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Russie : quelles mobilisations pour les anti-Poutine ?

Depuis la manifestation géante de samedi à Moscou, le pouvoir de Vladimir Poutine révèle ses premières failles. Certains soutiens s’éloignent même du Premier ministre et appellent à un changement démocratique.

En Russie, les opposants ne désarment pas. Le succès des manifestations de samedi contre les fraudes électorales -de 73 000 à 120 000 personnes ont défilé, selon la presse- incite à battre le fer tant qu’il est chaud.

Ce lundi, une centaine de partisans de Sergueï Oudaltsov et des leaders de l’opposition comme Alexeï Navalny et Garry Kasparov se sont rassemblés devant le tribunal Tverskoï de Moscou pour exprimer leur soutien à l’opposant condamné dimanche à dix jours de prison. Une demande d’autorisation de manifestation pour demander la libération du leader du Front de gauche a été déposée pour le 29 décembre.

En revanche, aucune date précise n’a été déterminée pour la prochaine manifestation unitaire, les opposants indiquant simplement qu’elle aurait lieu après la période des fêtes en Russie (1er au 10 janvier 2012).

Reste que depuis samedi, c’est bien le pouvoir de Vladimir Poutine lui-même qui est désormais contesté. Ebranlé, le régime pourra-t-il éviter de concéder un changement démocratique?

Quelles sont les stratégies à venir pour l’opposition ?
« Et maintenant quoi? », demandait ce lundi le quotidien populaire Moskovski Komsomolets aux manifestants anti-Poutine. Le journal s’interroge sur la stratégie politique que va adopter cette opposition très hétéroclite. Ceux qui manifestent viennent en effet d’horizon très divers, allant de l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par les libéraux, des écrivains et des stars du petit écran. « Mais les organisateurs ne pensent pas à cela malheureusement, au contraire ils insistent sur le caractère apolitique et civique des manifestations », écrit le journal.

Moskovski Komsomolets conseille aux détracteurs de Poutine, dont la popularité est en forte baisse depuis plusieurs mois, de se mettre d’accord pour soutenir un candidat à la présidentielle. « Il est évident que (Poutine) gagnera au second tour. Mais ce ne sera pas une victoire inconditionnelle. Cela forcera les dirigeants à réaliser que la société civile existe », relève le journal.

Les failles du système Poutine
Si le camp Poutine assure qu’il a toujours le soutien de la majorité des Russes, « ses relations avec les élites commencent à changer, il n’est plus un arbitre suprême », estime Nikolaï Petrov, analyste du centre Carnegie de Moscou. Et de spéculer: « A un moment donné, l’élite pourrait décider de le destituer pour prévenir la destruction du système sous la pression de la rue ».

Signe de cette tendance, l’ex-ministre des Finances Alexeï Koudrine, que Poutine considère comme « un ami », est allé manifester samedi et a prôné un dialogue entre le pouvoir et l’opposition pour éviter « une révolution ».

Le principal idéologue de l’ère Poutine, Vladislav Sourkov, chef adjoint de l’administration présidentielle, a lui-même reconnu dans une interview vendredi que la société avait changé de manière radicale. « Les structures tectoniques sociales ont bougé », a-t-il déclaré au quotidien Izvestia, jugeant que le régime devait désormais engager des réformes pour regagner son « autorité morale ».

Poutine peut-il moderniser le régime?
L’immense manifestation à Moscou contre Vladimir Poutine a désacralisé son régime, en place depuis douze ans, si bien qu’à moins de trois mois de la présidentielle, l’homme fort de la Russie va devoir réfléchir à une refonte de son système, estiment des analystes.

« La contestation ne va pas retomber. (Désormais), l’opinion publique ne considère plus le pouvoir en place comme une institution » légitime, estime Evguéni Gontmakher, dirigeant du centre de politique sociale de l’Institut d’économie. « Le pouvoir fait des concessions mais il est en retard, c’est un signe de situation pré-révolutionnaire », poursuit Evguéni Gontmakher.

Le Premier ministre a d’ores et déjà promis une modernisation du système politique dont le président Dmitri Medvedev a annoncé jeudi les grandes lignes. Ces mesures visent à faciliter notamment l’enregistrement des partis politiques et rétablissent l’élection des gouverneurs régionaux, nommés par le Kremlin depuis 2004, et selon des analystes, cela montre que le régime est inquiet.

« Le pouvoir craint que la situation ne dégénère », souligne Alexandre Konovalov, directeur de l’institut des évaluations stratégiques. Même si Poutine pourrait l’emporter en mars 2012, « il ne peut plus enrayer la chute de sa popularité. Après l’élection il devra changer le système politique personnalisé. Je ne pense pas que Poutine en soit capable », souligne Nikolaï Petrov, analyste du centre Carnegie de Moscou.

Selon Evguéni Gontmakher, il lui faut prendre des mesures « extraordinaires pour sortir de cette situation et sauver la face ». « Le pouvoir a une chance, mais elle est petite. Vladimir Poutine ferait mieux de réfléchir à sa stratégie de départ » du pouvoir, conclut-il.

Levif.be, avec Lexpress.fr

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