Des civils fuient un quartier d'Alep pour échapper aux bombardements du régime, le 29 novembre. © JAWAD AL RIFAI/ANADOLU AGENCY/GETTY IMAGES

Rétro 2016 : Alep, tournant de la guerre

Tombée pour les uns, libérée pour les autres, Alep est à nouveau sous contrôle du régime syrien. Mais la guerre n’est pas finie pour autant. Pas plus que le combat contre l’Etat islamique, en Syrie comme en Irak.

Avec la reprise de contrôle de l’est d’Alep, aujourd’hui exsangue, les forces loyales à Bachar al-Assad en ont chassé les rebelles qui l’occupaient depuis 2012. La ville est-elle  » tombée « , comme le regrettent les opposants, qui dénoncent des exécutions sommaires ? Ou a-t-elle été  » libérée  » comme le clament de nombreux habitants tout à la joie de la fin des hostilités ? Tout dépend des points de vue, qui s’avèrent irréconciliables.  » C’est la fin de la révolution, on ne peut plus gagner « , en conclut l’écrivain en exil Yassin al-Haj Saleh. La rébellion, soutenue par l’Occident et les monarchies du Golfe, n’aura cessé de buter sur le monolithisme d’un régime, renforcé par l’entrée en scène de la Russie.

En l’absence de sources indépendantes, l’histoire du siège d’Alep n’a pas encore pu être reconstituée. Combien de civils étaient-ils coincés ? Personne ne peut le dire avec précision. Pas plus que le nombre de victimes. Ni l’identité des rebelles, tant la frontière est restée poreuse entre les différents groupes. Sur ce sujet, les experts s’étripent. Pour le chercheur Fabrice Balanche (Washington Institute), la majorité d’entre eux était liée à une coalition salafiste- djihadiste, incluant le Front Fatah al-Cham (ex-Front al-Nosra, affilié à Al-Qaeda).  » Il n’y a pas de groupe laïque à Alep-Est depuis 2012-2013, indique-t-il à La Croix. Tous ont été éliminés par les islamistes.  » En revanche, son collègue Thomas Pierret (université d’Edimbourg) estime que la majorité relevait de l’Armée syrienne libre, et donc de l' » opposition modérée « . Tous sont néanmoins d’accord pour dire que Daech n’était plus à Alep, après avoir été évincé par les autres groupes.

La fin de la révolution ne signifie toutefois pas la fin du conflit. Si le régime contrôle désormais les trois grandes villes, Damas, Alep et Homs, les rebelles occupent encore la province d’Idlib, ainsi que plusieurs poches, notamment autour de la capitale. L’Etat islamique est toujours présent dans son fief de Raqqa, aujourd’hui assiégé par une alliance arabo-kurde soutenue par les Etats-Unis. Il a aussi réoccupé à la mi-décembre Palmyre, neuf mois après en avoir été chassé par l’armée syrienne, et sans que les forces de la coalition internationale ne soient intervenues. Quant aux Kurdes, ils gèrent de larges pans de territoire, mais ont conclu avec le régime un pacte de non agression. Aussi, ce n’est pas demain que la Syrie retrouvera son unité, d’autant que les forces loyalistes ont tendance à s’essouffler après cinq ans de guerre. Elles n’auraient pas pu vaincre à Alep sans l’apport de l’aviation russe et des milices étrangères, notamment iraniennes.

Pendant ce temps, à 600 kilomètres d’Alep, une autre ville est assiégée : Mossoul, en Irak, occupée par l’Etat islamique. Même scénario : les forces régulières tentent de reprendre possession de cette mégapole, avec l’appui de bombardiers de la coalition internationale dont la Belgique. Les victimes se calculent par centaines, sans susciter autant d’indignation qu’à Alep. Or, d’après Human Rights Watch, des milliers de femmes sont détenues illégalement, battues, violées, voire exécutées, par les forces de sécurité. Chape de plomb également sur le Yémen, où, rapporte The Guardian, les Saoudiens, alliés des Occidentaux en Syrie,  » massacrent dans l’indifférence internationale  » : en vingt mois, la guerre contre les rebelles houthis aurait causé la mort de 10 000 civils et laissé la moitié du pays au bord de la famine.

Que réserve 2017 ? En Syrie, les négociations de Genève sont presque devenues sans objet. Mise en échec, l’opposition non djihadiste ne peut plus prétendre au pouvoir, si tant est qu’elle ait constitué une alternative crédible. Le vent a tourné, et les capitales occidentales ne se hasardent plus à exiger le départ d’Assad. Aujourd’hui, la Russie monte en puissance dans la région, et noue des partenariats avec la Turquie, l’Irak et l’Iran. Le Conseil de sécurité de l’ONU est, lui aussi, appelé à changer de configuration, avec une majorité d’Etats qui devraient se montrer moins hostiles à l’égard de Damas. A commencer par les Etats-Unis de Donald Trump. Pour eux, l’objectif prioritaire devrait être l’éradication de l’Etat islamique, en laissant la Syrie aux Russes.

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