« Si Trump ne l’emporte pas haut la main au New Hampshire, il aura un problème »

L’absence de chef de file avéré chez les démocrates et les républicains pose-t-elle problème? Quid de Donald Trump ? Les républicains miseront-ils tout sur Marco Rubio ? Et qui est le gagnant moral? Hillary Clinton ou Bernie Sanders? Quatre questions à Rudi Rotthier, notre correspondant dans l’Iowa.

Le conservateur républicain Ted Cruz a remporté les premières primaires des élections présidentielles américaines. Il a battu le magnat de l’immobilier Donald Trump, qui a du mal à laisser Marco Rubio derrière lui. Du côté des démocrates, Hillary Clinton devance très légèrement Bernie Sanders (94% des résultats sont comptés).

L’absence de chef de file avéré chez les démocrates et les républicains pose-t-elle problème?

Je ne pense pas. Ce serait grave si tout était joué après le premier état. En fait, malgré les événements frappants de la soirée, rien n’est encore décidé. Ted Cruz a gagné, c’est bien pour lui, mais c’était à peu près son meilleur état, même meilleur que le Texas, son état natal. Nulle part, les républicains ne sont aussi blancs et chrétiens que dans l’Iowa.

Et Hillary Clinton, si elle a gagné, ne peut certainement pas prétendre de l’avoir emporté haut la main.

L’establishment républicain se rassemblera-t-il autour de Marco Rubio?

L’establishment souhaite absolument se rassembler autour de Marco Rubio. Les grands bailleurs de fonds attendent un candidat classique qui compte de nombreux partisans.

Rubio peut le devenir, mais alors il faut qu’il passe au New Hampshire la semaine prochaine où les autres candidats « modérés » ont beaucoup plus mené campagne que lui. John Kasich, Jeb Bush, Chris Christie. Ils sont quelques-uns à osciller autour des 10% dans les sondages. Parfois, le New Hampshire aime rabaisser le caquet à ceux de l’Iowa – le plus grand quotidien conservateur soutient John Kasich. La situation peut encore devenir captivante. Il y a au New Hampshire un certain ressentiment parce Rubio s’est rarement montré dans cet état. Aux meetings, on voyait des banderoles : « Où est Marco ? » En résumé: l’establishment souhaite l’élection de Rubio, il le veut certainement lui-même, mais il reste à voir s’il sera ce candidat. N’oubliez pas que beaucoup de gens ont l’air de penser que Rubio a des cadavres dans le placard.

Que signifient ces résultats pour Trump? Son image de gagnant a-t-elle pris un coup ?

Je pense que le discours de Trump en disait long. Depuis des mois, il dénie tous ceux qui perdent, et raconte qu’avec lui l’Amérique gagnera tellement qu’elle en aura assez de gagner. Alors, on ne s’attend pas une défaite. Dans les états suivants, il caracole en tête des sondages. Mais s’il ne l’emporte pas haut la main au New Hampshire, il aura un problème.

Qui est le gagnant moral parmi les démocrates?

Je pense que Bernie Sanders est le gagnant moral, mais reste à savoir ce que cela lui apporte. Une véritable victoire aurait pu le lancer. Et après le New Hampshire, où selon les sondages il devrait gagner, il aurait eu besoin de cet élan pour obtenir un bon résultat dans les états plus difficiles.

Après ce match nul, il a tenté de tenir un discours enflammé, mais les problèmes techniques l’ont retardé, et qui sait combien d’électeurs l’ont écouté ?

Il possède beaucoup d’argent, et bénéficie d’un soutien croissant d’activistes noirs – ce qui pour l’instant ne lui rapporte pas encore d’électeurs noirs. En revanche, il est contredit par tout le monde, par les républicains, mais aussi par le New York Times et The Washington Post, et dans une certaine mesure par les syndicats. Dans l’Iowa, il avait espéré un miracle à la Obama, mais celui-ci n’a pas eu lieu. À ce niveau-là, il y a une différence entre eux. Barack Obama faisait rêver avec des choses qui ne semblaient pas exiger de révolution. Sanders souhaite bouleverser les conditions de base pour réformer le pays. Une mince victoire ne suffira pas.