La Première ministre britannique Theresa May. © AFP/Geoff Caddick

Theresa May, fragilisée, sacrifie ses lieutenants

Le Vif

Placée sous forte pression après son revers aux législatives, la Première ministre britannique Theresa May a dû lâcher du lest samedi avec le départ de ses deux chefs de cabinet, à dix jours du début prévu des négociations du Brexit.

Fidèles parmi les fidèles, Fiona Hill et Nick Timothy ont annoncé leur démission deux jours après un scrutin législatif qui a été un échec cinglant pour les conservateurs. D’après plusieurs médias britanniques, des poids lourds du parti tory ont réclamé leur tête à Theresa May si celle-ci ne voulait pas risquer d’être mise elle-même sur la sellette, au moment où elle tente de former un gouvernement de minorité avec l’appui du parti protestant nord-irlandais DUP. Les deux chefs de cabinet de Mme May, qui la conseillaient déjà lorsqu’elle était ministre de l’Intérieur entre 2010 et 2016, étaient dans la tourmente depuis jeudi, accusés par plusieurs élus d’avoir supervisé une campagne « catastrophique ».

La Première ministre avait convoqué ces élections anticipées dans le seul but d’étendre sa domination à la Chambre des Communes en vue du Brexit. Mais plutôt que de gagner du terrain, les Tories ont perdu douze sièges pour se retrouver avec 318 députés, à huit longueurs des 326 requis pour avoir la majorité absolue. Arguant d’un besoin de « stabilité » face à l’urgence du Brexit, Mme May a elle-même refusé de démissionner, assurant vendredi qu’elle formerait un nouveau gouvernement qui « mènera à bien la sortie de l’Union européenne ».

Elle a confirmé dans la foulée les poids lourds de son gouvernement, Philip Hammond (Finances), Boris Johnson (Affaires étrangères), David Davis (Brexit), Amber Rudd (Intérieur), Michael Fallon (Défense) et devait compléter son gouvernement samedi.

« Elle est cuite »

Parallèlement, les Tories commencent aussi les discussions avec le parti unioniste nord-irlandais du DUP dont ils ont désormais cruellement besoin. Avec dix sièges, ce parti régionaliste ultra-conservateur permettrait à Theresa May d’avoir le soutien nécessaire pour gouverner tant bien que mal.

Le nouveau Parlement siégera une première fois mardi, avant la cérémonie d’ouverture solennelle le lundi 19 juin, le jour prévu pour lancer les négociations sur le Brexit.

Si Theresa May s’accroche, les commentateurs s’accordent à dire que sa position reste éminemment précaire. « Elle est cuite », assure même le Sun qui pense que la Première ministre ne pourra tenir au mieux que quelques mois à son poste. Les dissensions au sein du Parti conservateur, déchiré entre les « Brexiteers » purs et durs et une frange plus europhile, risquent effectivement de rendre sa situation rapidement intenable.

Selon la députée conservatrice Heidi Allen, la Première ministre ne reste en place pour l’instant qu’à cause du début imminent des négociations sur le Brexit. « Mais je ne la vois pas durer plus de six mois », pronostique-t-elle.

La dépendance vis-à-vis du DUP pose également son lot de questions, dont celle de la neutralité du gouvernement britannique en Irlande du Nord, une région toujours soumise à de fortes tensions, vingt ans après la fin des « Troubles ».

Conservatisme social

Le conservatisme social du DUP, opposé au mariage des homosexuels et à l’avortement, fait lever des sourcils à Londres, mais aussi en Ecosse où Ruth Davidson, à la tête des conservateurs locaux, a d’ores et déjà posé ses conditions. « J’ai demandé à Theresa May l’assurance catégorique qu’en cas d’accord avec le DUP les droits de la communauté LGBT continuent à être respectés dans le reste du Royaume-Uni », a prévenu celle qui a prévu de se marier prochainement avec sa compagne irlandaise.

En remportant douze sièges en Ecosse, contre un seul précédemment, Ruth Davidson est devenue un personnage puissant avec lequel Mme May devra compter, mais dont les positions divergent sur plusieurs points avec celle du DUP. Sur le Brexit notamment, Ruth Davidson penche pour un Brexit moins dur que celui préconisé jusque-là par Londres.

De son côté, le DUP milite pour la sortie du marché unique, comme Mme May. Mais le parti unioniste « préfère éviter le scénario du +pas d’accord vaut mieux qu’un mauvais accord+ », évoqué par la dirigeante, explique Stephen Booth, politologue du cercle de réflexion Open Europe. Le parti unioniste sera particulièrement attentif sur la question de la frontière entre nord et sud de l’Irlande, également une priorité pour Bruxelles.

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