© Reuters

Riga, un sommet pour rien

Muriel Lefevre

Le sommet européen autour du partenariat oriental a largement privilégié la forme sur le contenu. Si de très nombreux chefs d’État étaient présents, on y a surtout parlé de la Grèce et de l’Angleterre.

C’est dans une capitale lettone barricadée que se sont réunis, ce 21 et 22 mai, 25 chefs d’État pour discuter du partenariat oriental. Lancé en 2009 à Prague à l’initiative de la Suède et de la Pologne, ce partenariat souhaitait mettre sur pied un statut permanent d’association avec 6 anciens pays du bloc soviétique soit l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine. Néanmoins, suite au fiasco de sommet de Vilnius en 2013 – qui voit l’Arménie et l’Ukraine céder aux pressions russes en refusant de signer l’accord – les ambitions initiales ont fondu comme neige au soleil. En effet si le partenariat n’est pas enterré, il n’est pas loin d’être moribond. Du moins dans sa forme première.

Il faut dire que les choses ont bien changé en six ans. Le refus par le président Viktor Ianoukovicth de signer l’accord va entraîner les événements de Maïdan et un changement de régime en Ukraine. S’en suivra l’annexion de la Crimée par la Russie. Une annexion qui coutera à Moscou de nombreuses sanctions.

Au-delà de l’Ukraine, une forte évolution des états d’esprit au sein de quelques-uns des 5 autres pays va aussi changer la donne. L’Azerbaïdjan, riche en pétrole, souhaite rester libre tout en se disant plus proche de la Russie. L’Arménie et la Biélorussie ont rejoint l’Union économique eurasienne, le projet « concurrent » mené par Moscou. La Biélorussie et sa situation politique peu fréquentable viennent encore un peu plus parasiter le projet.

Tout cela fait que face à une Russie hostile à toute « intrusion » dans sa sphère d’influence, et malgré la signature de l’accord par l’Ukraine en 2014, le bateau du partenariat oriental prend l’eau de toutes parts.

Photo de famille à Riga
Photo de famille à Riga© Reuters

Au point que ce sommet de Riga, privilégiant la forme sur le contenu, avait tout d’une coquille vide. Les déclarations du président du conseil européen, le Polonais Donald Tusk, sur le fait que l’Union « maintiendra le cap du partenariat avec l’Est malgré les intimidations et l’agression » ne font guère illusion. La tendance serait plutôt à la prudence, voire à la marche arrière toute, pour ne pas froisser les susceptibilités russes.

Avec une Russie, qui ne veut rien lâcher, l’Europe marche effectivement sur des oeufs. Et c’est sans doute cela qui explique une telle représentation de chefs d’État à Riga alors que la question du jour n’était somme toute pas de première importance. Il s’agissait de la levée éventuelle de l’obligation de visas pour les citoyens de ces six pays souhaitant se rendre dans l’UE. Et ce, afin d’encourager à la coopération en matière numérique et inciter aux réformes institutionnelles. Un ordre du jour d’autant plus « léger » que les Européens, souhaitant là aussi ménager la susceptibilité russe sur le sujet, avaient déjà annoncé qu’ils renonçaient à assouplir le régime de visas pour l’Ukraine et la Géorgie. L’argument étant que cela provoquerait un afflux de travailleurs venant de l’Est. Qu’importe si cet assouplissement avait déjà été accordé à la Moldavie.

Donald Tusk à Riga
Donald Tusk à Riga © Reuters

Lors de ce sommet de Riga, il n’était donc plus question d’un partenariat avec un bloc de six pays, mais plutôt d’un régime de différentiation, de rapport cousu sur mesure avec chaque pays. L’Union européenne avoue par ce fait ouvertement qu’elle abandonne toute velléité d’élargissement vers l’Est. Pour preuve, elle préfère désormais parler de rapprochement. Les dirigeants présents ont donc martelé qu’il n’était nullement d’actualité d’intégrer ces pays à l’Union européenne, rappelant au passage que ce partenariat n’est pas dirigé contre la Russie. Et si le message est à ce point limpide, ce serait afin de « ne pas éveiller de fausses attentes auxquelles, plus tard, nous ne serons pas en mesure de répondre » a précisé Angela Merkel à l’ouverture du sommet. La déclaration finale du sommet fait état du « droit souverain de chaque partenaire à choisir librement le niveau d’ambition et les objectifs auxquels il aspire dans ses relations avec l’Union européenne ». Soit une formule diplomatique qui met en avant le caractère à géométrie variable du Partenariat oriental.

Il n’empêche que la déception est grande parmi ceux qui comme l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie souhaitent ouvertement rentrer dans l’Europe. Ce fléchissement risque de décourager les bonnes volontés dans ces pays qui éprouvent pour certains une vraie excitation envers l’Europe.

Charles Michel à Riga
Charles Michel à Riga © Belga

Charles Michel précise, lors d’une réunion avec la presse belge et en clôture de ce sommet européen sur le partenariat oriental, que « l’Europe tenait avant tout à réaffirmer le lien de l’UE avec ces pays, et ce malgré l’ombre de la Russie. Supprimer toute ambiguïté avec son voisinage à l’Est est un signe de franchise envers ces pays. Dans cette optique, on a donc réaffirmé à Riga, et de manière claire, qu’il n’est ici nullement question de premiers pas vers l’entrée dans l’Union, mais plutôt d’un éventuel partenariat économique solide et de qualité. C’est aussi une occasion de répéter le principe du plus-plus. Au plus les pays s’engagent vers le progrès, au plus ils bénéficieront d’aides et d’encouragements. Même s’il s’agit aujourd’hui de voir cela de manière individuelle, pays par pays. Pour l’Ukraine, par exemple, il s’agit de veiller à l’application par toutes les parties de l’accord de Minsk II, en insistant de façon solidaire sur l’importance de l’intégrité territoriale tout en veillant à garder le canal diplomatique ouvert pour éviter l’escalade.  »

Les vraies discussions se déroulaient en coulisse

Devant le manque d’avancées sur l’objet principal de ce sommet, deux autres sujets se sont invités aux discussions informelles: la Grèce et un éventuel « Brexit ».

Le premier a été évoqué lors d’une réunion informelle jeudi soir entre avec Angela Merkel, Alexis Tsipras et François Hollande. « Les échanges se sont centrés sur la volonté d’aboutir à un accord sur le programme en cours » visant à soutenir les finances grecques. Les trois dirigeants, selon l’entourage du chef de l’Etat français, « se sont mis d’accord sur la nécessité que les autorités grecques poursuivent leur travail avec les trois institutions » créancières, à savoir l’UE, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international, convenant de « rester en contact étroit dans la période à venir ».

Riga, un sommet pour rien
© BELGA

Côté grec, on a aussi souligné « l’atmosphère constructive » de la réunion, ajoutant que chacun des trois dirigeants avait convenu « des progrès significatifs » accomplis. Dès son arrivée Charles Michel avait pour sa part rappelé « qu’il est essentiel qu’Athènes respecte ses engagements alors que des échéances importantes arrivent pour l’État grec. »

Le deuxième sujet à faire bruisser les allées du sommet était l’Angleterre et les suites de la réélection de Cameron. Le premier ministre anglais avait en effet annoncé dès son arrivé qu’en « travaillant ensemble », les 28 étaient en mesure d' »améliorer l’Union européenne ». Dans ce cadre il souhaitait sérieusement commencer à discuter avec les autres dirigeants pour réformer l’UE et renégocier la relation du Royaume-Uni avec l’Union.

Riga, un sommet pour rien
© Belga

Il aurait cependant fait chou blanc à Riga puisque selon Hollande « le sujet n’aurait pas été abordé, car ce n’était ni l’endroit ni le moment. »

Ce qui n’empêchera pas Cameron de se dire « déterminé » à renégocier les termes de l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE. Et ce avant un référendum sur un éventuel « Brexit », soit la sortie, ou non, du Royaume-Uni du groupe des 28. Ce dernier devrait prendre place d’ici la fin 2017. Cameron concède qu’il est conscient qu' »il y aura beaucoup de bruit, beaucoup de hauts et de bas chemin faisant ».

Riga, un sommet pour rien
© Reuters

Pour Charles Michel, « David Cameron doit faire preuve de clarté. L’ambiguïté n’est pas une bonne chose sur la durée ». S’il rejoint le premier ministre britannique sur son désir de réforme, il tient à ce que les vingt-huit se concentrent en premier sur des avancées économiques et sociales. « On ne peut pas se permettre une sorte d’introspection technocratique par laquelle on se demande pendant plusieurs mois s’il faut amender tel alinéa de tel traité », estime le premier ministre avant de réaliser un parallèle entre ce débat et la situation en Belgique. « Quand on se penche sur l’institutionnel, on n’arrive pas en même temps à faire de bonnes choses en termes économique et social » conclut-il.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire