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Sur les quais du Canal Saint-Denis, le plus grand camp de migrants de Paris (en images)

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Un camp d’une centaine de tentes a été dressé en dessous du périphérique qui surplombe le canal Saint-Denis, près de la Porte de la Villette, dans le nord-est de Paris. C’est là que vivent quelque 1600 personnes, faisant de cet enchevêtrement de tentes igloo l’un des plus grands camps de fortune de migrants de la capitale. Dans un secteur dit « du bout du monde » aux confins de Paris et d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) entre périphérique, canal, zone industrielle et nouveaux immeubles, l’alignement de tentes n’a cessé de grossir sur les quais, en partie à cause de la fermeture d’un centre d’accueil (Chapelle) début avril. Le début de leur rassemblement remonte à la fin 2017. En février, ils étaient 300, 1400 à la fin mars.

Les hommes et femmes qui y vivent – elles sont en minorité – viennent du Soudan ou d’Érythrée où ils ont fui violence et dictature, selon les associations qui les aident, mais aussi d’Afghanistan ou d’Irak. Certains se sont repliés là en attendant le moment propice pour traverser la Manche et atteindre la Grande-Bretagne. D’autres viennent de la  » jungle de Calais  » démantelée il y a 18 mois et qui abritait plus de 8000 personnes. L’endroit serait devenu un point de transit, selon un responsable de Médecin du Monde, « où les trafiquants y déposent les réfugiés ».

Un seul point d’eau

Les migrants n’ont qu’un accès limité à des sanitaires. Il n’existe qu’un seul point d’eau, mois d’une douzaine de toilettes temporaires et aucune douche. Les conditions sanitaires sont qualifiées de « catastrophiques », des maladies respiratoires et de peau sont fréquentes chez ces migrants forcés de dormir à même le sol et dans la pluie. La plupart d’entre eux ont besoin de support psychologique après avoir quitté leur pays en prise à la guerre. Souvent, les associations leur fournissent aussi une aide juridique pour résoudre leurs problèmes administratifs.

Des riverains font état d’un climat incertain avec des passeurs qui viennent aborder les migrants sur le quai, des problèmes de drogue, de prostitution, des bagarres intercommunautaires… En début de semaine, autre fait tragique, deux migrants ont été retrouvés morts noyés en moins de 48h à Paris, l’un dans le canal Saint-Martin, l’autre dans le Canal Saint-Denis, un jeune Afghan et un homme probablement d’origine somalienne.

« Un déni des droits fondamentaux »

Jacques Toubon, défenseur des droits de l’homme a estimé que les conditions dans lesquelles vivaient ces personnes relevaient d’un « déni inacceptable des droits fondamentaux ». François Dagnaud, le maire socialiste du 19ème arrondissement de Paris, a alerté d’un « désastre humanitaire », alors que la maire de Paris, Anne Hidalgo fait constamment appel au gouvernement ces dernières semaine pour loger ces migrants et résoudre cette situation « inhumaine ». En vain, la situation ne semble pas se débloquer.

Une partie des femmes et des enfants présents dans ce camp ont trouvé un logement d’urgence à Paris mais les autorités politiques locales demandent au gouvernement de reloger toutes les personnes du camp ainsi que celles de deux autres camps de fortune dressés dans d’autres endroits de la capitale.

Des maraudes opérées par l’association France Terre d’Asile vont chercher les migrants dans la rue pour les emmener vers les centres d’accueil. Les migrants se montrent parfois méfiants et réticents à se laisser prendre en charge, car ils craignent que la préfecture ne les renvoie vers le pays qui a permis leur entrée en Europe et où ils ont déposé une première demande d’asile, comme le prévoient les accords de Dublin. Ils sont en effet majoritaires dans le camp du Canal Saint-Denis et ne souhaitent pas être de nouveau enregistrés, de peur d’être renvoyés en Italie, où ils ont déposé leurs empreintes.

Le mois passé, le camp devait être évacué par la police. Ce camp de fortune fait partie d’un cercle vicieux à Paris depuis ces 3 dernières années. Des camps de migrants ont tour à tour été délogés par la police, se reformant à chaque fois dans un autre endroit de la capitale française. Plus d’une trentaine d’évacuations ont été diligentées en 2015.

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