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Slovénie : le centre gauche évince du gouvernement le centre droit

Le Vif

Le pouvoir a changé de mains mercredi soir en Slovénie, le centre gauche ayant évincé le Premier ministre conservateur, Janez Jansa, personnellement mis en cause pour corruption, avec le vote au Parlement d’une motion de défiance.

Ce changement de cap politique permet aussi pour la première fois de l’histoire de la Slovénie à une femme de devenir Premier ministre, Alenka Bratusek, âgée de 42 ans, du parti de centre gauche Slovénie Positive.

La motion de défiance, soutenue par deux anciens partenaires de la coalition gouvernementale de centre droit, a recueilli 55 voix sur 89 des 90 députés présents, 33 ayant voté contre et un s’étant abstenu.

Cet échec de Janez Jansa survient à un moment où l’ex-élève modèle de la classe des anciens pays communistes ayant adhéré à l’Union européenne (UE) est confronté à la plus grave crise politique, économique et sociale depuis son indépendance en 1991, après l’effondrement de la Yougoslavie communiste.

Janez Jansa, âgé de 54 ans, qui avait perdu le soutien de trois des cinq partis de la coalition gouvernementale, ne pouvait plus réellement gouverner et a donc été contraint de jeter l’éponge, à peine plus d’un an après sa désignation, à l’issue des élections législatives anticipées de décembre 2011, marquées par la déroute du Parti social-démocrate alors au pouvoir.

Depuis janvier, successivement, la Liste citoyenne (DL, centre droit), le Parti des retraités (DeSUS) et le petit Parti populaire slovène (SLS) ont rompu avec Janez Jansa, mis en cause par la Commission nationale de lutte contre la corruption pour des irrégularités dans la déclaration au fisc de son patrimoine, ce que le chef du gouvernement dément.

En dépit du fait qu’il était déjà accusé de corruption dans un procès en cours pour un important contrat d’armement portant sur des chars finlandais Patria et signé au cours de son précédent mandat de chef du gouvernement (2004-2008), il refusait obstinément de démissionner.

En conséquence, le principal parti de l’opposition, Slovénie Positive (centre gauche), a déposé une motion de défiance, pour laquelle il a reçu le soutien de l’autre grande formation de l’opposition, le Parti social-démocrate, auquel appartient le chef de l’Etat, Borut Pahor.

La Liste citoyenne et le Parti des retraités avaient publiquement annoncé qu’ils voteraient la motion de défiance et trois députés du Parti populaire l’ont également soutenue.

C’est Alenka Bratusek plutôt novice en politique mais spécialiste des questions budgétaires en tant qu’ancien haut-fonctionnaire au ministère des Finances, qui a la délicate tâche de former un gouvernement susceptible d’être investi au Parlement et cela d’ici au 14 mars.

En cas d’échec, la voie sera ouverte à des élections législatives anticipées. Elle a indiqué qu’au bout d’un an de gouvernement, elle poserait la question de confiance devant le Parlement.

Aussitôt après avoir prêté serment et avoir été félicitée par Janez Jansa, Alenka Bratusek a dit sa volonté de « rassembler et a « tendu la main à tous », affirmant que « telle est la volonté des citoyens ».

Très récemment devenue présidente de Slovénie Positive, elle y a succédé à sa figure de proue, le maire de Ljubljana, Zoran Jankovic, qui avait dû renoncer à la direction de son parti car également accusé de corruption.

Dans le débat au Parlement, Alenka Bratusek a annoncé qu’il fallait « stimuler le développement économique et revenir à la croissance ». « Nous stabiliserons les finances publiques et nous nous mettrons d’accord avec les partenaires sociaux pour les nécessaires baisses de salaires et la hausse très provisoire de certains impôts », a-t-elle indiqué.

Elle a également précisé que son gouvernement ratifierait l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne.

Pour le politologue Vlado Miheljak, professeur à l’Université de Ljubljana, interrogé par l’AFP, « il sera difficile pour Alenka Bratusek de former un gouvernement compte tenu des réticences de la Liste civile et du Parti populaire slovène », mais « c’est la seule voie pour sortir de la crise » et « peut-être que nombre de députés de ces deux partis n’ont pas envie d’affronter le verdict des urnes ».

La crise politique en cours intervient à un moment délicat pour ce petit pays de deux millions d’habitants, membre de la zone euro depuis 2007, très dépendant des exportations, et qui devrait rester en récession en 2013 cependant que son secteur bancaire, lourdement endetté, est au bord de l’implosion. Cette situation fait de la Slovénie un candidat potentiel à une aide financière d’urgence de l’Union européenne, après l’Irlande, la Grèce, le Portugal et l’Espagne.

Et le futur gouvernement devra aussi compter avec un mouvement civique de grande ampleur, mobilisant dans la rue des dizaines de milliers de personnes, protestant tant contre l’impopulaire politique d’austérité de Janez Jansa que contre « la corruption de la classe politique » en général.

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