Une mosquée à Alep. © Belga

Syrie : la mémoire saccagée

Le Vif

Pillés, vandalisés ou bombardés, les musées et sites archéologiques des pays en conflit comme la Syrie sont les victimes silencieuses de barbares dévastant tout sur leur passage. Des trésors inestimables se monnaient au marché noir.

Depuis le début du conflit en Syrie, hommes, femmes et enfants tombent chaque jour par dizaines. L’ONU fait état de près de 200 000 morts. Mais la guerre ne déchire pas que des vies humaines. Une de ses faces cachées est la destruction et le pillage à grande échelle du patrimoine culturel.

Berceau des anciennes civilisations, la Syrie a fondé son identité sur l’héritage grec, byzantin et ottoman. Perle historique du Moyen-Orient, ce pays est l’un des plus vieux du monde, l’un des plus riches aussi. Le patrimoine culturel est endommagé de trois façons. La première concerne les bombardements de sites ou de quartiers historiques. C’est le cas de villes telles que Homs et Alep. Un vandalisme gratuit ou perpétré au nom de la religion. C’est la destruction des symboles d’une civilisation antique antérieure à l’Islam ou de la jâhiliyya (« époque de l’ignorance »). Autre exemple en mai dernier : les forces de Bachar al-Assad anéantissaient la synagogue Hanabi Eliyahou (Damas), la plus ancienne de Syrie.

Autre problème, l’occupation – tant par les forces régulières syriennes que par l’Etat islamique – de lieux historiques aux positions géographiquement intéressantes soit dominant les vieilles villes et les centres urbains. C’est ainsi que certaines fortifications (les citadelles de Homs, Hama, Alep, Palmyre…) ont repris pour un temps le rôle stratégique qu’elles assuraient à l’époque médiévale. Ce phénomène n’épargne pas les lieux de culte. La mosquée des Omeyyades d’Alep a elle aussi été réquisitionnée. En avril 2013, elle a vu son minaret s’effondrer. Même horreur du côté des musées avec celui de Maaret Al-Nouman et celui des Arts et Traditions populaires. Notons encore la situation critique de Palmyre. Ce site gréco-romain au rang des plus splendides du monde s’est transformé en base militaire de l’armée régulière. Une brigade de snipers s’est installée sur le toit du musée pour mieux viser la ville. Des lance-roquettes ont été placés au pied des tours funéraires et les échanges d’artillerie auraient détruit des parties du célèbre temple du dieu Bel.

Troisième fléau : les fouilles clandestines et le pillage intensif. Sans faire dans la dentelle, les pilleurs se servent sur les sites archéologiques à ciel ouvert. Ils dévalisent également les musées qui ne sont pratiquement pas sécurisés. Les trésors aux abords des frontières constituent des cibles privilégiées. Les pièces archéologiques transitent aisément par la Turquie (reconnue pour ses frontières poreuses) puis sont rapatriées vers l’Occident avant que le marché de l’art s’en empare. Un trafic illicite très lucratif pour des négociants peu « regardants » qui écouleront en toute discrétion des statuettes de pierres, des vases en céramique, des éléments de mosaïque… Selon les douanes américaines, l’importation d’objets en provenance d’Irak et de Syrie a d’ailleurs augmenté de plus de 500 % ces deux dernières années !

Gwennaëlle Gribaumont

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

  • la bataille contre la contrebande
  • « Le trafic des biens culturels représente un chiffre d’affaires annuel estimé à plusieurs milliards de dollars »

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