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Russie : à Sotchi, les forçats des Jeux olympiques d’hiver 2014

Le Vif

Salaires « oubliés », passeports confisqués, journées de travail de douze heures… Des ouvriers du chantier des JO d’hiver de 2014, à Sotchi, en Russie, sont exploités et victimes d’escroqueries, selon un nouveau rapport explosif de Human Rights Watch.

Un village olympique tout confort, un stade spectaculaire de 40 000 places, un hôtel luxueux: à Sotchi, dans le sud-ouest de la Russie, les spectateurs et les journalistes qui assisteront aux XXIIème Jeux olympiques d’hiver, en février 2014, bénéficieront de conditions idéales. Espérons qu’ils auront une pensée pour les 60 000 ouvriers qui bâtissent depuis trois ans ces infrastructures… A lire un nouveau rapport explosif de Human Rights Watch (HRW), une organisation de défense des droits de l’homme, les conditions qui leur sont faites n’ont rien d’idéales.

Sur l’immense chantier de Sotchi, la plupart des quelque 16 000 travailleurs étrangers – originaires d’Arménie, de Serbie, du Tadjikistan ou encore d’Ukraine – gagneraient entre 55 et 80 roubles par heure (de 1,30 euro à 1,90). Leur passeport est confisqué, expliquent les enquêteurs de HRW, et ils travailleraient 12 heures par jour, 7 jours sur 7. Il arrive aussi qu’ils ne soient pas payés du tout : un groupe affecté au chantier du futur centre de presse aurait trimé des mois durant, sans toucher un centime.

Dans l’esprit de leur fondateur, Pierre de Coubertin, les Jeux olympiques de l’ère moderne sont associés, pourtant, à un idéal de paix et d’égalité entre les êtres humains.

La compagnie publique Olympstroy, qui coordonne les projets d’infrastructure, a ordonné aux différents acteurs du site de respecter la législation russe sur le travail. Avec un succès limité, semble-t-il. Car la loi russe limite la semaine de travail à 40h, avec un jour de congès minimum par semaine.

Dans une lettre à HRW, Olympstroy affirme qu’il y a eu 1300 inspections du travail sur les sites de construction quelle gère, entre 2011 et 2012. Seuls des problèmes de sécurité auraient été détéctés. Un mécanisme permet aux travailleurs de faire part de leurs plaintes mais les intéressés n’y ont guère intérêt, bien sûr.

Pour sa part, le Comité International Olympique (CIO) s’est engagé, depuis 2009, à intervenir dans le comité d’organisation des Jeux Olympiques du pays hôte en cas d’abus. Directrice de la division Europe et Asie Centrale d’HRW, Jane Buchanan, auteur du rapport, demande au CIO  » d’appeler publiquement les autorités russes à mettre fin à l’exploitation des travailleurs ».

Selon Jane Buchanan, jointe par L’Express, le CIO ne nie pas les accusations du rapport, mais il ne les confirme pas non plus. Le CIO cherchera certainement des informations complémentaires, ajoute-t-elle.

Si HRW n’a pas eu de difficultés pour mener son enquête, précise Rachel Denber, vice-directrice de la division Europe et Asie Centrale de l’organisation, il était difficile d’interviewer les travailleurs, car certains sites sont surveillés en permanence.

Le coût des investissements publics et privés, liés aux Jeux de Sotchi, serait de 36 milliards d’euros, selon The Moscow Times, soit 25 fois plus que le coût des précédents JO d’hiver, à Vancouver (Canada), et 20% de plus que les JO d’été de Beijing (Chine), en 2008, les plus chers de l’histoire. Dans l’esprit des autorités russes, manifestement,  » l’important était de participer ». Peu probable que les ouvriers étrangers du chantier en disent autant.

Isaure Hiace

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