » et demandé qu’une enquête complète soit ouverte afin d’éclaircir les circonstances du drame. Des manifestations dans tout le pays ont lieu quotidiennement pour dénoncer un nouvel exemple de crime racial. Plus d’un million de signatures ont été réunies sur le site change.org pour demander l’inculpation de George Zimmerman. Ce dernier vient d’ouvrir un site Internet pour plaider sa cause et faire appel aux dons des internautes afin de financer sa défense…

Par Marina Rafenberg, L’Express

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