Rodrigo Duterte © AFP

Rodrigo Duterte, surnommé le ‘Donald Trump d’Asie’, remporte la présidentielle aux Philippines

Le Vif

L’avocat populiste Rodrigo Duterte a promis mardi de lancer une campagne impitoyable contre la criminalité après sa victoire sans appel à la présidentielle, qui a mis au jour le ressentiment profond des Philippins envers l’élite. Florilège de ses déclarations les plus explosives.

Le maire de la grande ville méridionale de Davao a recueilli une avance insurmontable de 6,1 millions de voix par rapport à son rival le plus proche lors de l’élection de lundi et ses deux principaux rivaux ont reconnu leur défaite.

Rodrigo Duterte, 71 ans, a séduit avec un langage cru et des propositions expéditives sur deux des fléaux de la société philippine: la criminalité et la pauvreté.

« C’est avec humilité, une humilité extrême, que je l’accepte, ce mandat du peuple », a-t-il déclaré mardi à l ‘AFP. « J’éprouve de la reconnaissance envers le peuple philippin ».

Il a également tendu la main à ses rivaux, après une campagne de division outrancière qui a conduit le président sortant Benigno Aquino à l’accuser d’être un dictateur en devenir, capable de soumettre l’archipel au règne de la terreur.

« Je veux tendre la main afin que nous commencions maintenant le processus de guérison », a-t-il dit.

Le style du candidat, son irruption surprise sur la scène politique nationale et sa capacité à renverser les codes de la politique conventionelle ont fait que des commentateurs l’ont comparé au candidat républicain probable à la Maison Blanche Donald Trump.

Et Rodrigo Duterte a promis de tenir les promesses au coeur de sa campagne, à savoir en finir avec la corruption et la criminalité en l’espace de six mois.

Menaces de mort

En campagne, il a effrayé ses contempteurs mais séduit les foules en assurant, avec force discours émaillés de grossieretés, qu’il allait tuer des dizaines de milliers de criminels, jeter les droits de l’Homme aux orties et se grâcier lui-même pour meurtres de masse.

Il a usé mardi de termes moins provocateurs tout en soulignant néanmoins qu’une campagne de répression visant spécialement le trafic de drogue serait l’une de ses priorité, et qu’il était prêt au meurtre.

« Je le ferai (pour combattre le trafic de drogue), même s’ils m’accusent d’être un bourreau », a dit celui que les défenseurs des droits de l’Homme accusent d’avoir organisé à Davao des escadrons de la mort coupables d’avoir tué un millier de personnes.

« Regardez ce que j’ai fait à Davao. Je ne laisserai pas tomber les gens ».

Il a également mis en garde les policiers « ripoux ». « Si vous êtes un policier et que vous voulez continuer votre racket, il faudra choisir: soit vous me tuez, soit je vous tue ».

La commission électorale ne devrait pas proclamer officiellement la victoire de Duterte avant une semaine.

Cependant, les résultats publiés par le PPCRV, organisme de contrôle des élections de l’Eglise catholique, accrédité par la commission, montraient que Duterte ne pouvait plus perdre.

Après dépouillement de 91% des bulletins, l’avocat avait recueilli 38,68% des suffrages, Mar Roxas, adoubé par le président sortant 23,32% et la sénatrice Grace Poe 21,66%.

Les rivaux concèdent leur défaite

Aux termes du code électoral, le candidat arrivé en tête devient président. Le prochain chef de l’Etat prêtera serment le 30 juin.

Grace Poe, la fille adoptive de stars de cinéma, a rapidement concédé sa défaite. « Je félicite le maire Rodrigo Duterte et promet de le soutenir pour guérir notre pays et unifier notre peuple pour continuer de développer » les Philippines.

Mar Roxas a fait de même quelques heures après. « Je vous souhaite de réussir », a-t-il dit.

Le vaingueur de la présidentielle a fait les gros titres de la presse nationale et internationale avec ses discours vulgaires. Dans cet archipel catholique à 80%, il a été jusqu’à qualifier le pape François de « fils de pute ».

Il s’est constamment vanté de ses relations adultères, a suscité le dégoût avec une plaisanterie sur le fait qu’il aurait aimé passer en premier pour violer une missionnaire australienne lors d’une émeute dans une prison de Davao en 1989.

Malgré tout, les analystes s’attendent à ce qu’il mette de l’eau dans son vin une fois au pouvoir et estiment qu’une campagne de meurtres est peu vraisemblable.

« Les assassinats extrajudiciaires, la négation des droits de l’Homme, il ne peut pas le faire car cela provoquera encore plus d’instabilité et de chaos, et c’est ce qu’il ne veut pas », juge Earl Parreno, analyste à l’Institut de la réforme politique et économique ».

« La campagne, c’était du théâtre, il exagérait pour faire passer le message ».

Rodrigo Duterte, le florilège

Rodrigo Duterte a séduit ses fans et effrayé ses contempteurs avec des propos vulgaires et des menaces de mort proférés tout du long d’une campagne outrancière. Voici cinq des déclarations les plus explosives de Rodrigo Duterte, avocat et maire de longue date de la ville méridionale de Davao.

M. Duterte est connu dans l’archipel sous le sobriquet de « Dirty Harry », d’après le personnage de dur joué par Clint Eastwood dans la série des films policiers « Inspecteur Harry ».

Plaisanterie sur le viol

« Ils ont violé toutes les femmes (…) Il y avait cette missionnaire australienne (…) J’ai vu son visage et je me suis dit, +putain, quel dommage. Ils l’ont violée, ils ont tous attendu leur tour+. J’étais en colère qu’ils l’aient violée mais elle était si belle. Je me suis dit, +le maire aurait dû passer en premier+ ».

Déclaration faite en avril, au sujet du viol et du meurtre d’une missionnaire lors d’une émeute en 1989 dans une prison de Davao.

« Le pape, rentre chez toi »

« Ils nous a fallu cinq heures pour aller de l’hôtel à l’aéroport. J’ai demandé qui on attendait. Ils ont dit que c’était le pape, je voulais l’appeler. Le pape, fils de pute, rentre chez toi. Ne viens plus en visite ».

Déclaration datant de novembre, sur la visite en janvier 2015 du pape François dans l’archipel.

« Engraisser les poissons »

« Je ne veux pas commettre de crime, mais si par chance, Dieu me met (à la présidence), faites attention. Le millier (de personnes présumées tuées) deviendront 100.000. Les poissons de la baie de Manille vont engraisser. C’est là que je mettrai les corps ».

Interview de juin 2015 où il explique son projet de lutter contre la criminalité par le meurtre de délinquants.

Quels droits de l’Homme ?

« Oubliez les lois sur les droits de l’Homme. Si je suis élu président, je ferai exactement ce que j’ai fait en tant que maire. Vous, les dealers, les braqueurs et les vauriens, vous feriez mieux de partir. Parce je vais vous tuer ».

Dernier meeting de campagne le 7 mai.

Viagra

« J’étais séparé de ma femme. Je ne suis pas impotent. Qu’est-ce que j’aurais dû faire? La laisser pendre à jamais? Lorsque je prends du viagra, elle se lève ».

Discours prononcé en avril devant les plus grands hommes d’affaires du pays.

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