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Syrie : la Russie et l’occident toujours en désaccord

Le Vif

Les divisions russo-occidentales sur la Syrie ont atteint lundi de nouveaux sommets autour du dossier des armes chimiques, Moscou ayant mis en garde contre le danger d’une intervention militaire sans l’aval de l’ONU suggérée par Paris et Londres.

Depuis l’attaque chimique présumée le 21 août attribuée par les Occidentaux au régime syrien et qui a fait plusieurs centaines de morts, les appels à une intervention deviennent de plus en plus pressants, mais Moscou continue de défendre son allié en rejetant la responsabilité sur les rebelles. « Je suis inquiet à la suite des déclarations de Paris et Londres selon lesquelles l’Otan peut intervenir pour détruire des armes chimiques en Syrie sans l’autorisation du Conseil de sécurité de l’ONU. C’est un terrain glissant et très dangereux » et « une grossière violation du droit international », a déclaré lundi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, au cours d’une conférence de presse convoquée en urgence. Dimanche soir, M. Lavrov avait mis en garde son homologue américain John Kerry, dans un entretien téléphonique, contre des « conséquences extrêmement graves d’une possible intervention militaire pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord où des pays comme l’Irak ou la Libye sont toujours déstabilisés ».

La Russie s’est fermement opposée en 2003 à l’intervention en Irak où les Etats-Unis et la Grande-Bretagne avaient mené l’opération militaire qui a permis de renverser le dictateur Saddam Hussein. Les accusations sur les armes irakiennes de destruction massive, brandies pour justifier l’intervention, ont été depuis battues en brèche. En 2011, la Russie avait laissé les Occidentaux agir en Libye en s’abstenant de mettre son veto à une résolution à l’ONU. Mais Moscou avait exprimé sa colère quand la résolution sur la zone d’exclusion aérienne avait été utilisée pour justifier le bombardement de positions militaires du dictateur libyen Mouammar Kadhafi, un allié de la Russie depuis l’époque soviétique.

« Nous voyons les conséquences graves des interventions précédentes dans la région », a souligné M. Lavrov en citant à titre d’exemple le gouvernement de Libye « qui ne contrôle pas la majorité du territoire » et l’Irak « où des dizaines de personnes meurent tous les jours dans des attentats sanglants ». Il a toutefois émis l’espoir que les Occidentaux renonceraient à agir de manière « irrationnelle » pour régler le conflit syrien, en soulignant que la Russie allait pour sa part opter pour une solution pacifique. « Nous n’avons pas l’intention d’entrer en guerre avec qui que ce soit », a insisté le ministre russe. La situation en Syrie a également fait l’objet lundi d’un entretien téléphonique entre le président russe Vladimir Poutine et le Premier ministre britannique David Cameron. L’entretien qui a eu lieu « à l’initiative de la partie britannique », « a porté essentiellement sur la situation en Syrie à la suite des informations publiées par des médias sur un recours éventuel à des armes chimiques près de Damas », la capitale syrienne, a précisé le Kremlin dans un communiqué.

Le chef de la diplomatie britannique, William Hague, a estimé plus tôt dans la journée qu’il était « possible » de répondre à l’usage d’armes chimiques en Syrie « sans unité complète au Conseil de sécurité de l’ONU » où la Russie n’a soutenu aucune des résolutions occidentales sur la Syrie. « L’histoire se répète, les pays occidentaux se comportent de manière très similaire », a indiqué à l’AFP l’analyste Alexandre Filonik, de l’Institut des pays d’Orient. « Cela saperait les fondements du fonctionnement de la communauté internationale (…) et pourrait compliquer tous les aspects des relations russo-occidentales y compris les accords de non-prolifération », a souligné M. Filonik. Selon Maria Lipman, analyste au centre Carnegie de Moscou, la Russie, qui montrait récemment une volonté de coopérer avec les Etats-Unis sur la Syrie en proposant l’organisation d’une conférence internationale, est « de plus en plus isolée » par les Occidentaux. Si une décision sur une opération militaire est prise, « cela signifierait que l’opinion de la Russie a été négligée et Moscou ne pourrait laisser cela sans réponse », a souligné Maria Lipman, estimant que cela se traduirait éventuellement par un renforcement de la coopération militaire avec la Syrie.

L’ONU a envoyé ses experts qui ont commencé à enquêter lundi sur les lieux de l’attaque meurtrière, mais ils ont été visés par des tireurs embusqués, selon l’ONU. L’opposition syrienne affirme, malgré les nombreux démentis de Damas, que le régime a eu recours à des armes chimiques pour tuer des centaines de civils. Sur fond de polémique, le quotidien pro-Kremlin a publié une interview fleuve du président syrien Bachar al-Assad qui tourne en dérision la version occidentale des faits et avertit les Etats-Unis que leurs projets militaires sont voués à l' »échec ». Alexeï Pouchkov, chef de la commission des Affaires étrangères de la Douma (chambre basse du Parlement) a pour sa part affirmé lundi que l’attaque chimique présumée avait été menée par les rebelles, mais que l’Occident rejetterait quoiqu’il arrive cette version. « Londres et Washington (…) ont besoin d’un verdict de culpabilité (d’Assad) », a-t-il écrit sur Twitter.

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