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Sécurité militaire autour d’Inferno, le nouveau Dan Brown

Le Vif

La sortie mondiale d’Inferno, le nouvel opus de l’auteur de Da Vinci Code, a été préparée dans le plus grand secret et entourée de mesures de sécurité quasi militaires. Débriefing d’une action commando.

Un texte mystérieux, des intermédiaires tenus au secret absolu, des clés USB ultrasécurisées, un bunker, des coffres-forts, des tapuscrits manipulés comme de la nitroglycérine, des vigiles, parfois armés, omniprésents… Non, ce n’est pas le scénario du prochain James Bond, mais celui du lancement, bien réel, du nouveau thriller de Dan Brown (48 ans), Inferno, « le livre le plus attendu du monde », selon un magazine italien.

Et pour cause. L’Américain est l’un des romanciers les plus lus sur la planète, avec, selon son site officiel, 200 millions d’exemplaires de livres vendus dans une cinquantaine de pays, dont 52 millions pour le seul Da Vinci Code. D’où l’intérêt d’entretenir le suspense autour d’Inferno et de ne rien laisser filtrer de son contenu. Seuls indices : le Pr Robert Langdon tiendrait à nouveau la vedette et l’intrigue se déroulerait en Italie.

C’est justement à Milan qu’une dizaine de traducteurs étrangers sont confinés, du 18 février au 5 avril, dans un véritable camp retranché. Italiens, Allemands, Brésiliens, Français, Espagnols – souvent deux ou trois personnes par langue, ainsi qu’une Catalane -, ils le baptisent aussitôt « le bunker » : cet espace d’environ 200 mètres carrés a été discrètement aménagé au sous-sol du siège de la multinationale Mondadori (l’éditeur de Dan Brown en Italie), immense bâtiment conçu par Oscar Niemeyer, en périphérie de la ville. « Un véritable no man’s land, nous étions coupés du monde », témoigne le très affable Dominique Defert, 52 ans. Il avait déjà traduit en français les deux derniers romans de Dan Brown, mais à son rythme, certes soutenu, et chez lui. Rien à voir avec Inferno et ses contraintes… infernales. Primo, pas question de révéler aux proches le motif de sa réclusion milanaise. Secundo, interdiction absolue d’entrer en contact avec les 400 employés de l’immeuble. Tertio, obligation de faire scanner chaque jour un badge spécial à la guérite tenue par un garde armé de Mondadori, puis de pointer à l’entrée du « bunker » et de se défaire de son téléphone portable auprès des deux vigiles – quatre types au total, « très sympathiques », à se relayer jour et nuit. Seuls individus habilités à sortir des coffres-forts les copies de ce roman aussi protégé qu’un document classé « secret défense », ils notent les moindres allées et venues de leurs « prisonniers » : pause cigarette, sortie aux toilettes, distantes de plusieurs centaines de mètres…

Les ordinateurs sont entièrement nettoyés, au début et à la fin de la traduction. Chaque soir, les textes sont mis en réseau sur un système indépendant. « Le dernier jour, la traduction a été adressée, via une clé USB codée, à une personne référente, dans chaque maison d’édition », précise Dominique Defert, qui a trimé non stop, sept jours sur sept, de 10 à 23 heures, conduit en navette spéciale de son hôtel, comme ses collègues. Le plus pénible ? « L’interdiction d’avoir un accès individuel à Internet. Nous devions nous partager quatre terminaux, centralisés au milieu de la pièce, et noter sur un papier l’objet de nos recherches. » Toujours sous le contrôle des vigiles.

Sept jours sur sept à la tâche, de 10 à 23 heures

Aux yeux de Michèle Kanonidis, agent de l’auteur du Symbole perdu en France, ces mesures sont parfaitement justifiées. « Dan Brown voulait faire plaisir à ses éditeurs étrangers en leur permettant, pour la première fois, une parution simultanée dans une quinzaine de pays. Avec autant d’individus dans le secret, il fallait employer les grands moyens afin d’éviter toute fuite. N’importe quel hacker pouvant pirater le système le plus sophistiqué, il était exclu que le texte transite par la Toile. » Résultat, tous les intervenants, du patron à la correctrice, de l’imprimeur au distributeur, ont dû signer des contrats tatillons à l’extrême et d’innombrables clauses de confidentialité. « A la moindre incartade, nous aurions été passibles d’une amende de plusieurs millions d’euros, indique Dominique Defert. En revanche, si notre traduction était égarée par l’éditeur ou les agents, notre dédommagement aurait atteint généreusement les 1 000 euros ! »

Le prix d’Inferno : un chèque « à six zéros »

Les méthodes anglo-saxonnes céderaient-elles à la paranoïa ? Pas du tout, selon l’éditrice Isabelle Laffont. « Il faut bien comprendre qu’entre le risque de piratage et celui de voir fleurir aussitôt des copycats, tous ces romans calqués sur ceux de Dan Brown, ainsi que toutes sortes d’exégèses sur le Vatican ou sur les francs-maçons, des mesures de sécurité s’imposent. » En outre, pas question de mégoter avec le retour sur investissement. La directrice de JC Lattès, qui avait acheté les droits de Da Vinci Code pour la modique somme de 30 000 dollars il y a dix ans, reconnaît qu’Inferno lui a coûté beaucoup plus cher : un chèque « à six zéros ». Sans compter tous les frais liés aux conditions exceptionnelles de la traduction – Carole Delporte est venue prêter main-forte à Dominique Defert, et même la chef de fabrication, Anne Pidoux, a dû faire le déplacement à Milan pour les premières corrections. Mais le jeu en vaut la chandelle et Lattès a décidé d’un premier tirage de 600 000 exemplaires. De fait, à en juger par les précommandes sur Amazon et à la Fnac, notamment, Inferno pourrait atteindre des ventes… paradisiaques !

DELPHINE PERAS

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