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Tchad: l’ancien président Hissène Habré arrêté à Dakar

Le Vif

L’ancien président tchadien Hissène Habré, accusé de crimes contre l’humanité, a été arrêté dimanche à Dakar où il vit en exil depuis 22 ans, preuve supplémentaire de la volonté de la justice sénégalaise de le juger au plus vite après des années d’impunité.

« On a demandé son arrestation dans le cadre de l’instruction et le dossier sera soumis aux juges d’instruction pour un réquisitoire », a-t-il dit. Selon la loi sénégalaise, la garde à vue est de 48 heures, renouvelable une seule fois.

Hissène Habré se trouvait dimanche après-midi dans les locaux de la division des investigations judiciaires (Dic, police judiciaire), dans le centre-ville de Dakar, a indiqué une source sécuritaire.
Un des avocats de Hissène Habré, Me El Hadji Diouf, avait auparavant annoncé sur la radio privée locale, RFM: « Des gendarmes viennent de procéder à l’arrestation de Hissène Habré à son domicile des Almadies (un quartier résidentiel de Dakar, ndlr) et l’ont conduit vers une destination inconnue ».

Une arrestation sous le signe de « l’urgence »

S’interrogeant sur « l’urgence » à l’arrêter un dimanche, l’avocat avait lancé: « C’est inacceptable. Habré a des droits qui ont toujours été violés ». Me Diouf avait alors assuré avoir été informé de l’arrestation par une épouse de l’ex-président tchadien.
Puis, dans un communiqué, deux autres avocats de Hissène Habré, Mes Ibrahima Diawara et François Serres, ont présenté cette arrestation comme un « enlèvement illégal » et ont exigé sa « libération immédiate ».

Ce placement en garde à vue intervient après de récentes visites du procureur spécial, Mbacké Fall, en Belgique et au Tchad pour préparer le dossier d’accusation contre l’ex-président tchadien.

« Entrevoir la lumière »

Pour l’avocat américain Reed Brody, porte-parole de l’organisation de défense des droits de l’Homme Human Right Watch (HRW), il s’agit d’une « étape majeure de la longue campagne pour le traduire en justice ». « Après 22 ans, les victimes de Habré peuvent enfin entrevoir la lumière au bout du tunnel », a ajouté cet avocat spécialisé dans la défense des victimes des régimes dictatoriaux, très impliqué dans le dossier Habré.

« Cela fait plus de deux décennies que j’attends de voir Hissène Habré traduit en justice. Nous allons enfin pouvoir confronter notre bourreau et recouvrer notre dignité en tant qu’êtres humains », a dit de son côté Clément Abaïfouta, président de l’Association des victimes des crimes du régime de Hissène Habré.

En 2005, après quatre années d’enquête, un juge belge avait inculpé Hissène Habré et la Belgique avait demandé à Dakar son extradition. Puis, en juillet 2006, le Sénégal avait été mandaté par l’Union africaine (UA) pour juger Habré, « au nom de l’Afrique », pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture.
Mais, sous la présidence d’Abdoulaye Wade (2000-2012), le procès avait sans cesse été retardé, le pouvoir invoquant notamment un manque de moyens.

Obama soutient les efforts de Dakar

Le président élu en 2012, Macky Sall, s’est engagé à organiser le procès d’Habré au Sénégal. Et en mai dernier, N’Djaména et Dakar ont signé un accord pour permettre aux juges du tribunal spécial de mener des enquêtes au Tchad.

En visite au Sénégal du 26 au 28 juin, le président américain Barack Obama avait abordé le dossier Habré avec Macky Sall, saluant les « efforts » de Dakar pour que le procès se tienne. « C’est un procès que nous avons soutenu et nous nous félicitons du leadership du Sénégal qui a entrepris ces efforts pour que justice soit faite », avait déclaré Ben Rhodes, conseiller américain adjoint à la sécurité nationale.

Le tribunal spécial, première juridiction africaine jamais mise en place pour juger un Africain, a démarré ses activités en février, et est doté d’un budget de 7,4 millions d’euros, venant notamment de l’Union européenne et des Etats-Unis.

Il est chargé de juger Hissène Habré pour des faits présumés commis pendant ses huit années au pouvoir, entre le 7 juin 1982 et le 1er décembre 1990. Son règne avait été marqué par une terrible répression: les opposants étaient arrêtés par la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS, police politique), torturés, souvent exécutés. Une commission d’enquête a estimé à plus de 40.000 le nombre de personnes mortes en détention ou exécutées en huit ans, dont 4.000 identifiées nommément.

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