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Syrie: la trêve respectée, plus 300.000 morts en cinq ans de conflit

Le Vif

La trêve présentée comme la « dernière chance » pour sortir la Syrie du chaos, était globalement respectée mardi et les habitants ont pu jouir de leur première nuit de sommeil depuis des mois.

L’arrêt des combats est survenu le jour où le nombre de morts a dépassé les 300.000, dont près de 87.000 civils, dans la guerre déclenchée en mars 2011, selon un bilan de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).

Lundi à 19H00 locales (16H00 GMT), une trêve est entrée en vigueur en vertu d’un accord annoncé le 9 septembre par la Russie et les Etats-Unis, parrains respectifs du régime et de la rébellion.

La télévision officielle a fait état de violations mineures marquées par des tirs de roquettes par les rebelles dans les environs de la ville septentrionale d’Alep et dans la province centrale de Homs, qui n’ont pas fait de victimes.

C’est la brutalité de la dernière bataille d’Alep, deuxième ville de Syrie, avec ses centaines de morts, qui a poussé Russes et Américains à chercher un accord pour mettre fin à l’effusion de sang et permettre l’envoi sans entraves d’aides urgentes aux centaines de milliers de personnes assiégées, notamment à Alep.

L’ONU a annoncé néanmoins attendre des garanties de sécurité pour ses convois avant de lancer les opérations humanitaires.

Pour pouvoir acheminer l’aide dans les quartiers rebelles assiégés d’Alep, des militaires russes ont installé un point d’observation mobile sur la route du Castello, un axe vital au nord de la ville qui mène vers la frontière turque d’où doit provenir cet aide, selon des agences russes.

L’accord américano-russe prévoit expressément la « démilitarisation » de la route du Castello, où se trouvaient encore mardi après-midi des soldats syriens selon une source militaire syrienne.

Le secrétaire d’État John Kerry, qui a négocié l’accord avec son homologue russe Sergueï Lavrov, a estimé que la trêve pourrait « être la dernière chance de sauver » la Syrie.

« Nous avons pu dormir »

Dans de nombreuses villes et localités, notamment celles tenues par les rebelles et qui étaient la cible de bombardement incessants de l’aviation du régime, l’heure était au soulagement.

A l’est comme à l’ouest d’Alep, les habitants ont veillé dans la rue jusqu’à lundi à minuit, profitant du cessez-le-feu pour célébrer l’Aïd Al-Adha, la fête musulmane du sacrifice.

Dans la partie gouvernementale près de la ligne de démarcation, souvent visée par des roquettes tirées par les rebelles, Habib Badr se félicite du calme.

« Ma maison se trouve près de l’hôpital Ramzi et j’ai l’habitude d’entendre la sirène des ambulances toutes les deux ou trois heures. Mais aujourd’hui rien », dit-il.

« Généralement, nous ne fermons pas l’oeil de la nuit en raison du bruit des avions », témoigne pour sa part Hassan Abou Nouh, un militant de Talbissé, fief rebelle de la province Homs. « Mais Dieu merci la nuit dernière nous avons dormi sur nos deux oreilles ».

Même répit dans la province d’Idleb, où les armes se sont tues selon un militant.

Le régime, qui a donné rapidement son accord à la trêve, a annoncé le gel de ses opérations militaires « sur le territoire jusqu’au 18 septembre à 21H00 GMT ».

Affaiblies sur le terrain, l’opposition et la rébellion, n’ont pas donné leur approbation formelle à la trêve en réclamant des « garanties », mais elles semblent la respecter sur le terrain.

Cela n’empêche que le scepticisme prévaut sur le succès de ce nouveau cessez-le-feu, après l’échec de plusieurs tentatives.

Comme lors de la précédente trêve fin février qui avait duré quelques semaines, les groupes jihadistes État islamique (EI) et Front Fateh al-Cham (ex-Front Al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaïda), qui contrôlent de vastes régions du pays, sont exclus du nouveau cessez-le-feu.

Collaboration inédite

Dans le cadre de l’accord, M. Kerry a souligné que le régime devrait s’abstenir de mener des raids « dans toute zone où se trouve l’opposition ». Or dans plusieurs zones, les rebelles sont alliés au Front Fateh al-Cham (ex-branche d’Al-Qaïda) considéré comme « terroriste » par Washington et Moscou.

Si cette cessation des hostilités tient pendant une semaine, elle devrait déboucher sur une collaboration inédite entre Moscou et Washington contre les deux groupes jihadistes.

Mais un responsable du Pentagone a souligné que cela n’impliquerait pas automatiquement le début de la coopération, après ce délai. « Les délais sont courts et la méfiance est grande ».

Moscou et Washington cherchent à travers la trêve de favoriser une reprise des négociations entre régime et rebelles pour mettre un terme au conflit, qui a poussé à la fuite des millions de personnes et provoqué un désastre humanitaire qui a atteint l’Europe occidentale.

Le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov a souhaité que l’émissaire de l’ONU Staffan de Mistura invite début octobre toutes les parties à des négociations.

Selon Moscou, les forces d’Assad respectent le cessez-le-feu, les rebelles pas

L’armée russe a affirmé mardi que les forces du président syrien Bachar al-Assad respectaient le cessez-le-feu en vigueur en Syrie depuis lundi soir mais a accusé les rebelles d’avoir violé à 23 reprises la trêve négociée par Moscou et Washington.

« Les forces gouvernementales ont complètement cessé le feu, à l’exception des zones où opèrent des militants du groupe Etat islamique (EI) et du Front Al-Nosra », a déclaré le général Viktor Poznikhir, de l’Etat major russe, lors d’un point de presse.

« Malheureusement, on ne peut pas dire la même chose sur les régiments armés de l’opposition modérée », a-t-il regretté, en accusant les rebelles syriens d’avoir tiré « à 23 reprises sur des quartiers résidentiels et les positions des forces gouvernementales » depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu.

Pour sa part, le responsable du Centre russe de coordination en Syrie, Vladimir Savtchenko, a affirmé, lors d’une séance de vidéoconférence, que les violations de la trêve avaient notamment été enregistrées dans les provinces d’Alep (nord), de Damas (sud) et d’Idleb (nord-ouest), ainsi que dans celles de Lattaquié (ouest) et de Hama (centre). « Les forces gouvernementales n’ont pas riposté à ces tirs », a-t-il souligné.

Comme cela était le cas lors de la précédente trêve fin février qui avait duré quelques semaines, les groupes djihadistes État islamique (EI) et le Front Fateh al-Cham (ex-Front Al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaïda), qui contrôlent de vastes régions du pays, ne sont pas concernés par le cessez-le-feu.

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