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Sarkozy, déjà le retour ?

Nicolas Sarkozy revient sur l’avant-scène politique en s’entretenant mardi avec le président du Conseil national syrien. Un moyen de critiquer l’action de François Hollande dans ce dossier et de replonger vers la lumière des projecteurs.

Trois mois, pas plus. Nicolas Sarkozy aura tenu un trimestre avant de revenir en politique. Mardi 7 Août, l’ancien président français et Abdel Basset Sayda, président du Conseil National Syrien (CNS), ont publié un communiqué commun. Ils y détaillent « la complète convergence de leurs analyses sur la gravité de la crise syrienne et sur la nécessité d’une action rapide de la communauté internationale pour éviter des massacres ». La manoeuvre est surprenante. C’est la première prise de parole de l’ancien chef d’État depuis sa défaite à la présidentielle. Ce communiqué n’a donc rien d’anodin. Mais pourquoi maintenant? D’abord parce que l’offensive d’Alep occupe les médias depuis plusieurs jours. Ensuite parce que l’été éloigne fatalement les politiques de Paris, et que pour critiquer en creux l’inaction de François Hollande, il est préférable de l’attaquer alors qu’il se trouve les pieds dans l’eau à Brégançon. Enfin, parce que ce communiqué vient clore une offensive contre François Hollande, dont on peut penser qu’elle est concertée. Premier étage de la fusée: fin juillet. Une indiscrétion fuite dans Le Parisien: Nicolas Sarkozy critique vertement la gestion du dossier syrien par son successeur et rappelle le volontarisme dont lui-même avait fait preuve pour résoudre la crise libyenne lorsqu’il était président. Des propos démentis mollement par son attachée de presse.

Début août, c’est au tour de Bernard-Henri Lévy de dire toute sa déception quant à la gestion du dossier syrien par le nouveau président. Au Parisien, il dit être « déçu » par « l’attentisme » de François Hollande. En parallèle, plusieurs cadres de l’UMP ont rédigé des communiqués sur le même ton. Le 22 juillet, Rachida Dati critique des propos tenus par Laurent Fabius. Le ministre des Affaires Etrangères avait demandé aux rebelles syriens de s’organiser en gouvernement. Peu après, Thierry Mariani, ancien ministre des Transports, en rajoutait une couche. Selon lui, le président français ne ferait que « verser des larmes » et multiplierait les « déclarations compassionnelles », sans passer aux actes. En guise de conclusion, le député UMP accusait implicitement François Hollande de ne pas faire le maximum pour convaincre la Russie et la Chine de voter une résolution plus contraignante. Tout est donc permis pour déstabiliser le nouveau pouvoir socialiste, y compris mettre en place une diplomatie parallèle. Culotté de la part de l’UMP, qui avait critiqué François Hollande exactement sur cet air pendant la campagne présidentielle. A huit jours du premier tour, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé condamnaient en choeur le voyage de Michel Vauzelle, président PS de la région PACA, au Mexique, et envoyé par le candidat pour restaurer les liens entre Paris et Mexico.

Pour Fabius, l’attitude de Sarkozy n’est pas digne d’un ancien président

Laurent Fabius donne un coup de patte, pour ne pas dire un coup de griffe, à Nicolas Sarkozy dans un entretien accordé au Parisien. »Je suis étonné que Monsieur Sarkozy souhaite susciter une polémique sur un sujet aussi grave, alors qu’on attendrait autre chose de la part d’un ancien président », affirme-t-il. Alors que l’ex-président a rapproché les crises syrienne et libyenne, le chef de la diplomatie française estime que « sur le fond, la situation de la Syrie est très différente de celle de la Libye ». Le ministre des Affaires étrangères s’interroge sur les raisons de l’intervention de Nicolas Sarkozy dans le débat : « est-ce que c’est (…) pour ne pas se faire oublier? Est-ce que c’est parce qu’il n’a pas que des bons souvenirs avec Bachar al-Assad qu’il avait, avec un sens de l’anticipation particulier, invité en France pour présider les cérémonies du 14 juillet 2008? » Pour Laurent Fabius, « dans des circonstances aussi graves, il vaut mieux faire bloc avec la politique de son pays ».

Nicolas Sarkozy doit-il (déjà) revenir en politique?

Nicolas Sarkozy est-il en train d’amorcer son retour dans le paysage politique? Nicolas Sarkozy est-il toujours une menace pour François Hollande?
Pourquoi il doit revenir : Pendant la campagne présidentielle, les deux adversaires ont montré deux styles complètement opposés. Et pour ses premiers pas, le nouveau président a choisi de se démarquer de son prédécesseur. Alors que ses détracteurs reprochent au socialiste de peiner à imposer ses réformes, les soutiens de Nicolas Sarkozy tiennent un credo: « Moi au moins, j’ai agi. »
D’ailleurs, l’ex-chef de l’État peut compter sur ses fidèles, qui l’attendent toujours. Emmenés par Christian Estrosi et Brice Hortefeux, ils organiseront d’ailleurs une première réunion des « amis de Nicolas Sarkozy » fin août à Nice. L’occasion permettra même de réunir Jean-François Copé et François Fillon, en lice pour la tête de l’UMP. Signe qu’il fait l’unanimité? Sur RTL, le journaliste Jérôme Florin assure que le sarkozysme est de nouveau à la mode. Pourquoi se réclamer de l’héritage de l’ancien président? Pour mieux séduire les militants, qui admirent encore la méthode de Nicolas Sarkozy.
Pourquoi il ne doit pas revenir : en surface, les leaders de l’UMP affichent toujours de la sympathie à l’égard de leur ancien chef. Mais en coulisse, ils cherchent également à éviter qu’il puisse se poser en recours pour 2017. Son retour « commence déjà à faire cauchemarder ceux qui ne sont pas sarkozystes », juge Christophe Barbier. Pas sûr, donc, que la porte lui soit grande ouverte. Autre difficulté: l’ancien président est toujours impopulaire: 57% des Français en ont une image plutôt négative (+1% par rapport à juin), selon l’Observatoire Politique CSA / Les Echos. Pas l’idéal pour se placer en recours.

LeVif.be, Matthieu Alexandre (avec Matthieu Deprieck) et Adrien Sénécat,L’Express


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