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« Son nom se murmure avec peur « : Rome a un nouveau « roi » de la mafia

Les Romains se sont découvert mercredi avec effarement un « roi » supplémentaire, Massimo Carminati, passé par les groupuscules d’extrême droite et la grande criminalité, et soupçonné d’avoir dirigé un vaste réseau mafieux impliquant des responsables politiques de tous bords.

Une centaine d’entrepreneurs et de responsables politiques romains, dont l’ex-maire Gianni Alemanno (droite, 2008-2013) sont visés par l’enquête, qui a conduit mardi à l’arrestation de Massimo Carminati et de 36 autres personnes. Les enregistrements diffusés depuis par la police révèlent le sentiment de puissance de cet homme de 56 ans, borgne depuis un échange de feu avec la police alors qu’il tentait de fuir en Suisse en 1981.

« C’est la théorie du monde du milieu », explique-t-il à son bras droit dans une conversation enregistrée en décembre 2012 par les carabiniers. « Il y a les vivants au-dessus et les morts en-dessous. Et nous sommes au milieu, dans ce monde du milieu où tout le monde se rencontre ». Ce « monde du milieu » est soupçonné d’avoir mis sur pied un vaste système de corruption permettant de fausser de nombreux appels d’offres et de bénéficier de fonds publics destinés par exemple à des centres d’accueil pour réfugiés. « Tu as une idée, toi, de combien je gagne sur les immigrés ? Le trafic de drogue rapporte moins », se vante ainsi le bras droit présumé de Carminati, Salvatore Buzzi, dans une conversation téléphonique. Depuis leur arrestation mardi, les deux hommes gardent cependant le silence, selon l’agence Ansa. Les révélations sur l’ampleur de ce réseau ont choqué la presse italienne. « C’est l’instantané d’une ville contaminée jusqu’aux sommets politico-administratifs », a dénoncé le Corriere dans son éditorial intitulé « Mains (sales) sur la capitale », tandis que le Messaggero compare Rome à un nouveau « Gotham City ». Cette enquête révèle « une situation répugnante, terrifiante, qui va au-delà des hypothèses les plus sombres », ont dénoncé les associations de consommateurs Adusbef et Federconsumatori, évoquant dans un communiqué commun « une urgence démocratique ». Des députés du mouvement anti-partis « Cinque Stelle » ont rencontré mercredi le préfet de Rome pour demander que la mairie de la capitale soit « dissoute ». Le parquet a annoncé que l’enquête portait aussi sur les autorités régionales du Lazio (région de Rome).

L’actuel maire de Rome, Ignazio Marino (gauche) s’est engagé mercredi à travailler avec « les citoyens honnêtes » pour changer la ville. Carminati, surnommé le pirate, était pourtant bien connu des services de police, et plusieurs repentis de la mafia l’avaient déjà accusé de nombreux meurtres, mais il a su rester discret. Ancien des Noyaux armés révolutionnaires (NAR), un groupuscule terroriste d’extrême droite qui a mené plusieurs attaques à la fin des années 1970, il a ensuite fait ses preuves au sein de la bande de la Magliana, un groupe criminel romain qui a fait régner la terreur dans la capitale jusqu’au début des années 1980.

« Son nom est murmuré avec peur à travers » la ville, a raconté l’expert de la mafia Lirio Abbate à l’Expresso. « Il a survécu après avoir reçu une balle dans la tête, qui lui a valu une réputation d’immortel. Alors ils ont tous peur de lui, et c’est grâce à cette peur que Massimo Carminati est considéré comme le dernier roi de Rome ». Une anecdote rapportée par le Corriere della Serra illustre l’ampleur de son influence. Quand l’un de ses hommes n’a pas pu avoir accès à Antonio Lucarelli, chef de cabinet de M. Alemanno, « le pirate » a pris l’affaire en main, et M. Lucarelli est lui-même descendu dans la rue pour aller à la rencontre de son homme de main devant la mairie. Il gardait pourtant un train de vie modeste, délaissant les belles voitures ou les vêtements de coupe, selon la Stampa. Mais il aime les objets de luxe, et l’art contemporain. Mardi, les carabiniers ont saisi des biens pour une valeur de 200 millions d’euros dans leur opération. Selon la Stampa, il s’agissait essentiellement d’oeuvres d’Andy Warhol et de Jackson Pollock achetées par « le pirate ».

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