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Sierra Leone: Charles Taylor déclaré coupable

L’ancien président du Liberia Charles Taylor comparaissait devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, à La Haye. Il était notamment accusé de crimes contre l’humanité, en raison de son soutien aux rebelles sierra-léonais entre 1996 et 2002.

Déclaré coupable. Le verdict est tombé ce jeudi lors du procès de l’ancien président du Liberia (1997-2003) Charles Taylor, selon différents médias sur place, dont The Guardian. Il était poursuivi pour avoir créé et mis en oeuvre une campagne de terreur visant à obtenir le contrôle de la Sierra Leone, dans le but d’exploiter ses diamants, lors d’une guerre civile ayant fait 120 000 morts entre 1991 et 2001.

Les troupes de Charles Taylor avaient combattu aux côtés des rebelles sierra-léonais du Front révolutionnaire uni (RUF), que l’ex-président dirigeait en sous-main en leur fournissant armes et munitions en échange de diamants, selon l’accusation. L’accusation s’appuyait notamment sur le fait que les « tactiques » des rebelles ressemblaient beaucoup à celui utilisé par la rébellion du Front national patriotique du Liberia (NPFL) de Charles Taylor. Parmi ces « tactiques », l’enrôlement d’enfants-soldats, souvent drogués, pour livrer une campagne de terreur contre les civils, mêlant massacres, viols, mutilations, tortures et cannibalisme.

Le juge du Tribunal spécial pour la Sierra Leone a conclu ce jeudi que l’ancien président libérien était coupable d’avoir « aidé et soutenu » des crimes de guerre commis dans ce pays. Son « assistance pratique, ses encouragements et son soutien moral » aux RUF ont eu un « effet substantiel » sur leurs actions, selon le juge pour qui Charles Taylor ne pouvait ignorer leurs crimes.

D’où vient Charles Taylor?

Charles Ghankay Dahkpannah Taylor est né en 1948 dans une banlieue aisée de Monrovia d’un père et d’une mère d’origine afro-américaine appartenant à l’ethnie des Gios qui a dirigé le Liberia de 1822, date de la fondation du pays, à 1980. Homme d’origine bourgeoise, il connaît d’abord l’université américaine et sort diplômé d’économie du Bentley College (Massachusetts).
De retour au Liberia, il entre en 1979 dans la fonction publique où il est surnommé « superglue » pour sa tendance à s’accaparer les deniers publics. Accusé en 1983 du détournement de 900 000 dollars, il se réfugie aux Etats-Unis où il est emprisonné avant de s’évader et de fuir en Côte d’Ivoire, puis en Libye où il passe par des camps d’entraînement. Il reviendra plus tard, de nouveau, au Liberia…

Une guerre civile atroce au Liberia… et l’embrasement de la Sierra Leone

Six ans plus tard, dans la nuit de Noël 1989, la rébellion du Front national patriotique du Liberia (NPFL) de Charles Taylor a été le déclencheur d’une des plus atroces guerres civiles du continent africain. Elle aura duré 14 ans, faisant 250 000 morts et 2,5 millions de déplacés. Deux ans après le début du conflit au Liberia, la Sierra Leone s’embrase à son tour, subissant les exactions des rebelles sierra-léonais du Front Révolutionnaire uni (RUF), formés, armés et financés par le NPFL.

La présidence puis l’exil

En 1997, après un accord de paix signé sous les auspices de la communauté internationale, les Libériens élisent à la présidence ce chef de guerre devenu le principal homme fort du pays lors d’un scrutin paradoxalement considéré comme assez démocratique. Après la rébellion des Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (Lurd), Charles Taylor quitte le pays le 11 août 2003 pour un exil doré au Nigeria. En mars 2006, il est finalement arrêté et transféré à La Haye pour y être jugé pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

Pour quels faits la justice internationale le poursuivait-elle exactement?

C’est au Liberia que Charles Taylor a généralisé l’enrôlement d’enfants-soldats, souvent drogués, pour livrer une campagne de terreur contre les civils, mêlant massacres, viols, mutilations, tortures et cannibalisme. Mais c’est pour les exactions commises en Sierra Leone qu’il est jugé.

Les rebelles du RUF y appliquaient les même « tactiques » de guerre, les mêmes scénarios macabres mis en scène par des « généraux » parfois âgés de moins de 15 ans, signant leurs forfaits de crânes et entrailles plantés sur des piques. La preuve selon l’accusation de ce lien avec Charles Taylor. Par ailleurs, il les aurait dirigés en sous-main en leur échangeant armes et munitions contre diamants.

Quels étaient les chefs d’accusation?

Charles Taylor doit répondre de onze chefs d’accusation de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, dont meurtre, violences sexuelles et pillage, commis entre novembre 1996 et janvier 2002. Son procès, délocalisé de Freetown, la capitale sierra-léonaise, vers La Haye pour raison de sécurité, s’est tenu de juin 2007 à mars 2011 devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone. L’accusé plaide non coupable. Huit accusés, reconnus coupables par le TSSL de crimes contre l’humanité et crimes de guerre en Sierra Leone, ont déjà été condamnés à Freetown à des peines allant de 15 à 52 ans de prison.

Un verdict au goût amer pour le Liberia

Le verdict pour les faits commis en Sierra Leone, n’effacera pas l’amertume des Libériens de voir leur ancien président rester impuni pour les atrocités commises dans son propre pays.
Le slogan électoral de l’ancien chef de guerre « Il a tué mon père, il a tué ma mère mais je vais voter pour Charles Taylor » continue de faire écho dans un pays traumatisé par l’une des guerres les plus horribles qu’ait connue le continent africain. Contrairement à la Sierra Leone, le Liberia n’a rien fait à ce jour pour traduire ses coupables. En 2009, un rapport de la Commission Vérité et Réconciliation avait fait controverse avant d’être rangé au placard.

LeVif.be avec L’Express

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