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Royaume-Uni: le procès des écoutes qui embarrasse David Cameron

Le Vif

Après deux ans d’enquêtes, huit personnes comparaissent ce mercredi dans le procès des écoutes pratiquées par un tabloïd du groupe Murdoch.

C’est le troisième jour du procès des écoutes au Royaume-Uni. Mais c’est véritablement aujourd’hui que la justice va entrer dans le vif du sujet, les deux premiers jours ayant été consacrés à des questions de procédure.

Ce mercredi après-midi, le parquet doit commencer à exposer les charges retenues contre les huit prévenus, dont sept anciens dirigeants ou employés du journal News of the World ou du groupe le chapeautant. Le procès s’annonce politiquement très sensible, trois des accusés ayant des liens d’amitié ou de travail avec le Premier ministre conservateur David Cameron.

Parmi eux, Rebekah Brooks et Andy Coulson, deux anciens rédacteurs en chef du News of the World, le journal à plus gros tirage de la presse britannique jusqu’à sa fermeture en juillet 2011 décrétée par son propriétaire Rupert Murdoch à cause de l’ampleur du scandale des écoutes téléphoniques.

Objectif scoops

Ces deux accusés sont poursuivis pour avoir illégalement mis sur écoute, dans les années 2000, plus de 600 personnes – des stars comme l’acteur Jude Law et des citoyens ordinaires impliqués dans des faits divers – afin de produire régulièrement des scoops. Ils sont également poursuivis pour avoir corrompu des fonctionnaires pour obtenir des informations. Rebekah Brooks, l’ancienne « reine des tabloïds », est aussi poursuivie pour entrave au cours de la justice. Selon l’acte d’accusation, elle aurait notamment emporté des archives compromettantes au moment de la fermeture du journal.

Le procès s’ouvre au terme de deux ans d’enquêtes, au cours desquelles la police a procédé à une centaine d’arrestations. Les huit prévenus, qui plaident non coupable, comparaissent toutefois libres. Ils encourent des peines de prison. Le scandale des écoutes a donné lieu à un vaste déballage sur les pratiques de certains reporters et dirigeants de la presse britannique, la plus puissante en Europe, et mis en lumière ses relations parfois troubles avec le milieu politique et la police.

Le juge appelle les jurés à ignorer les journaux

Au tribunal de l’Old Bailey mardi, le juge John Saunders a mis en garde les jurés contre « le niveau peut-être sans précédent de publicité » entourant le procès « Brooks et autres », suivi par des dizaines de journalistes. « Il est absolument essentiel que vous vous forgiez votre propre opinion, au vu des preuves et des arguments qui vous seront présentés devant le tribunal ».
« Non seulement les prévenus sont en procès, mais la justice britannique l’est aussi », a-t-il lancé.

John Saunders a appelé les jurés à ignorer les journaux, dont la revue satirique Private Eye, qui a fait sa couverture en présentant Rebekah Brooks, à la longue chevelure rousse, comme une sorcière, à quelques jours de la fête d’Halloween.

Les médias se rebiffent

Devant l’ampleur des révélations, le gouvernement a décidé de réformer le système de réglementation de la presse pour éviter à l’avenir les dérapages. Les trois principaux partis (pouvoir et opposition confondus) se sont entendus sur un projet qui prévoit la mise en place d’un organe encadré par la loi et dont le conseil ne sera composé d’aucun rédacteur en chef en fonction. Mais la plupart des journaux y sont farouchement opposés. Hasard de calendrier, ils ont saisi mercredi la justice pour tenter de bloquer l’adoption de ce projet, qui entrave selon eux la liberté de la presse.
Ils doivent argumenter que leur propre proposition de réforme, prévoyant un système d’autorégulation renforcé, n’a pas été suffisamment étudiée. Si la Haute Cour accepte le recours des journaux, cela retardera d’autant la mise en place d’un nouveau dispositif.

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