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Syrie-Turquie: comprendre la montée des tensions

Le Parlement turc a formellement autorisé, jeudi, l’armée à conduire des opérations sur le territoire syrien, au lendemain du grave incident qui a coûté la vie à cinq civils turcs à la frontière syrienne. Le point sur la montée des tensions

Les tirs syriens mercredi sur la localité turque d’Akçakale, qui ont causé la mort de cinq civils, ont sonné pour Ankara l’heure des représailles contre le pouvoir de Bachar el-Assad. Pourquoi une telle montée des tensions? Explications.

Pourquoi la Turquie est-elle intervenue pour bombarder le territoire syrien?

Plusieurs obus en provenance de Syrie ont frappé, mercredi, la localité turque d’Akçakale, située juste en face du poste-frontière syrien de Tall al-Abyad, mercredi. Le bombardement a provoqué la mort de cinq personnes, dont une mère et ses trois enfants, et a fait dix blessés, également des civils, dont deux très grièvement. Le chef du gouvernement turc a aussitôt accusé le régime de Damas d’en être responsable.

Quelques heures plus tard, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé que l’armée turque avait bombardé en représailles plusieurs « cibles » en territoire syrien.

Pourquoi ce secteur de la frontière est-il sensible?

Le hameau d’Akçakale est situé en face du poste frontière de Tall al-Abyad. Celui-ci est tombé aux mains des rebelles, le 19 septembre. En s’emparant de cette position, les rebelles syriens ont consolidé des gains territoriaux cruciaux et sont, depuis cette date, maîtres de quatre des sept points de passage (avec Bab al-Hawa, Al-Salama et Jarabulus) le long de la frontière avec la Turquie, longue de 900 km. Ils contrôlent par ailleurs plusieurs zones de passage sur la frontière orientale de la Syrie, le long de l’Irak. Le régime de Bachar el-Assad cherche à reprendre ce point de passage et des accrochages ont à plusieurs reprises débordé du côté turc de la frontière et fait des blessés. Mais c’est la première fois que des tirs d’artillerie font des morts en Turquie.

Il y a un sérieux précédent: la destruction, en juin dernier, d’un F-4 Phantom turc au large de la Syriequi s’est écrasé dans les eaux de la Méditerranée orientale. Damas avait alors affirmé avoir ouvert le feu sur l’avion de combat parce qu’il avait violé son espace aérien, ce qu’Ankara a toujours nié. Les corps des deux pilotes ont été retrouvés au fond de la mer, a annoncé début juillet l’armée turque.

Quelle est la position d’Ankara dans le conflit syrien?

L’incident a exacerbé les tensions entre les deux pays, déjà fortes en raison des critiques formulées par Ankara concernant la répression exercée par le régime du président syrien Bachar el-Assad à l’encontre des mouvements de protestation anti-régime. Autre source de contentieux, le soutien d’Ankara à l’opposition syrienne et le fait que cette région serve de base arrière aux rebelles syriens. La Turquie a renforcé son dispositif militaire le long de la frontière syrienne, avec notamment le déploiement de batteries de missiles antiaériens.
Quelles sont les répercussions de la crise syrienne en Turquie?
D’autre part, la Turquie accueille sur son sol environ 100 000 réfugiés syriens dans 13 camps dispersés dans plusieurs provinces du sud-est de l’Anatolie, frontalière avec la Syrie. Et plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de Syriens qui n’ont pas été recensés par les autorités. Le gouvernement turc, avait fixé cet été à 100 000 le nombre maximal de réfugiés syriens qu’il était disposé à accueillir. Mais il a précisé ultérieurement qu’il pourrait franchir cette limite si la communauté internationale lui venait en aide. La question des réfugiés qui s’ajoute au ralentissement de l’économie turque après plusieurs années de croissance soutenue est une source d’inquiétude pour Erdogan.

Quelle est la marge de manoeuvre du gouvernement turc?

Le Parlement turc a adopté une motion qui autorise l’armée à conduire « si nécessaire » des opérations en Syrie. Mais ce feu vert ne donne pas mandat au gouvernement pour faire la guerre à la Syrie et revêt un caractère « dissuasif », a affirmé le vice-Premier ministre turc Besir Atalay. « Il s’agit avant tout de dissuader, la Turquie ne part pas en guerre », a assuré à l’AFP une source proche du gouvernement. Ankara sait que, depuis le début des hostilités en Syrie en mars 2011, l’opinion publique turque, déjà confrontée depuis près de trente ans ans à la rébellion séparatiste kurde, reste majoritairement opposée à toute intervention.

Les réactions internationales

La Turquie a invoqué l’article 4 du Traité de l’Otan pour demander une réunion d’urgence. Aux termes de cet article, tout pays de l’Alliance peut demander des consultations « chaque fois que, de l’avis de l’un d’eux, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité de l’une des parties est menacée ». Au terme de cette réunion, l’Otan a appelé la Syrie à « mettre un terme à ses violations flagrantes du droit international ». Mais à ce stade, le soutien de l’Otan est surtout moral. Un sondage en ligne publié jeudi par le journal à gros tirage Hürriyet a confirmé que 62% des Turcs étaient opposés au texte débattu au Parlement.

Les principaux alliés de la Turquie ont eux aussi exprimé leur condamnation après le bombardement du village d’Akçakale. A commencer par les Etats-Unis qui, par la voix de la secrétaire d’Etat Hillary Clinton, se sont déclarés « indignés que les Syriens aient tiré de l’autre côté de la frontière. Depuis la mi-septembre, la localité d’Akçakale a été à plusieurs reprises victime des combats qui ont opposé, juste de l’autre côté de la frontière, les troupes fidèles au régime syrien aux rebelles.

LeVif.be avec L’Express

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