1987-2017 : la "petite Melanija", née à Sevnica en 1970, est devenue Melania, première dame des Etats-Unis. © M. ZORMAN/POLARIS POUR LE VIF/L'EXPRESS

Sur les traces de Melania Trump dans son village natal en Slovénie

Le Vif

Son arrivée à la Maison-Blanche avait suscité l’enthousiasme en Slovénie, son pays d’origine. Un an plus tard, l’ambiance a changé. Melania Trump a déçu ses anciens compatriotes.

Ce jour-là, le 20 janvier 2017, les habitants de Sevnica, petite ville de l’est de la Slovénie, ont accroché des drapeaux américains aux fenêtres, puis ils se sont rendus au Café central, près de la gare, pour suivre la prestation de serment du président Donald Trump, diffusée depuis Washington. Quand la première dame, Melania, est apparue sur l’écran géant, la bière a coulé à flots. Car, ici, on la connaît bien, la  » petite Melanija « . C’est dans cette commune de 6 000 âmes, cernée par les montagnes, que l’épouse du président des Etats-Unis a passé son enfance.

A l’époque, des journalistes du monde entier s’étaient rués sur Sevnica – jusqu’alors surtout connue pour son concours de salami (il a lieu tous les 10 mars et est interdit aux femmes). Et tandis que le maire, Srecko Ocvirk, se prenait à rêver d’une visite de Mme Trump, des petits malins en profitaient pour faire du business : miel Melania, produit avec des fleurs  » poussant dans le jardin de ses parents « , assure l’étiquette ; burger Trump, nappé d’un fromage fondu qui rappelle étrangement la chevelure du 45e président américain. Ou encore gâteau Melanija, à base de chocolat blanc, d’amandes, de noisettes et de noix pilées.  » Je l’ai créé au lendemain de l’élection, déclare Nusa Vidmar, pâtissière dans le centre-ville. Il est blanc crème, comme les robes qu’elle portait durant la campagne.  » Sans doute Melania Trump, ancien mannequin, aurait-elle préféré donner son nom à une salade veggie, mais personne ne lui a demandé son avis.

Sur les traces de Melania Trump dans son village natal en Slovénie
© MATIC ZORMAN

C’est justement ce qu’elle a reproché à ses anciens compatriotes : ils utilisaient son image en toute impunité. Pour y mettre fin, elle a embauché l’une des meilleures avocates de Slovénie. Les choses n’ont pas traîné. Les affiches  » sauvages  » à l’effigie de la First Lady ont disparu. Quant aux abeilles, elles ont été priées d’aller butiner ailleurs…

De quoi doucher l’enthousiasme. A Sevnica, on ne s’emballe plus au sujet de la  » petite Melanija « . Effet de saturation, mais, aussi, déception. Car l’enfant du pays n’a pas eu un mot, depuis son arrivée à la Maison-Blanche, pour sa patrie d’origine. Et le maire a compris depuis longtemps qu’il ne la reverrait sans doute jamais. Seule consolation, l' » effet Melania  » a dopé le tourisme. A son tour, l’édile a lancé une ligne de produits – mais sans utiliser son nom. Au menu : vin rouge, thé, chocolat, cookies, pommes séchées et… salami. La municipalité a même créé un First Lady Tour. Pour 32 euros tout de même, un guide vous mène sur les traces de la jeune Melanija Knavs – son nom de jeune fille. Au programme : son école primaire et l’immeuble où elle a vécu avec ses parents. L’endroit, morose, n’a guère changé depuis l’époque communiste – un bloc de béton planté au coeur d’une cité sans âme, quelques arbres décharnés et des fantômes courbés en deux qui passent en silence. Au loin, des cheminées en briques noircies rappellent un âge d’or industriel. De l’autre côté de la rivière Save, l’usine de confection Jutranjka, aujourd’hui fermée, employait 2 000 ouvrières, dont la maman de Melanija, Amalija.  » Une femme très simple, qui disait toujours bonjour « , se souvient Rugiza, volubile voisine d’origine macédonienne. La journée, dans l’atelier, Amalija dessinait des patrons de vêtements. Le soir, dans sa cuisine, elle apprenait à Melanija l’art de la couture.

Sur les traces de Melania Trump dans son village natal en Slovénie
© MATIC ZORMAN

Nous sommes en 1980, la Slovénie fait encore partie de la Yougoslavie, le maréchal Tito vient de mourir. Melanija a 10 ans.  » Déjà, elle rêvait de partir à la capitale, Ljubljana, pour rejoindre une école de mode et de design « , raconte Igor Omerza, coauteur d’une biographie fouillée de Melania Trump ( The Inside Story, éd. Zalozba Ombo). Cet ancien député devenu journaliste s’est intéressé à l’histoire du père, Viktor Knavs :  » D’abord chauffeur, puis vendeur de voitures, il n’était pas souvent à la maison, mais il gagnait de l’argent. La famille n’a jamais été dans le besoin.  » Bourru, Viktor n’a guère apprécié de se retrouver en pleine lumière, lorsque sa fille est devenue première dame. Il a très mal vécu que l’on révèle son appartenance au Parti communiste yougoslave – un détail dont il ne s’était guère vanté auprès de son gendre Donald… Pas étonnant qu’il déteste les journalistes.  » En novembre 2015, j’ai voulu, de ma voiture, faire une photo de sa maison, raconte Igor Omerza. Il m’a vu, il est devenu cramoisi, s’est rué sur sa Mercedes et m’a poursuivi dans les rues de Sevnica ! Il a fini par renoncer : sans doute craignait-il de porter préjudice à Donald Trump, alors en pleine campagne présidentielle…  »

Stane Jerko, le photographe qui a repéré Melanija et réalisé ses premiers clichés.
Stane Jerko, le photographe qui a repéré Melanija et réalisé ses premiers clichés.© MATIC ZORMAN

Rares sont les habitants de Sevnica qui, aujourd’hui, parlent des Knavs. Car l’avocate de Melanija, devenue Melania pour le reste du monde, est passée par là.  » Elle m’a accusée d’avoir proféré des mensonges sur sa famille « , s’offusque Ana Dernac, une amie de sa mère. Lesquels ?  » Je ne dirai rien, sinon je vais finir au tribunal. Je ne veux plus entendre parler de ces gens, et surtout pas du père, qui n’est pas une bonne personne « , répond-elle, avant de mettre fin à la conversation. Comme elle, Merjana et Nena, des copines d’enfance de Melanija, déclineront nos sollicitations, de même que son oncle paternel, Herman, et son demi-frère, Denis Cigelnjak, dont elle a tardivement appris l’existence.  » C’est étrange, déplore une voisine, sous couvert d’anonymat. Melanija a complètement tourné le dos à son passé. Comme si elle avait honte de ce qu’elle était…  »

L'immeuble où elle a vécu, petite, avec ses parents...
L’immeuble où elle a vécu, petite, avec ses parents…© MATIC ZORMAN

En 1985, la jeune fille part pour Ljubljana, où elle intègre une école d’architecture et de design. Ses camarades de classe se souviennent d’une élève appliquée, dotée d’un bon coup de crayon.  » Elle était toujours élégante, mais elle avait, en plus, cette petite touche personnelle qui la rendait unique « , raconte Jasna Martinjak, qui anime aujourd’hui un  » groupe des anciens  » sur Facebook (Melania n’a jamais répondu à l’invitation).  » Sur les photos de classe, elle s’asseyait différemment des autres et avait des attitudes de mannequin « , opine son ancien prof de maths, Mario Ivartnik.

... la maison où elle habitait avant de partir à Ljubljana, et où son père a fait installer une boîte aux lettres américaine : aujourd'hui, Melania veut oublier ce passé. Elle ne retournera sans doute jamais à Sevnica.
… la maison où elle habitait avant de partir à Ljubljana, et où son père a fait installer une boîte aux lettres américaine : aujourd’hui, Melania veut oublier ce passé. Elle ne retournera sans doute jamais à Sevnica.© MATIC ZORMAN

C’est, du reste, à cette époque qu’elle démarre sa carrière de modèle. En deuxième année, elle rencontre Stane Jerko, l’homme qui va changer sa vie.  » Je sortais d’un festival de mode, raconte cet ancien photographe. J’ai vu cette fille au pied d’un escalier. Elle avait de longs cheveux, des jambes interminables, j’ai pensé qu’elle pouvait devenir mannequin.  » Il lui propose une séance photo.  » Elle était timide, poursuit-il. Elle avait apporté ses vêtements préférés : un jogging noir et un pull gris sans manches, qu’elle avait tricoté elle-même.  » Le photographe fait circuler ses planches-contact dans plusieurs agences, et n’en entend plus parler. L’année d’après, il la croise dans ce même festival. Entre-temps, Melanija avait signé quelques contrats, sa carrière était lancée. Elle n’aura jamais un mot de remerciement pour Stane Jerko.

... Jure Gorzic, un ancien boyfriend, avec qui elle est restée quatre mois en 1991...
… Jure Gorzic, un ancien boyfriend, avec qui elle est restée quatre mois en 1991…© Polaris

A la fin des années 1980, la Yougoslavie vit ses derniers soubresauts, mais la jeune Melanija, désormais en fac d’architecture, ne profite guère de l’ambiance électrique de Ljubljana. Elle veut être mannequin. Elle ne boit pas une goutte d’alcool et dort beaucoup – conseillé pour ne pas avoir de cernes. Tout juste a-t-elle quelques flirts : Gregor, Peter, Robert, Alen… Qu’en disent-ils ? Pas grand-chose : les anciens lovers ont été priés de ne plus étaler leur romance au grand jour. Encore l’avocate !  » Pourquoi nier ces aventures, c’est absurde, commente, goguenard, Igor Omerza. Veut-elle faire croire qu’elle n’a rien vécu avant de rencontrer Donald Trump, à 28 ans ?  »

... l'école d'architecture et de design de Ljubljana, qu'elle a intégrée en 1985...
… l’école d’architecture et de design de Ljubljana, qu’elle a intégrée en 1985…© MATIC ZORMAN

Heureusement, Jure Gorzic a accepté de nous parler. Melanija et lui sont restés ensemble durant quatre mois, à l’été 1991.  » Elle ne parlait que de mode, raconte-t-il. L’ambiance était bizarre, à cette époque, à Ljubljana. Les rues étaient désertes, car nous étions en guerre contre l’armée yougoslave.  » Mais le conflit se règle rapidement, la Slovénie devient indépendante. De quoi donner des ailes à Melanija. En 1992, elle participe à un concours de mannequins, à Portoroz, sur la côte Adriatique, et décroche la deuxième place. Dans sa biographie officielle, elle prétendra plus tard avoir gagné la compétition, tout comme elle affirmera – à tort – avoir obtenu son diplôme d’architecte. Toujours ce souci d’enjoliver le passé… ou de le gommer. Avant de quitter le pays, elle transforme son nom, Melanija Knavs, en Melania Knauss, qui sonne  » plus autrichien « . A Vienne, pourtant, cela ne lui servira guère. Elle passe quelques castings, sans trop de succès.  » Lorsqu’il l’a reçue, Wolfgang Schwarz, responsable de l’agence américaine Elite de Vienne, a tout de suite vu qu’elle ne serait jamais top-modèle, relate Igor Omerza. Elle marchait très bien sur scène, mais il lui manquait une énergie intérieure, une force dans le regard.  »

... Mario Ivartnik, son ancien prof de maths...
… Mario Ivartnik, son ancien prof de maths…© MATIC ZORMAN

De fait, elle ne parviendra pas à percer. Après un passage par Milan et Paris, elle part en 1995 pour New York. Elle s’installe dans une des tours Zeckendorf, à Manhattan. Comment la jeune Melania Knauss est-elle passée d’une cité de Ljubljana à un appartement cossu, à deux pas de Park Avenue ? Même ses biographes n’ont pu lever le voile sur cette époque de sa vie. La  » beauté au regard marine « , comme elle se décrivait elle-même sur son site Internet (aujourd’hui fermé), fait la Une de plusieurs journaux, pose nue pour le magazine français Max et prête son visage à une célèbre marque de cigarettes. Trois ans plus tard, elle rencontre Donald Trump dans un club new-yorkais, le Kit Kat. Mais il se murmure qu’ils se sont connus quelques années plus tôt.

... Srecko Ocvirk, le maire de Sevnica, qui rêvait d'une visite de Mme Trump...
… Srecko Ocvirk, le maire de Sevnica, qui rêvait d’une visite de Mme Trump…© MATIC ZORMAN

En 2002, elle viendra en Slovénie avec son futur mari, le temps d’un déjeuner avec ses parents. La rencontre a lieu sur le lac de Bled, un lieu idyllique.  » Cet endroit est-il à vendre ?  » demandera simplement Donald Trump, avant de repartir pour l’aéroport. Il aura passé trois heures sur le sol slovène.

Et depuis ? Rien.  » Je ne retournerai jamais à Sevnica « , aurait-elle confié à Jure, son ancien boyfriend, lorsqu’il est venu la voir à New York, en 2006. Quinze ans après leur précédente rencontre, elle s’exprime spontanément… en anglais.  » Personne ne l’entend jamais parler slovène, soutient Igor Omerza. A plusieurs hommes d’affaires slovènes qui ont eu l’occasion de la croiser, elle a répondu : « In english, please. »  » Dans un pays qui n’a cessé d’être envahi (république de Venise, Habsbourg, Allemands), le sujet est très sensible. Parfois, pourtant, Melania se laisse aller. En 2006, Natasa Pinoza, un mannequin slovène, participe à Los Angeles au concours de Miss Univers, une compétition alors organisée par… Donald Trump.  » J’étais sur scène, Melania est venue me saluer en slovène, raconte-t-elle. A côté d’elle, Donald était aux anges, il m’a confié qu’il adorait entendre sa femme parler dans sa langue natale.  »

A Sevnica, dans la pâtisserie où l'on prépare le
A Sevnica, dans la pâtisserie où l’on prépare le  » gâteau Melanija « , créé le lendemain de l’élection.© MATIC ZORMAN

Sévères à son égard, les médias slovènes lui reprochent surtout de ne pas s’impliquer pour son pays natal. La visite d’une délégation d’hommes d’affaires à Washington, au début de 2017 ? Un fiasco. Le souhait du président slovène d’organiser un sommet entre Trump et Poutine, comme son prédécesseur l’avait fait en 2001, entre Bush et Poutine ? Resté lettre morte. Le différend frontalier avec la Croatie ? Les Américains ont discrètement pesé en faveur de… la Croatie. Et quand Melania essaie de faire nommer Kelly Roberts, une femme d’affaires californienne, au poste d’ambassadeur à Ljubljana, elle échoue.

A Ljubljana, on en bouderait presque  » l’enfant du pays « . Signe qui ne trompe pas : son premier petit ami a voulu vendre la Vespa sur laquelle il se baladait, à l’époque, avec la belle Melanija. Aux dernières nouvelles, il n’a toujours pas trouvé d’acquéreur.

Par Charles Haquet.

Jusqu’au bout de l’humiliation

Rien ne sera épargné à Melania Trump. Le 13 février dernier, l’avocat de son mari déclarait avoir versé 130 000 dollars à l’actrice porno Stormy Daniels pour qu’elle ne révèle pas leur ancienne liaison (2006). Trois jours plus tard, le New Yorker affirmait que le patron du National Enquirer – un ami du président – avait acheté pour 150 000 dollars le silence d’une ex-playmate, Karen McDougal. Son but : éviter qu’elle ne divulgue sa love affair avec Donald Trump datant de… 2006. Soit quelques mois après la naissance de leur fils, Barron. La première dame a, toutefois, un motif de consolation. Selon un sondage, elle est aux yeux des Américains la plus populaire du clan Trump…

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