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Syrie : les promesses jamais tenues de Bachar el-Assad

La Syrie a promis d’appliquer le plan Annan à partir du 10 avril. Voilà un an que les engagements du régime syrien restent lettre morte, tandis que la répression ne cesse de s’accroître. Retour sur le double langage du dictateur syrien.

Un marché de dupe. Le régime syrien multiplie les engagements vertueux: il approuve le plan de paix de Kofi Annan qui prévoit l’arrêt de la répression, la libération des personnes emprisonnées lors de manifestations et le retrait de l’armée des villes. Damas s’est engagée à respecter, conformément à la demande d’un projet de l’ONU, un désengagement militaire avant le 10 avril.

Mais en marge de ces promesses, 80 personnes de plus ont été tuées mardi en Syrie, et mercredi encore, l’Observatoire syrien des droits de l’homme a dénoncé de violents bombardements dans le pays. L’Observatoire syrien des droits de l’Homme dénombre 10.000 tués depuis la mi-mars 2011. Les pressions internationales, l’intervention de la Ligue arabe en décembre dernier et surtout celle de l’ONU semblent rester vaines. Voilà un an que Bachar el-Assad promet d’agir, alors que les forces de sécurité continuent de pilonner ceux qui manifestent contre son régime. Retour sur les mensonges d’un président-dictateur.

16 avril 2011 : levée de l’état d’urgence

La contestation débute à la mi-mars. Dès les premiers jours, le régime tire sur les manifestants. Puis, alors que la révolte grandit, la démission du gouvernement ne change rien au mécontentement de la rue syrienne. Mais, bien que, le 16 avril, le régime annonce la prochaine levée de l’état d’urgence -en vigueur depuis 50 ans-, les violences redoublent. Le 23 avril, des dizaines d’opposants sont blessés lors de manifestations dans tout le pays.

31 mai : « amnistie générale » pour les opposants

Le régime promet l' »amnistie générale » pour tous les membres des Frères musulmans et les détenus politiques, le 31 mai. Le 3 juin, 34 personnes sont tuées à Hama par les forces de police. Et un mois plus tard, Amnesty international déclare que « des centaines (de prisonniers) se trouvent toujours en détention; beaucoup sont détenus au secret et risquent la torture et d’autres formes de mauvais traitements ». Fin juin, une nouvelle « amnistie générale » est décrétée, mais elle exclut plusieurs centaines de personnes incarcérées pour leur implication dans des manifestations politiques pacifiques, précise Amnesty.

20 juin : Assad propose un dialogue national

Confronté à des manifestations grandissantes, le régime propose la tenue, début juillet, d’un dialogue national, que refuse l’opposition. Selon elle, cette réunion n’ouvre pas la voie à une véritable transition politique en Syrie, au contraire elle semble confirmer l’entêtement du régime alaouite à se maintenir au pouvoir.

En marge de ce dialogue de façade, les violences et la répression ne faiblissent guère: le site d’information SNN (Shaam News Network) -des militants syriens- révèle notamment la mort de 17 soldats tués par les forces de sécurité pour avoir refusé de tirer sur des manifestants, à la frontière syro-turque.

4 août : instauration du multipartisme

Le président Bachar el-Assad promulgue, le 4 août, un décret autorisant le multipartisme. La veille, la répression sanglante a fait 37 morts. Face à la multiplication des violences, sans perspective de paix, la communauté internationale commence à faire pression sur Damas. Plusieurs pays arabes, dont l’Arabie Saoudite, rappellent leurs ambassadeurs.

17 août : fin des opérations militaires et policières

Le chef d’Etat syrien annonce la fin des « opérations militaires et policières » contre les contestataires, dans une conversation téléphonique avec Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies, 17 août. Mais l’espoir est de courte durée. Deux jours plus tard, 14 morts sont recensés dans le sud du pays. Entretemps, une mission d’enquête de l’ONU publie un rapport accablant pour Damas: la répression est telle qu’elle pourrait « relever de crimes contre l’humanité ».

D’août à octobre : Damas promet des réformes et la fin de la répression

Pendant les mois suivants, le régime poursuit la répression du mouvement, même si des réformes sont une fois de plus promises par Damas. Le 10 septembre, la Ligue arabe convient avec le président syrien d’une série de mesures destinées à mettre fin à la répression. Mais une semaine plus tard, les Syriens qui descendent dans la rue sont la cible des balles des forces de sécurité. Bilan: 22 morts.

Le 7 octobre, les manifestants font état de 9 morts au moment même où le président Assad assure que « le processus de réforme se poursuit ».

2 novembre : signature du « plan de paix » de la Ligue arabe

Depuis deux mois, la question de l’application du plan de la ligue arabe est sur la table des pourparlers. Le 2 novembre, la Syrie accepte tout d’abord un « plan de paix » sans conditions. Celui-ci prévoit le retrait de l’armée, la libération des prisonniers, la venue d’observateurs de la Ligue arabe et la reprise des négociations avec l’opposition. Mais, dans les six jours qui suivent, 70 personnes sont tuées par le régime. La Syrie accuse alors les Etats-Unis d’être responsables des violences. Le plan de la Ligue arabe a fait long feu.

Malgré les pressions qui se multiplient contre Damas -éviction de la Ligue, sanctions économiques par les pays arabes et occidentaux-, la Ligue revoit à la baisse la portée de son « plan de paix », en se limitant au seul envoi d’observateurs étrangers sur le territoire syrien.

19 décembre : la Syrie accepte la venue d’une délégation d’observateurs arabes

La Syrie accepte, le 19 décembre, la venue d’observateurs arabes, qui arrivent trois jours plus tard dans le pays. Mais sur le terrain rien ne change: au 29 décembre, on dénombre 400 tués depuis l’arrivée des observateurs. Leur mission coïncide avec l’une des semaines les plus meurtrières depuis le début de la vague de contestation. Parmi les victimes, des soldats déserteurs qui tentent de fuir leurs postes de l’armée régulière ainsi que des manifestants venus acclamer la délégation de la Ligue arabe.

15 janvier 2012 : Bachar el-Assad promulgue une troisième amnistie générale

Le président syrien décrète une nouvelle amnistie générale (après celles de mai et juin 2011) pour les « crimes commis pendant les événements ». Elle concerne « des infractions à des lois sur les manifestations pacifiques, le port d’armes ou la désertion de l’armée ». L’OSDH prétend disposer de « preuves que plusieurs personnes qui devaient bénéficier de ces mesures sont toujours en détention ».

26 février : les Syriens sont appelés à voter pour une nouvelle Constitution

Bachar el-Assad donne la parole au peuple et organise un référendum sur une nouvelle Constitution fondée sur le pluralisme, qui supprime l’hégémonie du parti Baas. Washington ironise en qualifiant l’évènement de « plaisanterie » alors que 26 personnes sont tuées au cours de la même journée.

13 mars : Bachar el-Assad annonce la tenue d’élections législatives

L’agence officielle Sana annonce des élections législatives pour le 7 mai. Ce scrutin aurait déjà dû se tenir en septembre mais il avait été reporté en raison du « processus de réformes » annoncé par le président.

27 mars : Damas approuve le plan de paix de Kofi Annan

L’émissaire de l’ONU, parvient à une entente avec le chef de l’Etat syrien sur l’adoption d’un texte qui permettrait de régler le conflit. Ce texte, qui a obtenu l’aval des 15 membres, dont la Russie et la Chine, mentionne l’arrêt immédiat de toute forme de violence armée par toutes les parties (en commençant par un retrait des forces syriennes des centres de population), le renoncement à utiliser des armes « lourdes », le secours à toutes les zones de combats et la libération de prisonniers détenus arbitrairement.
Pendant ce temps le régime syrien poursuit la répression. mardi encore, 80 personnes ont péri dans des attaques de l’armée. Réunis dimanche dernier à Istanbul pour la deuxième fois, les « Amis du peuple syrien » s’impatientent et attendent un nouveau signe.

3 avril : Damas accepte de commencer à appliquer le plan de paix avant le 10 avril

Le régime syrien promet à Kofi Annan d’entamer « immédiatement » un désengagement militaire de façon à l’avoir terminé le 10 avril. Le lendemain, l’OSDH déplore 41 personnes tuées, en majorité des civils, dans de violents bombardements et des tirs dans la province de Homs (centre), où sont retranchés des rebelles.

Sébastien Lavandon et Sophie Malherbe, L’Express.fr

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