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Syrie: Obama a décidé de frapper mais veut le feu vert du Congrès

Le Vif

Barack Obama a déclaré samedi qu’il avait pris la décision de principe de frappes contre le régime syrien mais qu’il demandera au Congrès de donner son feu vert à une telle opération, éloignant la perspective d’une intervention américaine à court terme.

« J’ai décidé que les Etats-Unis devraient agir militairement contre des cibles du régime syrien » pour le punir d’avoir utilisé ses armes chimiques contre des civils, et le pays est « prêt à frapper quand nous le choisirons », a affirmé le président américain dans une intervention solennelle depuis la Maison Blanche.

Mais « je vais demander l’autorisation des représentants des Américains au Congrès pour un usage de la force », a ajouté le président, en exhortant les élus à soutenir cette demande au nom de la « sécurité nationale » des Etats-Unis.

Le Congrès est en vacances jusqu’au 9 septembre, ce qui éloigne la perspective d’une action militaire américaine imminente contre le régime de Bachar al-Assad.

Barack Obama a semblé indiquer que le Congrès ne serait pas rappelé en session extraordinaire, expliquant qu’il s’était entretenu avec les chefs de file parlementaires et que ces derniers étaient « d’accord pour mettre un débat et un vote à l’ordre du jour dès que le Congrès aura recommencé à siéger ».

Le Congrès américain rarement sollicité pour des interventions militaires

Peu de présidents des Etats-Unis se sont volontairement soumis à l’aval du Congrès pour déclencher des interventions militaires à l’étranger, a fortiori pour des frappes ponctuelles comme l’envisage Barack Obama en Syrie.

Historiquement, la Constitution américaine donne au Congrès le pouvoir de « déclarer la guerre », mais la dernière fois qu’une telle déclaration formelle a été votée date de la Seconde guerre mondiale.

En pratique, les présidents américains ont évité le terme et lancé unilatéralement des opérations militaires ou des invasions terrestres des dizaines de fois, au nom de leur autorité constitutionnelle de commandant en chef.

Après la guerre du Vietnam, et malgré le véto de Richard Nixon, les parlementaires ont donc voté la War Powers Resolution pour contraindre le président à obtenir, de fait, une autorisation votée du Congrès pour toute intervention dans des « hostilités » qui dureraient plus de 60 jours.

En Irak en 2003, le président George W. Bush a obtenu une telle « autorisation d’utiliser la force militaire ».

Mais la plupart des présidents ont régulièrement jugé cette clause anticonstitutionnelle et se sont contentés d’informer le Congrès de tout déploiement de troupes.

En décembre 1995, le président Bill Clinton a par exemple ordonné le déploiement de 20.000 soldats en soutien à la force de paix de l’Otan en Bosnie-Herzégovine, à la suite des accords de paix de Dayton. Le Congrès n’avait ensuite pas réussi à s’entendre sur plusieurs projets de résolutions soutenant ou interdisant l’intervention.

En 1999, Bill Clinton a déclenché 78 jours de frappes aériennes en Yougoslavie dans la guerre du Kosovo, là encore sans autorisation parlementaire. A chaque fois, les élus se sont révélés divisés, incapables de voter un texte autorisant ou interdisant ces opérations, et laissant de fait le champ libre au président.

Les invasions terrestres en Somalie (1992) et en Haïti (1994) n’avaient pas plus été autorisées, de même que les frappes de missiles de croisière en Afghanistan et au Soudan en 1998, en représailles des attentats contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie.

Plus récemment, en mars 2011, Barack Obama justifiait l’intervention en Libye au nom d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. Le Congrès avait là encore réclamé d’être consulté, en vain.

Pour la Syrie, le président a jugé qu’un vote en bonne et due forme du Congrès lui procurerait un solide appui politique, alors que l’opinion semblait partagée.

« Même si j’ai le pouvoir de lancer cette action militaire sans autorisation spécifique du Congrès, je sais que notre pays sera plus fort si nous suivons cette voie et que nos actes seront ainsi plus efficaces », a-t-il déclaré samedi.

Obama a appelé Hollande avant d’annoncer sa décision

Le président des Etats-Unis a appelé son homologue français François Hollande samedi avant d’annoncer sa décision dans le dossier syrien, a indiqué un haut responsable de la Maison Blanche.

Le responsable, s’exprimant sous couvert de l’anonymat, n’a pas donné plus de détails sur la conversation entre MM. Obama et Hollande. La France s’est retrouvée propulsée dans la position de principale alliée des Etats-Unis dans le dossier syrien après le forfait de la Grande-Bretagne où le Parlement a voté cette semaine contre une intervention armée.

Mais ce responsable américain a souligné que la requête de M. Obama de solliciter l’approbation du Congrès permettrait aussi au président de tenter d’élargir une coalition internationale face au régime de Bachar al-Assad, et qu’il s’y emploierait en particulier en marge du sommet du G20 prévu jeudi et vendredi prochains à Saint Pétersbourg (Russie).

Le Sénat américain débattra dès la semaine prochaine de la Syrie

Les auditions parlementaires au Sénat américain sur le projet d’autorisation de l’usage de la force en Syrie débuteront la semaine prochaine, a annoncé samedi le chef de la majorité démocrate, qui a promis un vote la semaine du 9 septembre.

« Le Sénat va s’engager immédiatement dans ce débat crucial, avec des auditions publiques et des réunions d’information pour les sénateurs la semaine prochaine », a déclaré dans un communiqué Harry Reid, chef des démocrates du Sénat.

Les auditions seront organisées par la commission des Affaires étrangères de la chambre haute du Congrès, et de hauts responsables de l’administration y participeront.

« Le Sénat votera sur la résolution durant la semaine du 9 septembre, au plus tard, comme l’a demandé l’administration Obama », s’est engagé M. Reid.

Un projet de résolution visant à autoriser l’usage de la force pour empêcher et dissuader de futures utilisations d’armes chimiques a été rendu public samedi par la Maison Blanche.

La Chambre des représentants, dominée par les républicains, débutera quant à elle les débats le 9 septembre, a annoncé son président, John Boehner.

L’analyse des échantillons pourrait prendre « jusqu’à trois semaines »

L’analyse des échantillons prélevés en Syrie par les enquêteurs de l’ONU sur les armes chimiques pourrait prendre « jusqu’à trois semaines », a assuré samedi l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) à La Haye, où sont arrivés en fin d’après-midi les inspecteurs.

« Les preuves rassemblées par l’équipe vont maintenant être analysées en laboratoire », a indiqué l’OIAC dans un communiqué, ajoutant: « ces procédures peuvent prendre jusqu’à trois semaines ».

« Tous les efforts possibles vont être fournis pour accélérer le processus », a ajouté l’OIAC, soulignant que les enquêteurs soumettraient ensuite leur rapport au secrétaire général des Nations unies.

Ceux-ci sont arrivés aux Pays-Bas en fin d’après-midi dans un avion en provenance du Liban, affrété par le gouvernement allemand.

Ils avaient atterris vers 17h00 (15h00 GMT) à l’aéroport de Rotterdam, le plus proche de La Haye, où siège l’OIAC.

L’équipe d’experts, dirigée par le Dr Aake Sellström et qui était notamment composée de neuf membres du personnel de l’OIAC, était arrivée le 18 août en Syrie pour enquêter sur plusieurs sites où régime et rebelles s’accusaient d’avoir eu recours à des armes chimiques, mais depuis lundi, elle concentrait ses travaux sur les sites d’une attaque massive le 21 août près de Damas.

Selon Washington, 1.429 personnes dont 426 enfants sont morts dans cette attaque, que les Etats-Unis imputent au régime syrien. Damas nie être responsable de cette attaque et en attribue la responsabilité à la rébellion.

« Les échantillons doivent être envoyés dans une demi-douzaine de laboratoires à travers le monde, dans des pays qui ne sont pas impliqués politiquement », a expliqué à l’AFP le porte-parole de l’OIAC, Michael Luhan.

« Chaque échantillon, qu’il s’agisse d’échantillons de sols, d’eau ou de sang, doit être divisé en deux et chaque partie sera envoyée dans un laboratoire différent afin d’obtenir des résultats fiables », a-t-il ajouté.

L’OIAC, organe exécutif de la Convention sur les armes chimiques conclue sous l’égide de l’ONU, est chargée de veiller au respect de cette convention, qui prévoit la destruction de ce type d’armes.

Cameron dit « comprendre et soutenir » la décision d’Obama

Le Premier ministre britannique David Cameron a déclaré samedi soir sur son compte Twitter « comprendre et soutenir la position » du président américain Barack Obama qui a décidé de solliciter le feu vert du Congrès pour une action militaire en Syrie.

Le Parlement britannique s’est opposé jeudi à toute participation de Londres à des frappes contre le régime syrien, accusé d’avoir mené une attaque massive avec des armes chimiques contre la rébellion.

Au cours du débat parlementaire, qui s’est soldé par un camouflet pour le chef du gouvernement (285 voix contre une participation britannique à une action punitive, 272 voix pour), le Premier ministre n’a pas réussi à convaincre de l’opportunité d’une frappe, reconnaissant qu’il n’y avait « pas 100% de certitude » que le régime de Bachar al-Assad avait eu recours à des armes chimiques le 21 août.

Le président américain Barack Obama a écarté samedi l’idée d’une intervention imminente contre le régime syrien, tout en affichant sa détermination à agir avec le feu vert du Congrès.

Le débat au Congrès ne débutera pas avant le 9 septembre, ont annoncé samedi les responsables républicains de la Chambre des représentants

Ce vote interviendra ainsi après le sommet du G20, prévu les 5 et 6 septembre à Saint-Pétersbourg (Russie).

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