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Syrie, Guantanamo, affaire Snowden… le crépuscule d’Obama

Le Vif

Le président des Etats-Unis a bien mal commencé son second mandat. Régler le dossier syrien lui est indispensable. Il est dans le destin des talents de s’émousser et dans la nature des charmes de s’évaporer. Moins d’un an après sa réélection, Barack Obama est en difficulté: les Etats-Unis lui ressemblent de moins en moins et le monde ne lui répond plus beaucoup. Sa lumière faiblit: est-ce une éclipse ou un crépuscule ?

« Four more years », envoya-t-il par Twitter au soir de sa victoire, le 6 novembre 2012. Quatre ans de plus, certes, mais pour quoi faire?
L’économie américaine doit beaucoup au premier mandat d’Obama, qui l’a remise en ordre, mais le carburant majeur de sa reprise est le gaz de schiste, dont l’exploitation est bien éloignée des engagements écologiques du démocrate en 2008. Fidèles à leur esprit pionnier, les Etats-Unis ne s’embarrassent ni du principe de précaution ni de la préoccupation du long terme quand il s’agit de créer des richesses. La grande réforme fiscale et le virage social espérés sont aussi remisés au magasin des accessoires, tout comme la vertu budgétaire, et le président s’épuise dans les allers et retours de sa cohabitation avec le Congrès. Une cohabitation sans Premier ministre, qui oblige Obama à négocier en personne la moindre initiative. Ainsi, la nature économique et le système politique de son pays piègent le président des Etats-Unis.

De même, tandis que la prison hors normes de Guantanamo n’est toujours pas fermée, les libertés publiques ont, ces derniers mois, été écorchées par divers scandales, comme le ciblage fiscal de groupes conservateurs et, bien sûr, l’affaire Prism-Snowden. En matière de sécurité, Barack Obama semble agiter une main républicaine dans un gant démocrate: qu’il s’agisse de la surveillance des communications privées à travers la planète ou de l’exécution de terroristes par des drones, il est un président de continuité plus que de rupture. Or c’est du retour présumé des valeurs démocratiques maximales, et même de l’espoir d’un certain droit-de-l’hommisme, que s’est nourrie, en Europe, l' »obamania ». Les Etats-Unis acquittent George Zimmerman, qui tua le jeune Trayvon Martin, mais condamnent Bradley Manning, le soldat informateur de WikiLeaks. Le premier président noir n’a su changer ni les pratiques ni la culture de son pays.

Enfin, en géopolitique, Barack Obama vit depuis bientôt cinq ans sur le crédit de son prix Nobel de la paix, versé comme une avance sur la gratitude mondiale à venir. Avec lui, l’Amérique allait redevenir aimable, et aussi efficace pour apaiser le monde qu’elle avait été encline à l’embraser sous George Bush. Aujourd’hui, le bilan d’Obama inquiète. Si son discours du Caire, en juin 2009, a semé dans la jeunesse musulmane les graines de l’espoir qui ont germé lors du printemps arabe de 2011, le président américain pèse désormais bien peu sur cette région. Les militaires égyptiens ne lui rendent plus de comptes, la désagrégation libyenne se poursuit, l’Iran ne renonce pas à la bombe et le dialogue israélo-palestinien, dont il a adoubé la relance, se poursuit « à domicile ».

Moins qu’avant, on agit contre l’Amérique à travers le monde, mais plus qu’avant, on avance sans elle. Ainsi, prompt à bouder mais incapable d’imposer ses vues, Barack Obama s’enferre dans une mini-guerre froide avec Moscou, une « guerre frisquette » où il n’a pas la main, et il défend moins bien les intérêts américains que Vladimir Poutine ne garantit les russes.

Aux Etats-Unis, un second mandat peut être celui de l’épanouissement, parce que l’audace n’est plus bridée par les préoccupations électorales, ou celui de l’extinction, parce que plus personne ne vous craint ni ne vous obéit. Barack Obama a pris la mauvaise pente et, s’il ne réagit pas, souffrira bientôt d’un ressentiment proportionnel à l’enchantement qui accompagna son triomphe de 2008. Pour éviter cette « désobamisation » du monde, il lui faut obtenir la chute de Bachar el-Assad en évitant tout embrasement géopolitique ; c’est-à-dire réussir ce mélange de force et d’habileté qui est la signature des grands hommes de l’Histoire.

Christophe Barbier

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