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Theresa May politiquement gagnante de la crise avec la Russie

Le Vif

Affaiblie par les négociations sur le Brexit, la Première ministre britannique a resserré les rangs et sort pour l’instant renforcée de la crise diplomatique avec la Russie qu’elle a désignée comme le coupable de l’empoisonnement d’un ex-agent double sur le sol anglais.

Même le tempétueux ministre des Affaires étrangères Boris Johnson, qui n’hésite pas à défier l’autorité de la cheffe du gouvernement dans le dossier du Brexit, où il défend une rupture franche avec l’Union européenne, affichait jeudi sa loyauté. Il louait dans les médias la réponse « robuste et proportionnée » de Theresa May aux Russes.

Le Scottish National Party (nationalistes écossais), s’est aussi rangé du côté de Theresa May, par la voix du chef du parti au parlement de Westminster, Ian Blackford. La Première ministre écossaise Nicola Sturgeon a aussi affiché publiquement son soutien sur Twitter, martelant que « la Russie ne peut pas tuer ou tenter de tuer illégalement dans nos rues en toute impunité ».

Bien que sa riposte envers les Russes -expulsion de 23 diplomates, gel des relations bilatérales- a été jugée plutôt mesurée par des analystes, la cheffe du gouvernement a profité des divisions du Parti travailliste.

Theresa May s’est transformée en « colosse politique », estimait le quotidien de gauche The Guardian. « Pas en raison de ce qu’elle a dit mais simplement parce qu’elle n’est pas Corbyn ».

« La réponse de la Première ministre à l’affront de Salisbury a été d’une fermeté remarquable – contrairement à la posture lâche de Jeremy Corbyn, qui semble incapable de dénoncer une attaque contre le pays dont il aspire à former le gouvernement », taclait le quotidien conservateur The Daily Telegraph.

‘Colosse politique’

Mercredi, le leader de l’opposition travailliste s’est en effet attiré un flot de critiques pour avoir refusé de juger le Kremlin responsable de l’empoisonnement le 4 mars à Salisbury (sud-ouest de l’Angleterre) de Sergueï Skripal, 66 ans, et de sa fille Ioulia, 33 ans, hospitalisés depuis dans un état critique.

Jeremy Corbyn a laissé entendre devant les députés qu’une tierce partie avait pu détourner et utiliser l’agent innervant utilisé lors de l’attaque, option qu’avait elle-même évoquée Theresa May il y a quelques jours, avant de retenir la responsabilité russe, faute d’explications de la part de Moscou.

Il a appelé à « maintenir un dialogue solide avec la Russie, dans l’intérêt de notre propre sécurité et de la sécurité internationale ».

D’autres députés travaillistes se sont immédiatement distanciés de leur chef, apportant un soutien sans équivoque à la cheffe de gouvernement, ce qui a mis au jour un parti déchiré.

Jeremy Corbyn est régulièrement la cible des médias de droite pour ses accointances présumées avec les ex-pays du bloc soviétique. Le mois dernier, il avait été contraint de démentir des accusations selon lesquelles il avait collaboré avec un espion tchécoslovaque dans les années 1980. Des allégations réfutées aussi par les Archives des forces de sécurité tchèques.

Jeudi, il a de nouveau été vilipendé par les tabloïds, le Sun l’accusant d’être la « marionnette de Poutine » tandis que le Daily Mail moquait le « pantin du Kremlin ».

La prise de position de Theresa May « a uni les conservateurs derrière elle, tout en divisant le parti de M. Corbyn à ses dépens », analysait The Daily Telegraph, ajoutant que « puisqu’il ne peut pas défendre l’intérêt national face à une agression extérieure », Jeremy Corbyn « est totalement inapte » à diriger un gouvernement.

Reste maintenant pour Theresa May à maintenir ce cap, alors que le Royaume-Uni s’attend à un retour de boomerang de la Russie, ce qui pourrait conduire à une escalade des tensions.

Elle devait se rendre jeudi dans la petite ville de Salisbury, où les investigations se poursuivent.

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