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Terrorisme: il n’y a pas de profil-type

Le Vif

Les personnalités et les modes opératoires des jihadistes passant à l’action sont si divers qu’il est vain – et même contre-productif – de chercher à établir un profil-type ou un modèle d’attentat, estiment des experts.

Radicalisés de longue date – ou pas-, passés ou pas par la prison, de retour de la zone irako-syrienne -ou pas-, ils peuvent tuer ou tenter de le faire avec un couteau de cuisine, une voiture, un camion, une arme à feu, une bombe artisanale ou de l’explosif militaire. Ils sont souvent issus de familles dysfonctionnelles et défavorisées mais peuvent aussi avoir été élevés par des parents aimants, au sein de classes moyennes, parfois favorisées.

« Pas de modèle »: c’est le titre d’un récent rapport du Canadien Phil Gurski, président de la société de conseil Borealis après avoir étudié pendant plus de trente ans la radicalisation pour les services de renseignements canadiens, le récent attentat sur les Ramblas de Barcelone. Il illustre ce phénomène qui complique singulièrement la tâche des services anti-terroristes chargés d’empêcher des attentats, donc d’intervenir en amont.

« Nous avons d’abord pensé que l’utilisation d’une camionnette » (pour foncer sur la foule et faire seize morts) « était le plan initial, puis nous avons appris que le vrai plan consistait à faire sauter de puissantes bombes de TATP. Un chauffeur solitaire a été remplacé par un réseau dans plusieurs villes », écrit-il dans ce rapport.

Il remarque que les jeunes radicalisés semblaient bien intégrés sur tous les plans et que rien dans leurs profils ou leurs attitudes n’aurait pu permettre de deviner leurs intentions meurtrières.

« Quand le prochain attentat grave interviendra (remarquez bien que je n’ai pas écrit +si+), nous nous apercevrons que là aussi les terroristes sont différents et proviennent de backgrounds très divers. Autant le dire: il n’y a jamais, et il n’y aura jamais de modèle ».

‘On ne sait pas faire’

Commentant, en mars, les treize tentatives d’attentat déjouées en Grande-Bretagne au cours des quatre dernières années, Mark Rowley, spécialiste britannique du contre-terrorisme au sein du National’s police chiefs council (NPCC) a déclaré: « il y en a de toutes les sortes, du plus simple au plus élaboré ».

« Certains étaient plus sophistiqués dans leur préparation, prévoyant d’attaquer des lieux publics, des postes de police ou de l’armée, dans le genre de ce que nous avons vu en Belgique, en France et ailleurs », selon lui.

Une menace à ce point diversifiée, qui peut également prendre la forme d’un malade mental que la multiplication des attentats et leur médiatisation peut pousser à l’action, est un cauchemar pour les services anti-terroristes, à qui on demande de prévenir les attaques.

« Dans un pays de soixante millions d’habitants, arrêter un frappadingue qui va prendre un couteau et se mettre à poignarder ses contemporains, on ne sait pas faire », assure à l’AFP Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité à la DGSE (renseignements extérieurs français).

« Si le gars est tout seul, s’il n’est pas dans un réseau, comment faire? », dit-il. « C’est là qu’on paie cher l’abandon de la police de proximité. Je me souviens des flics qui connaissaient les gamins par leurs prénoms, voyaient les dérives… Ils n’empêchaient pas tout, mais quand même, il y avait quelque chose ».

Entre les radicalisés de longue date, parfois sortis de prison depuis des années, les convertis au salafisme, dont il faut surveiller qu’ils ne basculent pas dans la violence, les « revenants » de retour de Syrie ou d’Irak qui ne peuvent être détenus éternellement et les auto-radicalisés via internet, hors de toute structure, les services anti-terroristes ont plus de dix mille personnes, avec des profils très différents, à surveiller, ajoute Alain Chouet.

« Et là, on a un vrai problème de main d’oeuvre », dit-il. « A raison de douze flics par personne pour une surveillance H-24, ça fait douze mille flics, qui ne font que ça… On en est loin ».

Pour éviter de tomber dans le piège de la généralisation, conclut Phil Gurski, il faut commencer par « souligner la singularité absolue de chaque acte de terrorisme. Les soi-disant points communs sont aussi inadéquats qu’inadaptés à la prédiction de l’extrémisme violent. Il faut considérer chaque cas comme particulier et rejeter la tentation d’extrapoler d’un cas sur l’autre ».

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