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Tonya Harding, la dure chute d’une patineuse hargneuse

Muriel Lefevre

Tonya Harding, patineuse virtuose, était prête à tout pour gagner dans les années 1990. Même à faire exploser le genou de sa principale concurrente. Une histoire passionnante qui est au coeur du film Moi, Tonya qui vient de sortir. Portrait.

Au début des années 90, il ne manquait pas grand-chose à Tonya Harding pour atteindre le top mondial. Le nom de Tonya Harding aurait pu passer à la postérité pour avoir réalisé le premier triple axel en compétition de patinage artistique féminin. Sauf qu’une haine tenace et un brutal manque de fair-play vont la faire basculer dans le fait divers glauque.

À l’approche des Jeux Olympiques de 1994 de Lillehammer en Norvège, la vidéo montrant la patineuse Nancy Kerrigan hurlant de douleur après s’être fait détruire le genou par une batte, va faire le tour du monde.

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Ce crime va passionner l’Amérique et reste sans conteste le pire scandale qu’ait connu la discipline. La jambe de Kerrigan n’est heureusement pas cassée, mais cela n’empêche pas Tonya Harding, sa rivale, de gagner deux jours plus tard le championnat américain de patinage artistique et – plus important- le ticket pour les Jeux d’hiver. Harding pensait qu’une médaille d’or la rendrait riche. Sa chute sera rude et spectaculaire. Rien ou presque ne lui sera épargné.

Tonya Harding, la dure chute d'une patineuse hargneuse
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Retour spectaculaire de karma

Rapidement, le FBI apprend que l’agresseur a agi au nom de Shawn Eckhardt, le garde du corps de Tonya Harding et de Jeff Gillooly, son ex. Harding niera toujours être courant de l’attaque brutale, mais elle admettra avoir omis de tout dire après l’attaque. Aujourd’hui son ex, Gillooly, rejette la faute sur son ami Eckhardt. Kerrigan, affirme-t-il, ne devait être que déstabilisé par quelques menaces, mais Eckhardt se serait montré trop zélé. De façon fort opportune, l’homme ne peut plus contredire cette version puisqu’il est mort depuis onze ans.

La presse mondiale se délecte de cette lutte toute griffe dehors. Kerrigan parviendra à se rétablir à temps pour participer aux Jeux de Lillehammer. Elle y rafle même la médaille d’argent.

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Et celle qu’on appelle désormais l’infâme Harding termine huitième après s’être prise les patins dans ses lacets.

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Suite à ces Jeux olympiques, Kerrigan se voit ouvrir pour de bon les portes de la gloire et devient l’une des reines de Disney. Elle apparaît aussi dans de nombreuses émissions, jeux télévisés ou événements caritatifs. Kerrigan venait elle aussi d’un milieu ouvrier, mais, contrairement à Harding, elle possédait une élégance naturelle qui lui donnait « l’air d’être riche », explique John Powers, journaliste du Boston Globe, dans un documentaire. Or, il y a 20 ans, comme aujourd’hui, les chiffres montrent que, pour les sportives, être la meilleure ne suffit pas pour bien en vivre. Il faut aussi être jolie, ou tout du moins gracieuse. Et Nancy semblait danser sur la glace. De quoi lui valoir les yeux doux des sponsors tels que Campbell, L’Oréal et Reebok. Alors que Harding réalisait ses costumes elle-même, Nancy était habillée par la créatrice Vera Wang. Ou pour reprendre les termes de Harding : « C’était une princesse, et moi un tas de merde. »

Tonya Harding, la dure chute d'une patineuse hargneuse
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L’ironie de l’histoire, c’est que le scandale et l’intérêt nouveau pour le patinage artistique firent donc gagner de l’argent à tout le monde. Sauf à Tonya, pour qui c’est le début d’une longue et pénible chute.

Elle va être condamnée à trois ans d’emprisonnement conditionnel, à cinq cents heures de service et à une amende de 100 000 dollards pour l’attaque. Elle sera suspendue à vie de la Fédération américaine de patinage. Et Gillooly , son ex, écope de deux ans de prison. Ce qui ne va pas l’empêcher de vendre une sextape avec Harding en robe de mariée.

Le patinage comme planche de salut

Partie de rien, l’athlète, née dans les mauvais quartiers de Portland, dans l’Oregon (nord-ouest des États-Unis), a dédié la première moitié de sa vie au patinage artistique. Le sport se mue en échappatoire à la pauvreté et à la maltraitance de sa mère alcoolique, LaVona.

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Phrasé populaire, attitude virile et chorégraphies sur du hard rock: dans l’univers policé du patinage artistique, l’athlète dérange, mais refuse de gommer ses singularités. Héroïne « white trash », elle dénote. Atypique, elle a très vite senti qu’elle n’aurait pas la place que ses performances méritaient et cela va nourrir ses rancoeurs. On la pénalise sur sa cote artistique et on lui refuse la victoire. Au point qu’elle lance un jour au jury, un très chic  » Sucez ma bite! « . Hors des stades, aussi, Tonya Harding lutte pour se faire respecter. Souhaitant échapper au plus vite à l’emprise de sa mère, la jeune femme tombe, à 19 ans, dans les bras de l’irascible Jeff Gillooly. Là, les violences domestiques marquent le corps de la patineuse virtuose – pommettes tuméfiées, nez en sang, impact de balle – et in fine sa prometteuse carrière.

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La championne tombée en disgrâce va bien essayer de surfer sur sa célébrité douteuse après le scandale, mais sans grand succès. De films d’action fauchés à des débuts avortés dans la boxe pro ou dans la musique, elle devient une anti-héroïne au parcours chaotique qui fait aujourd’hui les délices d’Hollywood. Le parcours de Tonya Harding rappelle à certains égards celui de l’ex-footballeur star O.J. Simpson, accusé du meurtre son ex-femme en 1995 et condamné plus tard pour vol à main armée. Les exploits des deux sportifs, l’extrême médiatisation de leurs procès et le douloureux désamour du public soulignent en filigrane les revers du sport-spectacle américain.

Tonya Harding est aujourd’hui âgée de 47 ans. Elle mène désormais une vie paisible dans l’Oregon avec son mari. Elle s’est passionnée pour la chasse à l’arc. En ce moment, on la voit aussi beaucoup sur les plateaux TV pour faire la promo du film bien qu’elle refuse toujours d’évoquer son passé. Au point de menacer d’une amende de 25.000 dollars les journalistes qui s’y osent. Une façon de montrer au monde que, même sans patins, la dame maîtrise encore l’art de la pirouette.

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La bande-annonce du film:

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