Christian Makarian

Theresa May, « ne l’appelez surtout pas mère Theresa »

Mme Theresa May a trouvé la solution au Brexit, qu’elle mettra en oeuvre avant la fin de mars 2017 : Global Britain, une Grande-Bretagne mondialisée. Pourquoi donc se limiter à cette minable Europe qui représente juste le principal débouché à l’exportation du royaume et le continent d’où provient l’essentiel de ses importations ?

Devant les cadres du Parti conservateur, la Première ministre a exalté les  » opportunités économiques d’un monde plus large « .  » Formidable pays « , qui n’a besoin que de lui-même pour faire triompher sa  » souveraineté « , pour proclamer sa nouvelle  » indépendance  » et pour introniser Londres  » capitale mondiale de la finance « . Rule Britania, l’arrière-arrière-petite-fille de la reine Victoria a pris le pouvoir…

La Première ministre britannique exalte les u0022opportunités économiques d’un monde plus largeu0022

Pour entamer ce grand projet d’envergure internationale, Lady Theresa a commencé en bonne logique par actionner les sirènes nationalistes des principaux ministres de son gouvernement conservateur. Elle a ainsi avancé l’idée  » brillante  » – avant d’apporter des corrections à ce propos – de dresser des listes destinées à  » débusquer  » les entreprises qui emploient des étrangers plutôt que des salariés britanniques. Dans la foulée, plusieurs membres de ce cabinet plein d’allant isolationniste ont abondé dans le même sens. La ministre de l’Intérieur a imaginé restreindre le nombre d’étudiants étrangers. Son homologue titulaire du portefeuille de la Santé a ciblé les médecins qui n’ont pas la nationalité britannique. Le ministre chargé de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, David Davis, a même accusé François Hollande d’avoir  » en partie provoqué  » la chute de la livre en raison de la fermeté que ce dernier entend observer face au Royaume-Uni. On n’a sans doute jamais vu ni entendu l’actuel président français crédité de pouvoirs aussi impressionnants.

Tout montre que Theresa May est tenaillée par la politique intérieure bien plus qu’elle n’est portée par le souffle d’un grand dessein national. Après avoir appliqué l’article 50 qui prévoit le retrait d’un Etat membre de l’Union européenne, elle aura exactement deux ans pour boucler le Brexit – un cauchemar. C’est pourquoi elle a tenu à annoncer l’activation de l’article 50 juste avant le congrès du Parti conservateur. Pour s’octroyer une marge de manoeuvre et un délai suffisants, elle a choisi la ligne dure, celle des hard brexiters, qui ne correspond ni à ses convictions de départ, ni à celles de la majorité de la Chambre des Communes (qui reste opposée au Brexit).

Mais, ce faisant, elle efface les clivages traditionnels et soumet toute la vie politique britannique à un vrai pari. A la gauche travailliste, elle emprunte le discours sévère à l’égard des patrons qui ne respectent pas assez les droits de leurs employés. De la droite populiste, elle reprend à son compte le thème central de la citoyenneté britannique contre l’anonymat sans frontières. Du credo conservateur, elle reproduit le primat de l’excellence nationale.

Theresa May proclame une  » révolution tranquille « , un nouveau dirigisme, une reprise en main entre les idéaux socialistes de redistribution et l’arrogance du libéralisme de droite. Ni la charité ni le marché : l’autorité. A défaut de rassurer ses partenaires européens, Mme May a au moins cerné la vertu qui manque le plus aux dirigeants européens.

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