Theresa May © AFP

Theresa May propose une période de transition de deux ans après le Brexit

Le Vif

Déterminée à relancer les négociations de sortie de l’UE, Theresa May a plaidé vendredi pour un Brexit « soft » avec une période de transition de deux ans et s’est engagée à honorer les engagements financiers britanniques vis à vis des Européens.

« Nous traversons une période critique » mais « quand on se rassemble, on peut aboutir à de bons résultats », a déclaré à Florence (Italie) la Première ministre britannique, dans son premier grand discours sur le Brexit depuis celui prononcé en janvier à Londres à Lancaster House.

Soucieuse de rassurer ses partenaires européens, elle a longuement répété que, malgré le Brexit, le Royaume-Uni ne tournerait « pas le dos » à l’UE. « La réussite de nos négociations est dans l’intérêt de tous », a-t-elle insisté, ajoutant vouloir aboutir à un avenir « meilleur » pour tous les citoyens européens.

Point clef de son discours, Mme May a proposé une période de transition « d’environ deux ans » après le Brexit pendant laquelle les relations liant l’UE au Royaume-Uni resteraient en l’état, afin de pouvoir assurer une sortie de l’Union de son pays « en douceur et ordonnée ».

Cette période d’ajustement offrirait au Royaume-Uni la possibilité de continuer à faire affaire librement avec le bloc européen, une proposition réclamée par son ministre des Finances Philip Hammond et les milieux d’affaires, inquiets d’une sortie sans filet de l’UE.

« Je sais que les entreprises, en particulier, accueilleraient favorablement les certitudes que cela donnerait », a souligné Theresa May.

– Prête à payer la facture –

Au plan financier, point essentiel des négociations, Mme May s’est aussi engagée à « honorer » les engagements britanniques pris dans le cadre du budget européen en cours, dont l’exercice s’achève en 2020. « Je ne veux pas que nos partenaires craignent de payer plus ou de recevoir moins (…) à cause de notre décision de partir », a-t-elle dit.

Reste qu’elle n’a donné aucun chiffre quant au montant que son pays serait prêt à payer. Les Européens l’évaluent à entre 60 et 100 milliards d’euros en tenant compte de tous les projets pour lesquels Londres s’est engagé.

Sur une autre question centrale, celle des droits des citoyens européens, Mme May a voulu rassurer en affirmant que les tribunaux britanniques devraient se référer à l’accord de sortie et qu’elle voulait qu’ils « prennent en compte les jugements de la Cour de justice de l’UE » dans leurs décisions les concernant.

« Je veux intégrer notre accord (de sortie de l’UE) dans la loi britannique et m’assurer que les tribunaux britanniques s’y réfèrent directement (…) et puissent se référer aux jugements de la Cour européenne de justice », a-t-elle dit, alors qu’une cinquantaine de personnes, dont des Britanniques, s’étaient rassemblées à Florence pour manifester, réclamant des garanties sur les futurs droits.

Ces différentes propositions satisferont-elles les Européens? Jeudi, le négociateur en chef de l’UE Michel Barnier lui avait signifié qu’il attendait des « engagements clairs » pour avancer vers un accord de sortie, préalable pour Bruxelles à toute négociation d’un partenariat commercial futur, alors que démarrera lundi le 4e rendez-vous entre négociateurs britanniques et européens.

– Critiques de Brexiters –

En attendant les réactions des Européens, les critiques ont fusé au Royaume-Uni du côté de certains Brexiters purs et durs.

« Aujourd’hui est un jour de victoire pour Westminster et la classe politique (britannique). Ils ont adressé un gros doigt aux 17,4 millions de personnes » qui ont voté pour le Brexit, a tweeté Nigel Farage, ex-chef du parti europhobe Ukip.

Cela illustre la position délicate dans laquelle se trouve Mme May: affaiblie sur le plan intérieur après son échec aux législatives de juin, elle ne veut pas brusquer les Britanniques qui ont voté pour le Brexit afin de « reprendre le contrôle » de leur pays ni se mettre à dos les eurosceptique de son Parti conservateur à quelques jours de leur congrès annuel qui s’ouvre le 1er octobre.

Elle doit aussi contenir ses ministres pro-Brexit, en particulier le bouillonnant Boris Johnson, chef de la diplomatie, qui a provoqué une mini-tempête en réclamant la semaine dernière une rupture franche avec l’UE. Depuis, il a fait amende honorable, allant jusqu’à saluer vendredi un discours « motivant » porteur « d’une vision très séduisante ».

L’UE salue le discours « constructif » de Theresa May

Le négociateur en chef de l’UE Michel Barnier a salué vendredi « l’esprit constructif » du discours sur le Brexit de la Première ministre britannique Theresa May, tout en demandant des détails sur ses « implications concrètes ».

Mme May « exprime un état d’esprit constructif qui est aussi celui de l’Union européenne dans cette négociation extraordinaire », a déclaré M. Barnier dans un communiqué. « Il traduit une volonté de progresser alors même que le temps passe », a-t-il poursuivi. L’UE attend cependant de la part des négociateurs britanniques des détails sur « les implications concrètes » de ce discours, a-t-il ajouté. Celui-ci « doit se traduire dans des positions de négociations pour faire de véritables progrès », a ainsi résumé Michel Barnier sur le réseau social Twitter.

Sur la protection du droit des citoyens, M. Barnier a relevé que les déclarations de Mme May « marquent un pas en avant, mais doivent maintenant être confirmées par des positions de négociation précises du gouvernement britannique ».

« Le Royaume-Uni reconnaît aussi qu’aucun pays européen ne devrait payer plus ou recevoir moins en raison du Brexit. Nous sommes prêts à discuter des implications concrètes de cet engagement », a encore observé Michel Barnier, revenant sur les déclarations de Mme May concernant le « solde des comptes » entre l’UE et le Royaume-Uni. « Nous devons vérifier (…) si cette assurance couvre tous les engagements pris par le Royaume-Uni en tant qu’Etat membre de l’Union », a-t-il insisté.

Le Français a en outre souligné que la Première ministre n’avait pas apporté de clarifications sur la façon dont le Royaume-Uni entendait s’engager pour garantir les accords de paix en Irlande, une autre priorité des Européens.

Enfin, M. Barnier a dit que « si l’Union européenne le souhaite », s’agissant de la période de transition de deux ans proposée par Theresa May pendant laquelle le gouvernement britannique souhaite continuer d’avoir accès au marché unique, « cette nouvelle demande pourra être prise en compte et examinée ».

Fidèle à une ligne établie dès le début du mandat des négociateurs européens, Michel Barnier précise que l’UE « continuera d’insister sur le progrès suffisant sur les principaux sujets d’un retrait ordonné du Royaume-Uni avant d’ouvrir les discussions sur la future relation », Mme May ayant longuement évoqué vendredi ce que pourrait être ce futur partenariat.

Le discours de la Première ministre a également été bien accueilli par d’autres hauts responsables de l’Union européenne, comme le référent Brexit du Parlement européen Guy Verhofstadt, qui est d’habitude un des plus critiques à l’égard de Londres. « Six mois après le déclenchement du (processus en vue du divorce d’avec l’UE), il apparaît que la position du Royaume-Uni devient plus réaliste », a dit celui-ci.

M. Verhofstadt a toutefois appelé les négociateurs de l’UE à rester « très prudents », notamment en ce qui concerne le sort des ressortissants des Etats membres de l’Union européenne travaillant dans ce pays. La protection de leurs droits « doit être absolue et au-dessus de tout soupçon », a encore dit l’eurodéputé belge.

C’est au Parlement européen qu’aura lieu le vote final sur l’accord qui sera conclu concernant la sortie de l’UE en mars 2019 de la Grande-Bretagne.

Quant au président français Emmanuel Macron, il a dit avoir relevé des « avancées » et des « ouvertures » dans le discours de Theresa May, tout en laissant « l’exclusivité » des réactions à Michel Barnier.

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