© Reuters

Russie unie devrait (encore) dominer la Douma

Le parti de Vladimir Poutine est le favori incontournable des législatives, ce dimanche en Russie. Mais le scrutin pourrait montrer les signes d’une érosion du pouvoir.

Sauf surprise de taille, le parti de Vladimir Poutine devrait conserver sa position dominante à la Douma d’Etat, la chambre basse de Moscou, à l’occasion des élections législatives ce dimanche. Mais la majorité des deux tiers que Russie unie y détient actuellement risque de fondre: il pourrait passer de 315 députés à « seulement » 253, sur les 450 élus que compte la chambre, selon les projections récentes du centre indépendant Levada. Une érosion relative mais inédite.

Le Kremlin avait pourtant demandé aux préfectures de faire en sorte que le score de Russie unie soit de 65%, affirmait récemment le quotidien Vedomosti, suscitant un démenti cinglant de l’exécutif russe. A peine mieux que le score de 2007 (64,3% des voix). Mais largement supérieur aux sondages récents: le centre Levada fixe sa cote de popularité à 56% en novembre, contre 68% en octobre.

Vladimir Poutine sifflé

Le niveau chute beaucoup trop, sans doute, au goût du Premier ministre, pour qui ce scrutin fait aussi office de prélude à l’élection présidentielle du 4 mars 2012. Un reflux électoral serait en effet embarrassant pour le pouvoir à quatre mois de la présidentielle, lors de laquelle Vladimir Poutine a prévu de revenir au Kremlin après la « parenthèse » Dmitri Medvedev.

De récents sondages ont révélé l’infléchissement de la popularité du duo lui-même, après avoir atteint des sommets avant la crise économique de 2008 qui a frappé de plein fouet le pays. Selon le centre Levada, début novembre la cote de Medvedev et Poutine avait baissé en un an d’une vingtaine de points, à respectivement 57 et 61%. La proportion de mécontents a augmenté à peu près d’autant (42 et 38%). Les enquêtes d’opinion montrent aussi des signes de lassitude à l’égard du système mis en place après l’arrivée au pouvoir en 2000 de Vladimir Poutine.

Un incident inédit s’est même produit le 20 novembre dernier. Des spectateurs, apparemment hostiles, ont sifflé Vladimir Poutine! (Voir la vidéo ci-dessous). Ce qui a conforté certains experts dans leur perception d’un frémissement dans la société russe. « L’humeur a changé, Poutine et Russie unie ne sont plus très respectés », affirme le politologue indépendant Dmitri Orechkine.

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Dmitri Medvedev, promis au poste de Premier ministre de son mentor une fois la présidentielle passée, a appelé ce vendredi les électeurs à faire « le bon choix » dans l’isoloir. Un lieu terriblement sensuel, si l’on en croit un clip de campagne de Russie unie (voir la vidéo ci-dessous). Le président sortant n’a d’ailleurs pas jugé utile de prononcer le nom du parti dont il est tête de liste.

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Le Parlement ne doit pas être « déchiré par des contradictions irréconciliables et incapable de décider quoi que ce soit », a averti le président russe dans une adresse à la nation. Son Premier ministre avait tracé les contours de cet argument la semaine dernière, en ces temps de crise économique. « Ce qui se passe chez nos amis européens et nos partenaires américains est le résultat d’une absence de consolidation dans la société, lorsque les principales forces politiques n’arrivent pas à se mettre d’accord », a-t-il dit au cours d’une réunion de son parti.

Soupçons de fraude

Si toutefois, les citoyens russes ne faisaient pas le « bon choix » ce dimanche, le politologue indépendant Dmitri Orechkine n’exclut pas « que soit organisée une fraude massive dans les villes » où la popularité de Russie unie semble la plus faible. Ce soupçon est répandu dans le pays, où le pouvoir est accusé de violer la loi électorale et de recourir à diverses pressions pour s’assurer le vote d’usines entières, d’universités ou de casernes.

Le parti Russie unie réunit nombre d’apparatchiks, responsables locaux ou fédéraux et représentants des milieux d’affaires proches du pouvoir. Autant de voix qui peuvent peser… Celle du gouverneur de Tcheliabinsk (Oural), Mikhaïl Iourevitch, par exemple. « Parlez à vos employés, motivez-les par des primes. Il nous faut 55% minimum », a-t-il lancé le 16 novembre aux élus et entrepreneurs de la ville de Miass. Il conseille aussi d’inciter les habitants des petites localités à voter « à 90% » pour le parti Russie unie. « En échange ils seront raccordés au système de distribution de gaz. »

L’ONG Golos a mis en ligne une vidéo où on entend ses « incitations » et celles d’autres responsables. Le site spécialisé propose aussi une « Carte des fraudes électorales », alimentée par des témoignages d’internautes et réalisée avec le site gazeta.ru. Un rédacteur en chef adjoint du site, qui a réalisé conjointement cette carte, a démissionné à la suite de pressions, tandis que l’accès direct à cette infographie a été supprimé.

Depuis août, 4430 cas d’irrégularités ont ainsi été recensés: le parti au pouvoir aurait enfreint la législation au moins 3000 fois par « recours aux ressources administratives » et « pression sur les électeurs ».

Un exemple: des affiches de Russie unie reprennent trait pour trait celles, officielles, appelant au vote. L’illustration -des silhouettes dans une file d’attente- est la même. Les couleurs, la taille du texte, se rapprochent étrangement. La presse moscovite s’est indignée le mois dernier… Mais aucune mesure n’a été prise.

Une opposition de figuration Enfin, le système électoral sur mesure favorise mécaniquement Russie unie. Un scrutin proportionnel par listes et un seuil fixé à 7% barrent l’entrée de la Douma aux outsiders. Le parti d’opposition libérale Iabloko, crédité de 4% des suffrages, a ainsi peu de chances d’entrer à la chambre basse. Quant au parti d’opposition libérale Parnas, il a été écarté du scrutin dans des circonstances décriées. Ses leaders appellent, comme l’opposition radicale, à boycotter les élections ou à voter nul en maculant son bulletin, en signe de protestation.

Et les autres formations parlementaires autorisées par le Kremlin gardent un rôle figuratif: le Parti communiste (57 sièges) est une formation à l’électorat vieillissant; le parti Libéral-démocrate (nationaliste, 40 sièges) et Russie juste (centre-gauche, 38 sièges) sont souvent considérés comme des faire-valoir du parti au pouvoir. « Le multipartisme en Russie n’est que formel, le Kremlin contrôle tous les partis, aucun ne peut agir de manière indépendante », estime le politologue Stanislav Belkovski, de l’Institut de stratégie nationale.

Cette absence de réelle opposition a transformé la Douma en chambre d’enregistrement. Une « simple » majorité absolue de Russie unie, comme celle qu’elle devrait obtenir ce dimanche, ne serait donc pas handicapante en soi pour le pouvoir, relèvent les analystes. Mais elle constituerait un sérieux avertissement pour le duo Poutine-Mevdedev.

Marie Simon

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